Mãn - Kim Thúy ***

« Maman et moi, nous ne ressemblons pas. Elle est petite, et moi je suis grande. Elle a le teint foncé, et moi j'ai la peau des poupées françaises. Elle a un trou dans le mollet, et moi j'ai un trou dans le cœur. »

Un premier paragraphe du tonnerre, je me suis dit : « ça y est, j'ai trouvé le fameux bouquin qui va me sortir de ma léthargie actuelle ». Et puis non, tout compte fait, malgré un style intéressant et charmant. Je deviens de plus en plus difficile. Flûte, alors !
La jeune Mãn débarque au Canada suite à un mariage arrangé avec un restaurateur, natif aussi du Vietnam. Ses talents culinaires attirent la fidélité et la sympathie des clients. Très vite, sa rencontre avec Julie va singulièrement bouleverser sa vie.

La plume toute jolie imprègne le lecteur de l'exotisme des coutumes asiatiques : Kim Thúy profite de Mãn pour relater un passé douloureux (le conflit armé et les troubles civils : trois Maman pour élever l'héroïne), les traditions sexistes (la femme, simple faire-valoir de l'homme), la difficulté de l'exil et le défi de l'intégration. Entre souvenirs d'une enfance guère joyeuse et la transmission de l'art de la cuisine, la biographie de Mãn relate les grands bouleversements qu'a connus la société vietnamienne, dans et hors du pays. La si joliment nommée trouve prétexte à chaque mot traduit en entête de paragraphe pour aborder l'existence de son entourage : d'abord la Maman, puis Julie, Luc, son mari Phuong, Jean-Pierre et Lan, Hông et son enfant etc. Conjugalité, voisinage, adultère, chamboulement, succès, réussite, amitié, épanouissement, liberté, résignation, amour tout court  : la quête de chacun, l'envie de tous. Le lecteur s'ouvre aussi aux us et croyances locales largement détaillées dans ce roman, ce qui me semble être la qualité principale de cet écrit.

pages 34-35
« Maman détenait aussi le secret d'agrandir le nez. Les femmes asiatiques cherchent à augmenter la proéminence de leur os nasal en y insérant un implant de silicone alors qu'il suffisait à Maman de tirer doucement mon nez neuf fois chaque matin pour l'occidentaliser. Voilà pourquoi je m'appelle Mãn, qui veut dire « parfaitement  comblée » ou « qu'il ne reste plus rien à désirer » ou « que tous les vœux ont été exaucés ». Je ne peux rien demander plus, car mon nom m'impose un état de satisfaction et d'assouvissement. Contrairement à la Jeanne de Guy de Maupassant, qui rêvait de saisir tous les bonheurs de la vie à sa sortie de couvent, j'ai grandi sans rêver

Si chaque terme abordé amorce un nouveau virage à l'intrigue, mon ressenti global fut le tournis. Non pas la sensation fut désagréable, mais il me parut ardu de ressentir chaque protagoniste. Ce perpétuel zapping entre passé, présent puis entre différents personnages a eu l'effet de m'éloigner de l’œuvre, de ne pas la savourer comme un bon plat qu'elle décrit. Frustrant pour la gourmande que je suis.

Éditions Liana Levi

Lu grâce au LV de Zakuro (Libfly)que je remercie à cette occasion

avis : Jérôme, Marilyne, Keisha, Hélène, Luocine, Jostein,

et un de plus pour le challenge de Denis , de Coccinelle et de Sharon
Challenge Vietnam (->30 septembre 2014)

32 commentaires:

  1. J'avais beaucoup aimé "Ru" de cette auteure. L'occasion ne s'est pas présentée pour celui-ci, mais pourquoi pas si c'est le cas... (malgré ton avis mitigé - le thème m'intéresse).

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  2. Je l'ai lu aussi (http://enlisantenvoyageant.blogspot.fr/2013/11/man.html) et un poil déçue par rapport à Ru.

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  3. Comme toi, j'avais été séduite par la belle, puis déçue, ce texte m'avait paru manquer de fond un peu plus corsé, l'écriture en est douce, soit ... Du coup, je n'ai pas lu "Ru". Dans le genre grande saveur du Vietman, il y a "Terre des oublis" de Duong Thu Huong, un peu plus lourd, par contre !

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  4. J'avais tellement aimé "Ru", je lirai celui-ci aussi, en ne mettant pas la barre trop haut.

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    1. voilà, c'est ce qu'il faut faire. je n'attendais pas grand chose de Man mais je t'avoue avoir manqué de concentration et ce n'est pas bon signe.

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  5. Non, décidément, il ne me tente pas....

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  6. Merci pour ta participation au challenge.
    Lu et toujours pas chroniqué.

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  7. J'ai tellement aimé Ru que je n'ose pas lire celui-ci qui semble un chouïa plus décevant...

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    1. c'est l'impression générale de ceux et celles qui ont lu les deux romans. A toi de voir.

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  8. C'est bien que tu deviennes de plus en plus difficile je trouve^^ Moi j'avais beaucoup aimé ce texte tout en subtilité.

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    1. Je sais être exigeante et aussi fondre facilement : tout est question de style, de tempo, de rencontre aussi.

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  9. Tu es plus en nuances que d'autres commentaires. Je pense m'être mis sur la liste d'attente, je le lirai donc un jour ou l'autre.

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  10. A découvrir lors de mon prochain trip asiatique !

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  11. Je ne me souviens plus quel blagueur avait été très enthousiaste sur ce livre que j'avais noté ...tu l'es moins, mais pourtant, j'aime vraiment beaucoup l'incipit.

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    1. oui, l'incipit est franchement génial et donne envie. C'est pour cela que je me suis permise de le recopier.

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  12. Je me suis déjà fait la réflexion que la première fois que je lirai cet auteur je commencerai par Ru.

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  13. C'est dommage car tous les thèmes abordés son bien intéressants ! Bon dimanche, Philisine !

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    1. tu apprécieras peut-être plus ce roman que je ne l'ai fait.

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  14. Dommage... Mais lien noté pour le challenge Vietnam ! Merci de ta participation !

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    1. une semi-déception : mais j'ai bien envie de lire Ru ! bisous

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  15. Ru m'avait fait le même effet, joliment écrit mais voilà tout ! Question de sensibilité sûrement !

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    1. Je suis en train de le lire et ce n'est guère la joie : je crois qu'on va se rejoindre sur ce livre-là.

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