Ce que j'aime dans la lecture, c'est la proximité qui s'opère directement avec certaines autrices et certains auteurs, même si cela fait longtemps que je ne les ai pas lu.e.s, même si j'ai lu finalement peu d'eux et d'elles. C'est le cas de Jesmyn Ward découverte avec Bois sauvage.
Le chant des revenants est une diphonie littéraire incarnée par Jojo, un garçon de 13 ans (à l'instinct paternel très développé) et Léonie sa mère de 30 ans (restée "fille de" sans jamais avoir muté avec ses deux maternités).
Le chant des revenants raconte l'épopée de Léonie flanquée de sa tribu (Jojo donc et la toute petite Michaela dite Kayla, fillette de 3 ans) et de sa bonne copine, junkie comme elle, sur les routes pour rejoindre son cher et tendre (enfin son mec quoi), le père de ses enfants, son amour, celui pour qui elle vit, celui qui a pris tout son cœur et qui laisse des miettes à leurs deux enfants. Le trajet sera semé d'embûches et d'étapes, assez inquiétantes, parfois glauques mais pas trash.
Mais Le Chant des revenants est tellement plus que celà, riche de son fond thématique (la transmission, l'héritage, la rédemption, le pardon, les mythes, la parentalité), profondément ancré dans le Sud américain marqué à la culotte par la xénophobie et le racisme ordinaire, et terriblement actuel (l'arrestation du groupe par des policiers zélés et le plaquage au sol de Jojo rappellent des événements douloureusement récents).
Dans Le Chant des revenants, tout est question d'équilibre : si le sentiment d'amour parental est faiblard chez Léonie, il est renforcé chez Jojo, son grand-père et sa grand-mère maternels. Entre la mère et le fils, la connexion n'est pas verbale ni orale mais traverse les murs et s'effectue d'esprit à esprit.
J'ai tout aimé dans ce roman : la qualité littéraire et la belle traduction de Charles Recoursé, la capacité de Jesmyn Ward à m'évader dans différents univers, dans différentes dimensions. Et surtout quelle maîtrise, mais quelle maîtrise du récit !
J'ai apprécié être avec tous les personnages, d'effectuer ce road-movie (finalement ordinaire dans sa trajectoire, extraordinaire dans ses rencontres) en leur compagnie, de vivre les paysages, les époques, la fatigue, les corps éprouvés, l'histoire sociétale américaine, la chasse à l'homme, la cruauté et l'humanité, l'amour et le désarroi. J'ai été émue de découvrir les petits secrets de chacun et de chacune, leur faiblesse et leur force, leurs imperfections et leur résilience.
Tout est solaire, tout est clair-obscur dans ce roman, tout est somptueusement maîtrisé : chacun.e cherche sa voie, sa vérité, un sens à sa vie. Et pourtant tous appartiennent à la même lignée.
La violence tantôt physique tantôt verbale joue au jeu du chat et de la souris avec le lecteur : elle apparaît par surprise, se niche là où on ne l'attend pas où on croit à l'espoir et au pardon, elle choque et puis repart.
Le rythme de narration est à la fois lent et ténu, on ne s'ennuie pas, on est même complètement ferré.
Je n'oublierai pas de sitôt certaines retrouvailles familiales, deux familles unies par un couple mixte, deux ambiances.
Le Chant des revenants est un roman futur classique, un livre qui marquera son époque sans faire de vague ni d'éclat ni de propagande publicitaire outrageuse, juste par le talent de son autrice, par son humilité et sa singulière précision du détail, de tous les détails.
Cette œuvre parle de tout, de nous, suit la filiation des auteurs américains du Sud, sans les trahir mais avec une touche de modernité, dépeint la condition humaine comme à son époque l'a décrite Émile Zola.
Exceptionnel et prodigieux, ni plus ni moins !
Éditions 10/18 - 287 pages -parution du broché en 2017, parution du poche en février 2020.
Traduction remarquable de Charles Recoursé
de la même autrice :
Bois sauvage
Bois sauvage
Toujours pas lu alors qu'il est dans ma pal depuis sa sortie en grand format. Un roman que tu qualifies de prodigieux ça donne plus qu'envie de s'y plonger !
RépondreSupprimerIl est prodigieux et extraordinaire dans son ordinarité.
SupprimerTon enthousiasme me fait bien plaisir, ayant comme Jérôme ce titre dans ma PAL.. ton billet sur Bois sauvage me donne aussi envie de le découvrir, d'autant plus que j'ai l'impression qu'on en a très peu parlé.
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup ce que j'ai lu de Jesmyn Ward. Elle sait mettre une ambiance et des couleurs à son récit qui ne laisse pas indifférent.
SupprimerAh oui, quand même !!! ;-D Rien que ça.
RépondreSupprimerOui oui oui il faut ce qu'il faut...
SupprimerJ'ai beaucoup aimé et je suis d'accord avec toi : c'est un futur classique!
RépondreSupprimerSuper cool !
SupprimerTu me donnes encore plus envie de le lire !
RépondreSupprimerJ'en suis ravie et merci de ta confiance.
SupprimerOh oui, quelle lecture !! Cela deviendra un classique, tu as entièrement raison
RépondreSupprimerOn croise les doigts
SupprimerIl est noté depuis un bon moment. Yapluka .....
RépondreSupprimerYes !
SupprimerUne lecture plus mitigée pour moi. Merci pour le lien vers mon article.
RépondreSupprimerOk et avec plaisir
SupprimerQuelle belle chronique ! tu me donnes envie de le découvrir.
RépondreSupprimerJe le note ! bonne journée
Merci beaucoup
SupprimerUn livre qui fait écho à l'actualité donc.
RépondreSupprimerEn tout cas ta chronique donne envie de s'y plonger.
Merci de la découverte
Bonne soirée
Merci à toi pour ton chouette mot !
SupprimerEt bien, tu le vends bien !
RépondreSupprimerJe l'avais déjà repéré. Je surligne.