Je comptais lire « Charlotte » et finalement, j'ai découvert « Charlotte et David » : si le premier personnage était attendu, le second le fut moins et me parut de trop.
Charlotte décrit le parcours d'une petite fille allemande dont la famille maternelle porte une hérédité suicidaire conséquente. Victime innocente de ces disparitions funestes, elle vit dans le mensonge imposé par le clan. Ballotée par un père médecin accaparé par son travail et par des grands-parents constamment sur le qui-vive, Charlotte trouve une échappatoire dans l'art. Malheureusement, Hitler est au pouvoir et dicte les lois raciales concernant les Juifs : Charlotte, bien que peu pratiquante, va en faire les frais.
La prose choisie par David Foenkinos (une phrase par ligne, composée le plus souvent d'un sujet, d'un verbe et d'un complément d'objet, parfois renforcés par une proposition temporelle ou de lieu) ne nécessite pas une activité dense du cerveau et permet une adhésion rapide au contenu de l’œuvre. La vie de Charlotte Salomon m'a semblé très bien cernée, le contexte de l'époque correctement restitué. On suit le périple de cette héroïne avec la peur au ventre.
David Foenkinos n'épargne absolument personne (il est toujours bon de rappeler ces éléments historiques : la Shoah, extermination massive d'innocents n'aurait jamais eu cette ampleur sans la complaisance et le zèle coupable d'autorités extérieures à l'Allemagne nazie, françaises en particulier). Il rend hommage aux personnes dignes que furent les déportés, souvent confiantes lors des arrestations, avant de subir l'infamie. J'aurais pu aimer ce roman dont l'ambiance rappelle La splendeur de la vie de Michaël Kumpfmüller : je regrette sincèrement qu'il n'en soit pas ainsi.
Parce que David Foenkinos n'a pas évité deux écueils :
1) celui de sa présence dans le récit. Il a fait le choix d'imposer sa figure, afin d'expliquer sa démarche, comme avait procédé auparavant Delphine de Vigan dans Rien ne s'oppose à la nuit. Anecdotes relatées insipides, vide sidéral : David Foenkinos raconte le jour où il ne put entrer dans la chambre occupée par Charlotte/ dans le jardin d'Ottilie ou bien la fois où il passa devant l'immeuble occupé par le père de Charlotte, là où habituellement git une plaque en cuivre commémorative, mais comme le bâtiment subit des travaux de ravalement, eh bien la plaque avait disparu, alors David est déçu/frustré (et moi aussi, moi aussi, David, de lire des trucs pareils). Je peux entendre sa satisfaction à élaborer une telle œuvre, mais il n'avait pas besoin de nous montrer ses efforts : les détails de l'histoire de Charlotte parlent pour lui, sa façon de transcrire la vie de cette artiste ténébreuse et ultrasensible achève de justifier ses démarches bibliographiques, son enquête auprès des proches qui ont connu de près, de loin, par personne interposée, Miss Salomon. À la rigueur, s'il tenait vraiment à se faire mousser, il aurait pu rédiger un avant-propos pour expliquer ses intentions, sa façon de procéder. Bref, David ne souhaitait pas que Charlotte prenne toute la place : mauvais choix ! Parce qu'à trop parler de lui, on l'oublie, ELLE !
2) celui de l'écriture plate. N'est pas Annie Ernaux qui veut ! Il n'y a aucune musicalité dans les phrases : je n'ai jamais vu un tel désastre. Parfois, quelques pierres précieuses surgissent dans ce toc littéraire mais malheureusement, on a à peine le temps de les savourer, qu'arrive un couplet mineur/ dévastateur. Soit l'auteur a voulu rendre hommage aux poètes modernes en tentant une vaine imitation (et c'est raté), soit il s'est fait plaisir en s'exerçant sur un style qu'il maîtrise moins (et là, c'est une vraie cata). Résultat : Charlotte nous paraît aseptisée, sans corps : elle reste une ombre rarement accessible.
Restent les deux derniers mots : parfaits !
Éditions Gallimard
Rentrée littéraire 2014
emprunté à la biblio
en quasi-LC avec Sylire (à deux jours près )
Rentrée littéraire 2014
emprunté à la biblio
en quasi-LC avec Sylire (à deux jours près )
avis : Jérôme, Mango, Sandrine, Noukette, Estelle Calim, Carnet de lecture, Alex, Zazy, Malika, MTG,
Ok... Ton billet me laisse un peu songeuse. Plusieurs amies me l'ont recommandé et il devrait à force atterrir dans ma bibliothèque même si l'auteur ne m'attire pas franchement et ce que tu en dis ne me rassures pas vraiment. Mais c'est toujours bien de se faire sa propre opinion, non?
RépondreSupprimerJe comprends qu'il puisse plaire parce que la lecture est avantagée par le temps de l'indicatif et la composition ds phrases. Charlotte est une belle héroïne. Mais le tout ne m'a paru satisfaisant. Tu as raison, à toi de voir !
SupprimerUn presque coup de coeur pour moi... malgré les deux écueils que tu soulignes. Bizarrement ce livre a trouvé un écho en moi, une belle surprise !
RépondreSupprimerJe crois que j'ai lu tellement de livres forts sur le sujet (je parle de la seconde guerre mondiale) que j'attendais une éblouissante mise en perspective de cette sombre époque. J'ai effleuré Charlotte : j'aurais bien voulu la connaître mieux et un peu moins David.
SupprimerJe n'ai pas été convaincu par cet auteur pour l'instant. Je n'accroche pas avec son style. Il me manque quelque chose. Ton billet ne me donne pas vraiment envie de découvrir ce roman vers lequel je ne serais pas allée de moi-même du coup!
RépondreSupprimerIl m'a manqué la profondeur des personnages. C'est exactement cela : j'en suis ressortie très frustrée et en râlant beaucoup.
SupprimerTon billet est très clair et explique pourquoi je ne l'ai pas encore lu. Je me méfie de l'auteur ! Pourtant le sujet est lui très intéressant et je le lirai pour trouver quand même une petite trace d'elle, même imparfaite.
RépondreSupprimerJe pense que tu le liras un jour parce qu'il est relativement court. Ensuite, est-ce que tu l'aimeras ? Je ne peux pas répondre à ta place. Bises
Supprimerj'hésite encore... mais je finirai sans doute par le lire!
RépondreSupprimerOui, je le pense aussi. On bascule régulièrement dans la tragédie. Charlotte avait un lourd héritage familial.
SupprimerTu le notes malgré tout à 3 étoiles, il doit rester intéressants. Je l'ai reçu en cadeau à Noël, mais je n'ai pas de timing précis pour le lire.
RépondreSupprimerJ'ai apprécié certaines phrases très belles du texte (les fameuses pierres précieuses, noyées dans un ensemble un peu lourd et indigeste). J'ai aimé découvrir Charlotte Salomon même si, au final, j'y ai senti qu'une esquisse. Il manque l'affection : je n'arrive pas à comprendre comment il a pu bâcler ce stade-là.
Supprimereh ben dis donc ma Phili, tu n'y vas pas avec le dos de la cuillère ma parole. Ceci dit, tout ce que tout pointe me faisait peur à la base, et puis en suite j'ai lu tellement d'article hyper enthousiaste, que je me suis dit "mais oui ! pourquoi pas, puisqu'en plus ça se passe un peu près de chez moi". Et là, après un billet pareil, ben non en fait.
RépondreSupprimerLes auteurs qui ont du mal à laisser la première place à leur personnage m'exaspèrent, en plus, le style d' Ernaux ne m'enthousiasme vraiment pas, alors si c'est dans la même veine et en moins bien, franchement ce n'est pas la peine.
Bises
PS: j'aime assez quand tu tâcles ...;-)
Au contraire, j'aimerais que tu le lises, je serai ravie de t'entendre parler des gens « de ton coin ». J'aime beaucoup la prose d'Annie Ernaux : comme je te l'ai conseillé, lis L'événement. Après, je comprends que tu puisses être hermétique à son style. Bisous (je n'ai pas arrêté de râler en lisant Charlotte, catastrophée par le style, mon article s'en ressent forcément).
SupprimerOn est d'accord et ça me fait bien plaisir ;)
RépondreSupprimerL'écriture est plus que plate, elle me donne la désagréable impression que j'aurais pu en faire autant, c'est dire !
Quant à moi, j'aurais fait de mon mieux pour que mes phrases sonnent, sans trahir mon propos bien sûr. À quand ton roman ? Bises
SupprimerOn a tous hâte devant une telle humilité...
SupprimerJe te sens fâché, MTG ! Je me trompe ? Tu sais, on a le droit de penser que DF n'a pas travaillé assez son style : il s'est attaqué à de la prose, c'est bien mais j'ai trouvé la forme des phrases peu travaillée et peu chantante. Et toi, tu as le droit d'avoir adoré TOUT dans ce roman, non ?
SupprimerComme pour toi, ces deux détails ont été rédhibitoires pour ma lecture.
RépondreSupprimeroui, j'ai lu ton avis (qui renseigne un peu sur la fin, je trouve). Bisous
SupprimerOn ne peut pas dire que tu l'épargnes, David Foenkinos :-) En même temps, je suis totalement d'accord avec tes remarques, c'est un livre qui ne méritait pas ce tapage médiatique. Il a écrit tellement mieux...
RépondreSupprimerEt dire qu'il a obtenu deux prix littéraires : je ne comprends pas ! Si une femme avait sorti un tel livre, il se serait fait descendre en flammes. Mais là, tout va bien, c'est un mec qui écrit alors, forcément c'est exceptionnel !
SupprimerNous sommes d'accord, même si j'ai été moins virulente que toi.
RépondreSupprimerJe n'ai presque aucun souvenir de ce livre
Pour l'instant, j'ai quelques souvenirs mais bizarrement ceux qui me restent en priorité sont les interventions foenkinosiennes. Je te jure, tout ce boulot pour cela !
SupprimerC'est drôle, une de mes libraires voulait presque me le mettre de force dans la main mais j'étais très réticente (un seul Foenkinos m'a fait fuir) et ma mère, à qui on l'a offert en cadeau, l'a trouvé sans intérêt. Je n'ai vraiment aucune envie de lire ce livre !!
RépondreSupprimerTu pourras emprunter l'exemplaire de ta mère et le faire dédicacer à la foire du livre de Bruxelles. David est prévu dimanche. Bises
SupprimerAu bout d'une cinquantaine de pages, je me suis un peu lassée du procédé stylistique qu'utilise Foenkinos mais j'ai un avis moins tranché que le tien (et mon intérêt est revenu ensuite). L'autofiction, c'est son fond de commerce, il en est un des créateurs alors je m'attendais à ce qu'il soit présent dans son roman. Quant aux phrases courtes, je trouve ça intéressant d'avoir essayé de faire quelque chose de neuf. Cela ne m'a pas toujours convaincu, mais ça change, non ? (bon, d'accord, le changement ce n'est pas toujours mieux XD )
RépondreSupprimerLe style m'a fatiguée tout du Long, parce qu'il ne "sonnait" pas et cela m'a exaspérée. C'était bien de sa part d'essayer un nouveau stylée et j'aurais aussi apprécié moins de tics de sa part.
SupprimerJ'ai réussi à ne pas finir "les souvenirs" ... Une histoire de maison de retraite qui est bien triste ... Ben oui, mon gars ... Il n'y a pas que le style qui est plat, le propos est bien court....Alors sur un sujet pareil, je crains l'exaspération totale !
RépondreSupprimerBeaucoup ont aimé cette œuvre, d'autres moins et moi, nettement moins. J'ai trouvé l'héroïne touchante, intéressante : j'aurais voulu qu'elle et une histoire mieux écrite. Je suis exigeante, j'en conviens mais je pense que DF était capable de relever le défi.
SupprimerLe sujet m'attire forcément mais j'avais déjà un peu peur du style (je l'ai déjà feuilleté plusieurs fois dans ma librairie et je n'ai jamais accroché) alors tu ne fais que me conforter dans mon avis... Je tenterais peut-être en poche, et encore, je n'en suis pas sûre...
RépondreSupprimerTu peux aussi l'emprunter en biblio : je suis sûre que ta biblio municipale en a fait l'acquisition, non ? Bises
SupprimerLa blibliothèque ou j'étais longtemps inscrite n'avait pratiquement aucune nouveautés... Et la seule qui soit dans le coin de mon village (dans le village voisin) est minuscule, ce n'est pas là que je trouverais non plus ;0)
SupprimerFlûte alors ! je l'ai emprunté donc je ne peux pas te l'envoyer. Bisous
SupprimerJe ne suis pas du tout d'accord avec toi. Je trouve justement qu'il a laissé toute la place à Charlotte et que justement il a laissé tombé ses effets de style et pirouettes pour se concentrer à l'essentiel. Foenkinos me lassait et me saoulait à force de raconter toujours la même chose, je ne le lisais plus et là j''ai su que je devais essayer. Je ne connaissais pas Charlotte Salomon, j'ai lu d'autres livres sur elle depuis. Philisine, je crois que tu t'es faite avoir comme beaucoup en écoutant certains dire que c'était de la poésie en prose, alors que pas du tout...Foenkinos l' a bien expliqué. Franchement ta chronique est réussie, bien argumentée...par contre certains commentaires ici me hérissent les poils...bises et belle fin de semaine !
RépondreSupprimerOui, j'ai vu ton agacement mais je comprends aussi certains arguments. Tu as raison, je me suis fait avoir par la forme. Je reconnais mon erreur de jugement (concernant cette prose qui n'en est pas une). Mais je maintiens le reste. Tu as raison aussi, grâce à ce livre, on connaît maintenant Charlotte Salomon et c'est à mon avis, la plus grande réussite de ce roman.
SupprimerPhilisine, tu es d'une grande diplomatie...:D :D . Ceci étant, c'est le plus gros succès de Foenkinos en grand format et cela avant les 2 prix littéraires. Après, David Foenkinos ne sera jamais Albert Cohen ni Flaubert...:D :D
SupprimerJe pense que Charlotte est aussi un livre accessible au plus grand nombre : peu de pages, tout au présent de l'indicatif : notre cerveau ne tourne pas à plein régime avec cette lecture. Tant mieux pour lui, s'il a du succès. Et oui, tu as raison, il est très loin d'avoir le talent d'un Balzac, d'un Flaubert, d'un Mauriac etc et à la rigueur, ce n'est pas e qui lui est demandé.
SupprimerOh la la mon pauvre David... Ma Phili je le lirai quand même parce que c'est un auteur que j'aime. On verra bien. Bisous
RépondreSupprimerTu sais, le nouveau style que j'aimerais qu'il emprunte serait : écrire un livre sans une phrase sur lui, aucune ! Je pense qu'il en est capable et là, on pourrait oublier qu'il est lui, pour seulement admirer sa prose. Bises
SupprimerTa critique est vraiment intéressante. Son style est très à la mode, celle de l'enquête reportage, mi-récit-mi-reportage mi-roman. je suis en train de lire un roman construit un peu de cette manière. Foenkinos m'agaçait déjà avant alors du coup j'ai moins envie de lire ce livre.
RépondreSupprimerD'après ce que j'ai compris, ce serait lui qui aurait insufflé à la littérature moderne, l'intrusion des réflexions de l'écrivain dans son œuvre. Pourquoi si ces remarques sont intelligentes, portent un autre regard sur le texte, le complètent, lui donnent une belle énergie. Là, j'ai trouvé que les interventions de David Foenkinos tombaient la plupart du temps à plat, donc m'ont semblé totalement inutiles..
Supprimertu n'y vas pas avec le dos de la cuillère .Davis se prend une Charlotte en guise de tarte à la crème ...je gardais un bon souvenir de nos séparations mais là je vais passer mon tour . J'ai aimé ton billet pour sa sincérité. bises.
RépondreSupprimerTu devrais le lire pour te faire une idée : il est possible que tu sois sous le charme du contenu. Je ne donne que mon ressenti. Bises
SupprimerBon, je vais passer mon tour. Pas très envie de voir David dans cette oeuvre !
RépondreSupprimerelle semble faire l'unanimité au niveau des ventes ! bises
SupprimerNous n'avons pas fait du tout la même lecture... Moi, elle m'a émue, cette Charlotte.
RépondreSupprimermoi, un peu moins que toi : j'aurais adoré être émue par elle mais il n'a fait que l'effleurer.
SupprimerBon eh bien je vois que Foenkiki divise toujours autant !!! Mon ami MTG m'avait presque convaincu de lire celui-ci après la grosse déception que fut La Délicatesse (que dis-je, le calvaire !). C'est bien de ne pas être toujours d'accord et d'écouter les arguments des uns et des autres, cependant je ne supporte pas la vacuité dans un livre quel que soit l'auteur... Alors certes, celui-ci a le mérité de nous faire connaître Charlotte Salomon et D.F. s'est beaucoup investi dans l'écriture de ce livre, certes... Mais on ne se refait pas quand on a l'ego développé et une certaine superficialité... Je ne dis pas que je ne le lirais pas mais il n'y a pas urgence ! Et Mind et moi sommes toujours amis malgré nos grosses divergences littéraires, comme quoi !!! :D Bises ma Phili et bravo pour ce billet mordant et sincère !!! ^-^
RépondreSupprimerje crois que tu as parfaitement saisi ce qui me dérange dans la prose de cet auteur : j'aimerais plus de profondeur dans ses écrits. Ce qu'il propose ne me convainc pas complètement.
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