RL2016 # 1 : L'odeur de la forêt - Hélène Gestern *****

Pas simple de se reconstruire après le deuil d'un amour, lorsque les derniers moments de vie de l'être aimé ont été confisqués par une ex-femme jalouse et dérangée. Alors pour combler le vide, Élisabeth Bathori, historienne de la photographie, va se pencher sur une histoire familiale, celle de son héritage tombé du ciel, et tisser une quête qui l'emmènera aussi loin géographiquement (aux confins du Portugal) qu'historiquement (au vécu des tranchées et de la Gestapo) pour se rapprocher au plus près d'elle-même.

C'est un livre qui m'a fait mal de découvrir. Non pas que l'intrigue ne tienne pas ses promesses mais par la résonance et la description du manque de l'autre si profonde, si sensible. Je me dis qu'il faut malheureusement l'avoir vécu pour l'exprimer aussi authentiquement. J'espère me tromper parce que j'apprécie énormément l'auteure et la femme Hélène Gestern que j'ai eu la chance de rencontrer à Tourcoing il y a quelques années. Et je lui veux que du bien ! Cependant, sa dédicace à l'absent et certaines ruptures maladroites de temps de conjugaison marquent le trouble et le doute.

Notre héroïne, recroquevillée sur elle-même et en fin de dépression, est bien entourée : des collègues qui ne l'oublient pas et lui font confiance, des amis prévenants et discrets. Sa recherche épistolaire sur les secrets d'Albin et de Diane l'amènera sur de fausses pistes, sur des préjugés tenaces (comme le choix ingénieux du prénom Dominique) et bien sûr sur des mauvaises rencontres : l'échec participe aussi à la reconstruction, tant qu'il n'est pas violent. 

L'odeur de la forêt retrace des instantanés des deux guerres mondiales (la période des tranchées, l'occupation allemande) où la bravoure a côtoyé la pire vilénie. Au-delà des histoires mêlées (ne pas hésiter à faire un arbre généalogique : je n'en ai pas eu besoin mais il m'a fallu plus d'attention pour ce roman-ci que pour un autre), on se laisse porter par une intrigue complète, chargée en symboles, qui nous fait voyager. Hélène Gestern sait distraire son lectorat par des procédés littéraires (lettres, description de photos comme armes politiques, traduction d'un journal intime bien codifié par une mathématicienne qui n'a connu la gloire pourtant méritée, récit usuel etc). L'écrivaine nous rappelle un temps où les relations conjugales n'étaient pas toutes désirées, où la femme n'était qu'un sous-fifre de l'homme. Certes, il reste du chemin à parcourir mais je suis certaine de ne pas regretter cette période-là !

Un coup de cœur comme d'habitude avec cette romancière qui ne laisse rien au hasard et s'applique dans la précision de ses dires. Un roman qui m'a soulevée et m'a instruite. Je précise le nombre de pages conséquent (environ 700 pages) qui montre le talent certain de Hélène Gestern à intéresser la fan des courts romans que je suis ! 

Collection 1er/mille
Éditions Arléa

Lu en service de presse assorti d'une très douce dédicace : j'étais très en attente de ce quatrième roman.

De la même auteure :
       Eux sur la photo 
       La part du feu 
       Portrait d'après blessure 

Évasion musicale : Lost it to trying - Son Lux

et un de plus pour le challenge de Sophie Hérisson (1/6 dans la catégorie Découvreur 1%)

10 commentaires:

  1. Voilà un livre qui semble à la fois magnifique et terrible... merci et bonne soirée ☆

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  2. J'avais beaucoup aimé "Eux sur la photo", et quand j'ai vu ce nouvel opus, j'ai été tentée. Ton billet confirme qu'il faut le découvrir...

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  3. Il faut que je lise enfin Eux sur la photo, il m'attend...

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  4. Punaise, 700 pages ! Il faut avoir le temps et la disponibilité d'esprit pour s'y plonger. Mais tu en fais un coup de cœur, ça interpelle forcément !

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  5. Comme Gwen, j'avis beaucoup aimé Eux sur la photo donc je note !

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  6. Pas pour moi mais visiblement tu as aimé et c'est le principal. Bisous.

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  7. J'avais beaucoup aimé eux sur la photo et j'avais repéré ce nouveau roman, pas une lecture facile on dirait...

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  8. Je ne connais pas du tout ! Il y en a des auteurs à découvrir !
    Bonne fin de soirée.

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  9. Et moi qui ne connais pas cet auteur! Avec tout le bien que tu dis d'elle, je note son nom tout de suite pour la lire bientôt!

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  10. 700 pages, c'est vrai, mais je n'ai pas trouvé le temps long ! Sans doute grâce à ces procédés littéraires que tu cites qui contribuent à rendre cette histoire très vivante. Il ne me reste plus qu'à écrire mon billet sur mon blog et là, j'ai du mal car je ne sais pas par où commencer !

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