Essai sur l'art de ramper à l'usage des courtisans - le baron d'Holbac ****

Ce petit livre est extraordinaire, d'où ma gêne à en parler surtout au vu de son nombre de pages restreint (exactement quinze, cinq fois son prix en euros) sans risquer la paraphrase ou le résumé. Déjà un titre très évocateur et suffisamment provocateur pour me plaire, Essai sur l'art de ramper à l'usage des courtisans, à l'image d'une prose fraîche et si contemporaine, fait remarquable pour un livre publié en 1790, un an après la mort de l'auteur. Comme quoi, les temps changent, les habitudes demeurent !
Le baron d'Holbac nous décrit cet animal politique qu'est le courtisan, appelé Homme de Cour et présente les qualités inhérentes au bonhomme pour rester à l'ombre du pouvoir mais suffisamment près (et même tout tout près) : subir les foudres souveraines sans faillir (en gros, avaler des couleuvres), changer d'avis comme de chemise (en bon opportuniste qu'il se doit d'être, le mieux restant de ne pas avoir d'avis), page 20 «être l'ami de tout le monde, sans avoir la faiblesse de s'attacher à personne» (la traîtrise lui plaira : certains ont plutôt bien réussi), connaître la bienséance pour charmer (et rester... au pouvoir), etc. S'en suivent une courte biographie et la bibliographie de cet auteur méconnu mais prolifique décédé l'année de la Révolution française.
Comment ne pas restituer ce texte à certains hommes politiques, toujours enclins à la sphère du pouvoir, pensant blanc un jour et noir le lendemain, torpillant leur candidat dans le but de se placer pour une élection future ? Comment ne pas aussi l'étendre à des humains plus terre à terre, ceux qui se couchent devant la moindre autorité pour y gagner quelques galons ? Car ne nous restreignons pas simplement au fait politique, le comportement décrit peut s'appliquer à toute personne veule, lâche et hypocrite que chacun d'entre nous peut rencontrer dans sa vie professionnelle ou personnelle, celle qui ne pense rien mais agit en sous-main.
Un texte riche et nourri, d'une profonde modernité... une lecture agréable et jouissive grâce à l'opération Un éditeur se livre de Libfly avec les Éditions Allia, que je remercie pour ce moment délicieux.

évasion musicale : L'opportuniste -Jacques Dutronc  (et oui, vous ne pouviez pas y échapper pour mon plus grand bonheur. Notre Jacques a mis en chanson les idées du baron)

6 commentaires:

  1. Excellent... tout comme toi les titres provocateurs et subversifs attirent mon regard et attisent ma curiosité!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci, Madame et en plus, lecture courte d'autant plus savoureuse !

      Supprimer
  2. Oh voilà qui me plait beaucoup...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, précis et jubilatoire, écrit par un noble éclairé, rare et précieux !

      Supprimer
  3. Oui, c'est vrai, les grands textes sont intemporels.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bien dit et bien résumé : j'acquiesce et applaudis !

      Supprimer