Lectures de la rentrée 2017 (littéraire ou pas) #2

Du côté du Nobel et de l'Islande et beaucoup de grandiose....

Les vestiges du jour - Kazuo Ishiguro ***

Couverture du livre « Vestiges Du Jour » de Kazuo Ishiguro aux éditions Belfond
Image captée chez l'éditeur
Oui, je sais, Les vestiges du jour a obtenu le prix prestigieux du Booker Prize 1989 et ma modeste notation de trois étoiles est juste lamentable. Oui, je sais, les descriptions minutieuses des conversations passées et imaginées sont incroyablement réussies. Oui, je sais, on s'y croirait dans cette avant-seconde guerre mondiale lorsqu'on parlementait avec des pantins d'Hitler en espérant qu'un esprit malade pourrait comprendre quelque chose à la diplomatie. Oui, je sais, tout est disséqué, évalué, remarquablement décrit. Oui, je sais, la société de castes et de classes y est particulièrement bien cernée : d'un côté les propriétaires, de l'autre leurs serviteurs, à commencer par notre héros, Stevens, majordome de son état qui a vécu une vie choisie de lui, soucieux du service rendu, oublieux de sa condition humaine (c'est ce qui nous arrive encore lorsque le métier prenant accapare tout notre esprit, et je sais de quoi je parle là). 

Alors pourquoi ces trois étoiles sans coup de cœur ?     
J'ai eu le sentiment de me faire avoir en beauté et de parfois m'ennuyer. Certaines répétitions de mots (en particulier, la première scène) ont eu le don de m'exaspérer (et ce n'est peut-être pas lié à l'auteur, Kazuo Ishiguro, mais à la traduction française?). Les anecdotes intéressantes de ce majordome, qui partent dans tous les sens, décrivent une époque révolue et sont entrecoupées par les aléas d'un voyage de Stevens. Je ne me suis jamais vraiment impliquée dans ce récit et j'ai tourné les pages en soufflant. Pire : se fier à la quatrième de couverture est illusoire, limite décevant, décrivant une intrigue qui n'a pas lieu d'être ici. Bref, je suis très très déçue et suis passée à côté dudit chef d’œuvre. 

Éditions Belfond
Traduction de Sophie Mayoux  
Emprunté à la biblio


Nocturnes - Kazuo Ishiguro *****

Nocturnes : Cinq nouvelles de musique au crépuscule par Ishiguro
Image captée sur le site Babélio
Cinq nouvelles de musique au crépuscule est le juste sous-titre réservé à ce très beau recueil de courts récits. Par une singularité littéraire, Kasuo Ishiguro rompt les intrigues en frustrant son lectorat. Certaines histoires sont poignantes (entre autres, l'entame et sublime Crooner qui conjugue union et célébrité) ou surprenants (Les collines de Malvern qui par leur beauté peuvent devenir un gouffre conjugal), d'autres jubilatoires (Advienne qui pourra. - dans cette galère, j'ajouterai - ou l'art de faire accuser un chien et de risquer sa peau). Nocturne transforme une opération chirurgicale en une aventure digne de James Bond (la dinde en plus !). Violoncellistes (des artistes pas assez reconnu.e.s) clôture le tout et me parait la moins réussie. Ce qui est impressionnant reste le mélange des genres et la qualité littéraire. Le rythme est alerte, l'écrit précis accompagné de l'horrible frustration (déjà dite en début de chronique) de quitter tout ce beau monde. Kazuo Ishiguro s'amuse avec son lectorat, s'emploie avec maestria à des intrigues farfelues. On a le sentiment peut-être à tort que l'auteur, en débutant une nouvelle ne sait pas où elle va le mener, et déambule en pleine confiance. Lors de plusieurs récits, on sent une rupture littéraire au milieu et un parti pris. Nocturnes narre des personnages cabossés par la vie ou prenant sciemment de mauvaises décisions. On assiste à leur dérive et leur façon de rebondir. Il y a une vraie fragilité et une fraîcheur à décrire les sentiments amoureux qui font plaisir à lire : Nocturnes est doux, tendu et foncièrement beau !     

Editions des Deux Terres
Excellente et magnifique traduction d'Anne Rabinovitch   
Emprunté à la biblio
 
Ör - Audur Ava Olafsdottir *****  (rentrée littéraire 2017 #4)
Ör
Image captée chez l'éditeur

Comme j'aime retrouver Audur Ava Olafsdottir, une de mes chouchoutes que je suis avec plaisir ! Ör signifie cicatrices, celles faites au cœur, celles faites au corps en temps de guerre par exemple. Dans ce roman, on retrouve les thèmes chéris de l'auteure : la paternité, la quête de sens et la réparation. Justement, notre héros mal en point (abandonné par sa femme, plus trop sûr des liens familiaux qui l'entourent, une mère en fin de vie) décide d'en finir. Mais pour ne pas faire de peine à ses proches, il part loin, cotôyer le pays le moins sûr du monde, en traversant l'océan, et en emportant avec lui une boîte à outils. Il y découvrira d'autres cicatrisés de la vie. 

Toujours enthousiasmant, l'univers d'Audur Ava Olafsdottir me (ré)conforte dans ce choix de littérature. Celui qui part là où on ne l'attend pas, celui d'une très grande classe, qui suggère plus qu'il ne décrit, abordant avec délicatesse et subtilité la condition féminine et masculine en temps de guerre. Chaque partie du récit est annoncée par une citation illustre ou bien un morceau du carnet de bord de notre héros, Jonas Ebeneser. C'est beau, frais, improbable. L'écrivaine a le don de la sincérité et de la concision : adepte des courts romans, j'acquiesce. Seule, la fin d'Ör est ratée de chez ratée, bouclée en trois mots donc décevante. Mais comme le reste est sublime, j'oublie cette fausse note...

Editions Zulma
Traduction inégalable de Catherine Eyjolfsson (merci, merci, merci !)
Acheté sous mes bons conseils (parce que je le vaux bien !)

De la même auteure (tous ses romans lus et approuvés) :  L'embellie     L'exception    Le rouge vif de la rhubarde    Rosa candida

13 commentaires:

  1. J'attends de lire Or avec impatience, je sais que je retrouverai cette auteur avec plaisir :-)

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  2. J'ai "les vestiges du jour" prévu en LC... ton billet n'est pas très encourageant et comme j'ai tendance à te faire confiance... "nocturnes" je l'ai lu il y a longtemps et j'avais aimé ( lointain souvenir...) BiSous !

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  3. "Vestiges" lu en V.O. - je reste sur un très beau souvenir.... !

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  4. J'avais vu Vestiges au cinéma et mon impression rejoint la tienne.

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  5. Le livre est peut-être ennuyeux pour les Vestiges du jour, mais le film est somptueux, du grand art, tout en sensibilité.
    ör à l'air vraiment bien, tu es de bon conseil alors ???

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  6. Deux romans du même auteur, prix Nobel, il est vrai. Deux ressentis très différents aussi.

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  7. Merci de me suggérer la lecture du recueil de nouvelles d'Ishiguro car, vous avez raison, il ne suffit pas de se contenter des Vestiges du Jour.

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  8. Je vais découvrir Ava Audur Olafsdottir cet hiver avec "Le rouge vif de la rhubarbe" et "Les vestiges du jour" me tente depuis un bon bout ! Il faudra m'y mettre.

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  9. Ör me tente bien surtout que je n'ai toujours pas lu cet auteur mais dommage pour la fin ratée! Bonne semaine!

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  10. J'ai hâte de lire le 'Or" ! Je garde un bon souvenir des Ishiguro, même si je les avais trouvé un peu froids

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  11. Salut Phili !
    Je note Nocturnes et pour Les vestiges... j'ai lu le livre après avoir vu le film. Cela a peut-être embelli ma lecture ! que j'ai beaucoup aimée. Mais, j'avais déjà en tête les personnages, les lieux, les temps de réflexion, la musique... toute cette lenteur qui donne une qualité supplémentaire à l'histoire.

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  12. Quant à moi, Vestiges du jour reste une très belle découverte littéraire et cinématographique !
    Quant à Ör, je sais que l'on va me l'offrir et je l'attends avec impatience. Quel dommage que la fin soit ratée.

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  13. Alors je ne participerais pas à la controverse du génie ou de l'ennui des Vestiges du jour car je ne l'ai pas lu.
    Concernant Audur Ava Olafsdottir, je l'ai lue à deux reprises et l'avait appréciée mais pour le roman cité, j'ai lu des avis mitigés et à lire que la fin serait ratée, j'hésite fortement. Affaire à suivre.

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