Les petits de Décembre sont au nombre de trois, trois adolescents (deux garçons et une fille) qui jouent au football sur un terrain, pas très loin de leur foyer. Malheureusement pour eux, leur plaine de jeux est convoitée par deux généraux, bien décidés à y implanter leurs futures demeures de retraités. Ce conflit de voisinage va prendre des proportions nationales et internationales inattendues.
Dans Les petits de Décembre, Kaouther Adimi dresse une révolte de la rue face aux nombreuses exactions de certains militaires algériens. Le terrain devient une parabole des luttes et des souffrances, un biais pour montrer son mécontentement face à une autorité privilégiée qui a utilisé sa position de force pour obtenir moultes droits à la propriété et usurper des permis de construire. Ces mêmes dirigeants usent de toutes les intimidations (chantage au procès, chantage à la destitution de décorations, chantage sur l'honneur) et diverses menaces (surveillance de réseaux sociaux, menace de fermeture d'un journal ou d'un parti politique, menaces sur les pères, flatteries auprès des mères) afin d'arriver à leurs fins et d'amadouer cette jeunesse fougueuse et peu contrôlable. Mais l'avantage de notre monde actuel est que finalement beaucoup d'événements filtrent hors du territoire national ; l'inconvénient est que la pression populaire internationale n'est pas toujours suffisante pour changer le diktat.
La rébellion infantile est suppléée par des jeunes adultes qui n'ont rien à perdre parce qu'ils n'ont rien à y gagner (au chômage, en désintégration sociale, pourtant diplômés) : leur fronde devient leur point de salut, le témoignage publique de leur conscience politique, de leur fierté, de leur honneur retrouvé.
Kaouther Adimi arrive parfaitement à décrire l'univers algérien, la corruption des élites, leurs bassesses : leur cruauté est égale à leur crédulité face aux sciences occultes, leur nuisance se mesure à leur capacité à imposer leur loi.
J'ai apprécié la lecture de Les petits de Décembre. L'écriture précise de Kaouther Adimi est toujours présente, sensible. Elle s'attache à décrire parfaitement la société algérienne et les post-attentats des années 1990. Mais il m'a manqué un souffle, un rythme (j'ai eu le sentiment de répétitions, d'une histoire qui évolue et glisse doucement, très doucement, trop doucement au point d'interrompre ma lecture pour découvrir un autre ouvrage et finalement revenir à ce roman.) Si les personnages sont parfaitement marqués et distincts, je ne me suis attachée à aucun.e d'entre eux : le fait de ne pas avoir un héros mais des héros (choix qui s'explique parfaitement) ne facilite pas l'attrait pour l'un.e ou pour l'autre.
Aussi politique et aussi ancré dans le réel que L'envers des autres, moins historique que Nos richesses, Kaouther Adimi construit un roman sociétal abouti qui donne en un temps donné une photographie d'un quartier/d'un pays avec des personnages hauts en couleurs (où les femmes prennent une large place avec un trio de grande envergure Adila-Yasmine-Inès), un quartier cosmopolite et vivant, où vit une opposition singulière à la Gandhi qui témoigne la grandeur d'âme de ses habitants et contraste avec le mépris des "grands" de cette fable moderne.
Éditions du Seuil
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avis : Clara
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