Purge - Sofi Oksanen *****

Purge, ça urgeait (voilà, ça, c'est fait !). Alors, quand Une Comète et moi, nous sommes décidées sur ce titre et avons motivé tout plein de copines, il était hors de question de retourner ma veste. De toute façon, ce livre s'imposait de lui-même : un chef d’œuvre, tout simplement !
La vieille estonienne Aliide n'a pas la fin de vie facile : vivant seule, confrontée de temps en temps à des jets de pierre sur sa fenêtre, v’là-t’y pas qu'une petite jeunette, Zara (oui, comme la marque de vêtements, mais je m'égare) pas très claire, vient taper l'incruste perturber son quotidien bien routinier, avec ses affaires louches de mari pas propre, lui non plus ! Bon, on l'a compris, les deux apprendront à se découvrir et à s'épauler tandis que leur passé se dévoilera à nous peu à peu. 

Ce roman est une grande réussite pour plusieurs raisons :
1) une écriture impeccable et une logique ahurissante tenant l'histoire jusqu'à la fin. On découvre l'ultime vérité au cours des dernières lignes, au point de se dire : « une relecture s'impose !» (avouez que rares sont les livres l'exigeant).
2) Sofi Oksanen présente une leçon d'Histoire sur l'Estonie (la patrie maternelle) et décrit subtilement les différentes étapes de mise en place des purges staliniennes : délation, enfermement, contrainte et menaces -cf la cave de la mairie- furent les procédés employés pour atteindre la soumission d'un peuple au régime soviétique, jusqu'à la déportation vers des camps de travail en Sibérie et la confiscation locale des propriétés et de la nationalité. Tout cela fut rendu possible par la collaboration active d'une minorité estonienne contre la majorité silencieuse (éternelle répétition historique).
3) À aucun moment, l'intrigue ne bascule dans le tout historique (pesant et lourd) ou dans le tout romanesque : l'auteure arrive de façon miraculeuse et talentueuse à mêler les deux domaines grâce aussi à des procédés littéraires reconnaissables et efficaces, scindant et rythmant les différents événements : lettres du paysan Hans, fils d'Eerik Pekk, multiples aller-retours entre les passés d'Aliide (années de 1935 à 1950) et de Zara (année 1991) et leur présent (année 1992).
4) C'est l'histoire d'un amour contrarié, d'une haine meurtrière qui va déraisonner un personnage et en déporter d'autres, de l’avilissement féminine auprès de proxénètes russophones, de la violence subie par une population estonienne malmenée qui n'a rien demandé à personne (tantôt occupée par les Allemands, tantôt par les Russes), de la manipulation et l'intimidation psychologique à des fins personnelles.
5) Une maîtrise parfaite des personnages : Aliide remarquable et inoubliable, complexe et complète en quête de rédemption, Zara tout à tour fragile, intelligente et douée d'une vivacité d'esprit lors de circonstances dramatiques, les personnages secondaires (surtout masculins) montrent leur candeur ou leur bravoure comme Hans, leur cruauté ou leur perversité comme Pacha, Lavrenti ou Martin.
6) Un beau roman pour nous rappeler la monstruosité des purges staliniennes, à l'instar des camps nazis : aucun idéal politique et aucune doctrine ne peuvent justifier ces génocides, la clémence ou l'indifférence internationales par rapport à la politique soviétique de l'époque et cette indulgence occidentale coupable à l'égard de dictatures rouges aussi meurtrières et fascisantes que les bleues/noires.  
7) Comme toujours, en temps de guerre, rien n'est simple, les lignes bougent continuellement, on ne peut faire confiance à personne, l'heure reste au silence et aux yeux baissés !

Et nous, pendant ce temps-là, nous les gardons bien ouverts : bravo, Madame Oksanen!

Traduction de Sébastien Cagnoli
Éditions Le livre de Poche   

Note personnelle : Cet ouvrage fit l'objet d'une lecture commune. Nous avons eu l'occasion d'échanger nos impressions via un forum de courriels, dont en voici quelques extraits : Aussi, Hélène Choco a adoré et s'est interrogée sur l'intrusion du communisme sur les mœurs et la vie quotidienne,  regrette, comme Miss Léo, que l'histoire de Zara n'ait pas été assez approfondie. Une Comète considère ce livre comme remarquable et difficile avec des moments éprouvants mais précise que cette lecture l'a remuée et qu'elle y pense de temps de temps. Anne a vraiment apprécié la scène d'ouverture du livre et attendait beaucoup de ce livre. Miss Léo a trouvé le livre très prenant, très riche et intéressant sur le plan historique et l'a lu en deux jours ! Sharon, très impliquée dans le STAR, devrait le terminer en temps et en heure : il ne nous reste plus qu'à découvrir son temps de lecture (j'ai envisagé 4 heures la concernant). 

Mais maintenant place aux avis de mes copinautes/blogocopines : je vous souhaite de belles visites !

à ma maison

 un de plus pour le Voisins Voisines d'Anne et Littérature au féminin d'Anis, ouverture du Littératures nordiques de Myiuki                                                      

34 commentaires:

  1. Merci pour le partage Phili !! Et bravo pour ce beau billet. Tu trouves Martin pervers toi? Dégoûtant oui... J'ai eu l'impression qu'il aimait Aliide, son "petit champignon..."

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    1. Pervers dans son activité politique assurément et dégoûtant pour ce côté champignon venimeux ! Bises et merci pour cette LC.

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  2. Un très beau billet, très complet ! J'ai du mal à être aussi analytique quand le livre m'a remuée à ce point.

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    1. Je m'attendais tellement à pire et je trouve remarquable cette façon de ne pas donner de détails sur des scènes atroces, de les suggérer (bon, certaines sont décrites, il faut bien le reconnaître).

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  3. Ayé!!!! J'ai publié mon billet! Voici le lien : http://litteratureetchocolat.wordpress.com/2012/04/30/purge-de-sofi-oksanen/

    je suis très en retard aujourd'hui donc je lirai vos billets ce soir... bonne journée!! ;-)

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    1. Bravo, tu as tenu la date et ton article est génial : lien déjà placé)

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  4. Je trouve ton billet excellent ! Tu résumes à merveille mon propre sentiment sur le livre. :-)

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    1. J'ai un peu triché en reprenant tes mots dans les courriels ! Merci pour ta note de lecture et pour cette LC (une grande première pour nous deux avec Une Comète).

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  5. Pfiou, me revoilà! Meric pour cette LC, j'ai pris un plaisir énomre à dévorer ce livre. Ce que j'ai préféré : les détails du quotidien d'Aliide. Tous ces gestes millénaires appris par les femmes et que nous avons, en deux générations, complètement oubliés. faire des conserves, des confitures, protéger la viande des mouches, le kombucha (le fameux "champignon de thé", j'en bois j'adore ça et c'est excellent pour la digestion)... bref, je crois que rien que pour ça j'aimerais le relire! Comme quoi, les intérêts peuvent être assez inattendus dans les lectures... ;-) UN GRAND MERCI POUR CETTE LC!!

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    1. Merci encore à toi, ma belle pour ton humour,ton souci du détail si important dans ce livre (ah les mouches !). Je t'embrasse et suis ravie de renouveler l'expérience.

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  6. Une lecture qui m'a beaucoup, beaucoup marquée !

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    1. Merci, Clara, pour ce petit message touchant : oui, on apprend beaucoup, on réagit, ce livre ne laisse pas indifférent(e), un grand moment de lecture.

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  7. Je l'ai dans ma PAL quine descend pas assez vite alors que je n'achète plus aucun bouquin. Ton billet, très bien tourné, donne envie de le lire

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    1. Merci, zazy , j'espère qu'il te plaira auttant qu'à moi. Pour la PAL (vaste problème commun à nous toutes/tous), j'essaie aussi en vain de la descendre : les vacances m'y aident !

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  8. Dommage, je l'avais déjà lu à sa parution, sinon je l'aurais lu avec vous. Contente qu'il t'ait plu. Bonne semaine.

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    1. J'aurais été très heureuse de partager ce moment de lecture avec toi : une prochaine fois, j'espère ! Bonne semaine, Miss Catherine.

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  9. J'ai moi aussi beaucoup aimé ce roman et je trouve que tu en parles très bien.

    Il faudra que je lise son roman précédent (mais publié après en France) "Les vaches de Staline".

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    1. Merci, Adalana, et je suis d'accord avec toi : Sofi mérite qu'on ne s'arrête pas à Purge. Ma biblio possède Les vaches de Staline (je pense que je vais encore gonfler leurs stats). D'ailleurs on pourrait l'envisager en LC, si cela te dit ?

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  10. Oui, c'est un livre tout simplement génial et j'ai beaucoup aimé moi aussi.

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    1. D'ailleurs je fais référence à ton article lors de l'annonce de cette LC. Bonne semaine.

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  11. Un coup de coeur pour moi aussi. ;)

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    1. Oui, un livre inoubliable car complet (dans sa construction, dans sa narration, dans la richesse de ses personnages et des thèmes abordés et très documentés). Un grand bravo au jury Fémina d'avoir primé cette perle !

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  12. Sharon, bonne dernière : http://le.blog.de.sharon.over-blog.com/article-purge-de-sofia-oksanen-102943211.html

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    1. Merci, infiniment, Sharon : je m'en vais le lire immédiatement ! grosses bises

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  13. Un très beau billet pour un livre qui l'ai sûrement tout autant. Toujours pas lu.

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    1. Merci beaucoup : j'aurais été ravie de partager cette lecture avec toi.

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  14. Sinon, je rebondis sur d'autres commentaires : j'ai aussi les vaches de Staline dans ma PAL.

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    1. je crois qu'une petite LC se prépare avec moi, toi, Adalana et tous ceux /toutes celles qui le souhaitent.

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    2. Je suis partante (bien que les Vaches de Staline ne soient pas encore dans ma PAL) !

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    3. Ok, je vais écrire un petit message d'ici peu ! Merci, ma belle, pour ta participation à cette LC.

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  15. j'en suis au tiers de ma lecture dans le cadre du jury du livre de poche 2012 donc je ne peux pas encore dire que c'est un chef d'oeuvre car au premier tiers du livre je reste légèrement en retrait donc à lire cette chronique je me dis qu'à présent je vais me "délecter" dans cette lecture même si le thème des purges est angoissant

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    1. Le passé arrive et on se laisse happer par les histoires croisées. J'ai aimé ce livre complet et je souhaite le défendre. Je te souhaite le même bonheur de lecture. Bon courage pour la sélection.

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  16. Un roman qui m'a ennuyé, je n'ai pas accroché au style ni à l'histoire. Trop de descriptions inutiles (notamment la fille qui donne son bain à l'autre...). Je l'ai abandonné assez vite, sans regret.

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    1. Il faut dépasser un certain nombre de pages (cela arrive souvent dans certains bons romans). La mise en place est longue mais dès qu'on déroule les deux passés féminins, là on accroche vraiment (enfin pour moi).

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