Une fois n'est pas coutume, je dévoile trop d'informations dans ce billet concernant Tess d'Urberville de Thomas Hardy : mon ressenti sur cette œuvre particulière, magistrale et grandiose, ne décolle pas de l'intrigue. Alors si vous souhaitez passer votre chemin et découvrir d'autres avis plus documentés et qui préservent les secrets, je vous conseille d'aller fureter du côté de chez Shelbylee ou de chez Natacha qui m'ont accompagnée pendant cette lecture commune et ont accepté mon retard de publication de deux jours !
Thérèse Durbeyfield, dite Tess, apprend par son père crédule et sensible à la généalogie flatteuse qu'ils proviennent d'une branche aristocratique (les D'Urberville) et que leur patronyme a subi quelque modification orthographique au gré des années. Suite à une coquinerie malencontreuse du destin, la jeune fille va se raccorder à l'autre branche plus fortunée, et même d'un peu trop près.
Thomas Hardy aurait pu sous-titrer Tess d'Urberville, La Mal-aimée (il a choisi Une femme pure, aimée trop tard) car rares sont les intrigues où la si belle et si pure héroïne puisse autant souffrir de la présence de deux nigauds à ses côtés : le premier, bellâtre malotru et immoral, envisage sa jouissance personnelle avant toute chose, confond foi et prosélytisme ; le second, plus subtil et très illogique, discourt plus qu'il n'agit, place la pureté virginale au-dessus de l'homicide, n'envisage aucune réparation de faute. Entre eux deux, Tess, qu'ils ne méritent pas.
Il y a une profonde intelligence de la part de l'auteur qui déroute son lectorat en jouant avec le Destin, en le fourvoyant avec des espoirs impossibles (il faudrait du cran pour surmonter tout cela et aucun des deux mâles en présence n'en a). Même, la fin tant décriée par certains critiques de l'époque, reste d'une logique implacable : Thomas Hardy plonge son roman dans l'amoralité, et Tess avec (pour qu'il y ait enfin consensus entre les protagonistes). Parce que la pureté doit se salir afin de rejoindre la communauté des mortels.
Tess d'Urberville est un roman profondément féministe, à l'honneur de celles qui résistent et serrent les dents, de celles qui subissent et assument l'infamie à la place de leur(s) lâche(s) compagnon(s) qui se carapate(nt) à la moindre occasion, très loin, le plus loin possible. Et l'époque n'est pas la seule responsable. Bien des hommes ont assumé l'injure, ont milité pour la cause féminine mais vous n'en trouverez pas dans ce roman-ci, où du moins lors de quelques moments pacificateurs. J'ai juste regretté que l'auteur « chargeait parfois un peu trop la mule ».
Le discours social de Thomas Hardy est le second pan de cette histoire de l'intime : l'écrivain décrit le passage à témoin entre la manutention et la mécanisation des travaux agricoles, la folie des rythmes jusqu'à l'épuisement des corps, le déplacement des travailleurs qui abandonnent l'idée de sédentarité (et de bien-être sécurisant) pour démarcher l'emploi de leur survie. J'ai souvent pensé à Émile Zola (en particulier avec L'Assommoir - sur le traitement de l'héroïne - et Germinal - sur les conditions forcenées de travail).
Thomas Hardy a osé choquer avec cette histoire universelle, fatigué de la censure imposée lorsque Tess d'Urberville parut au départ en feuilleton. Tel un esthète des mots, il laisse des images qui n'ont pas besoin de descriptif supplémentaire (la tâche sur le plafond, le drapeau noir, le carrosse des D'Urberville, Stonehenge, une lettre trop bien cachée, ...), des sous-titres explicites (Le Réveil de la vie, La femme paie, Le Converti...) et clôture par une transmission. Éblouissant.
Éditions Le Livre de Poche (cette édition offre une introduction et un dossier instructifs et éclairants d'André Topia).
Excellente traduction de Madeleine Rolland.
Thomas Hardy aurait pu sous-titrer Tess d'Urberville, La Mal-aimée (il a choisi Une femme pure, aimée trop tard) car rares sont les intrigues où la si belle et si pure héroïne puisse autant souffrir de la présence de deux nigauds à ses côtés : le premier, bellâtre malotru et immoral, envisage sa jouissance personnelle avant toute chose, confond foi et prosélytisme ; le second, plus subtil et très illogique, discourt plus qu'il n'agit, place la pureté virginale au-dessus de l'homicide, n'envisage aucune réparation de faute. Entre eux deux, Tess, qu'ils ne méritent pas.
Il y a une profonde intelligence de la part de l'auteur qui déroute son lectorat en jouant avec le Destin, en le fourvoyant avec des espoirs impossibles (il faudrait du cran pour surmonter tout cela et aucun des deux mâles en présence n'en a). Même, la fin tant décriée par certains critiques de l'époque, reste d'une logique implacable : Thomas Hardy plonge son roman dans l'amoralité, et Tess avec (pour qu'il y ait enfin consensus entre les protagonistes). Parce que la pureté doit se salir afin de rejoindre la communauté des mortels.
Tess d'Urberville est un roman profondément féministe, à l'honneur de celles qui résistent et serrent les dents, de celles qui subissent et assument l'infamie à la place de leur(s) lâche(s) compagnon(s) qui se carapate(nt) à la moindre occasion, très loin, le plus loin possible. Et l'époque n'est pas la seule responsable. Bien des hommes ont assumé l'injure, ont milité pour la cause féminine mais vous n'en trouverez pas dans ce roman-ci, où du moins lors de quelques moments pacificateurs. J'ai juste regretté que l'auteur « chargeait parfois un peu trop la mule ».
Le discours social de Thomas Hardy est le second pan de cette histoire de l'intime : l'écrivain décrit le passage à témoin entre la manutention et la mécanisation des travaux agricoles, la folie des rythmes jusqu'à l'épuisement des corps, le déplacement des travailleurs qui abandonnent l'idée de sédentarité (et de bien-être sécurisant) pour démarcher l'emploi de leur survie. J'ai souvent pensé à Émile Zola (en particulier avec L'Assommoir - sur le traitement de l'héroïne - et Germinal - sur les conditions forcenées de travail).
Thomas Hardy a osé choquer avec cette histoire universelle, fatigué de la censure imposée lorsque Tess d'Urberville parut au départ en feuilleton. Tel un esthète des mots, il laisse des images qui n'ont pas besoin de descriptif supplémentaire (la tâche sur le plafond, le drapeau noir, le carrosse des D'Urberville, Stonehenge, une lettre trop bien cachée, ...), des sous-titres explicites (Le Réveil de la vie, La femme paie, Le Converti...) et clôture par une transmission. Éblouissant.
Éditions Le Livre de Poche (cette édition offre une introduction et un dossier instructifs et éclairants d'André Topia).
Excellente traduction de Madeleine Rolland.
Je n'ai lu que "Jude l'obscur" (superbe) et j'ai "Loin de la foule déchaînée" qui m'attend, sans doute pour le mois anglais... et pourquoi pas ce roman ensuite ?
RépondreSupprimerJe note Jude l'obscur. Merci de ce conseil.
SupprimerDes années après cette lecture, je me souviens moins de l'intrigue, et des deux "nigauds" que des images, lumineuses, que tu évoques, même quand la lumière est en clair obscur ... Nom d'une pipe que c'est beau !
RépondreSupprimeroui, tout est très beau et si loin de ce que je peux lire parfois, mais c'est comme cela. La langue évolue.
SupprimerJ'ai aimé cette lecture, tout comme le film
RépondreSupprimermerci de ton passage.
SupprimerVoilà qui mérite d'être noté pour moi qui suis dans ma période "je retourne aux classiques"...
RépondreSupprimerEt d'autant plus si le texte se veut "profondément féministe".
Je retourne aux classiques : j'aime bien l'idée !
SupprimerNoté, je suis très tentée !
RépondreSupprimerchouette !!!!! Bises
SupprimerCe roman me fait peur. Le propos me semble sombre et le destin de Tess sans espoir. Je n'ai jamais lu Hardy, et je pense plutôt commencer avec "Loin de la foule déchaînée". Mais, si j'accroche au style de l'auteur, pourquoi pas ! A force de vous voir toutes unanimes sur ce roman...
RépondreSupprimerMerci à toi de t'exprimer aussi clairement, cela va me permettre de te répondre au plus juste. Ce roman présente des clairs-obscurs (comme l'a si bien exprimé Athalie) qui renforcent à la fois l'espoir et la noirceur. Tess mérite toute notre attention : c'est une héroïne absolue, magnifique, qui aime tout court : c'est un petit cœur ! Ce livre est grandiose parce qu'il raconte une époque, narre les mœurs de la campagne, les coutumes, le temps imposé par les saisons. Il n'y a pas de violence gratuite chez Hardy qui est un homme infiniment pudique : tous les moments violents sont suggérés (quand certains auteurs contemporains plongeraient volontiers dans le scabreux). Vas-y, teste Hardy sur La foule, mais tu pourrais aussi directement t'adresser à Tess comme je l'ai fait et mesurer le bonheur qu'on éprouve à lire une telle œuvre.
SupprimerJoli Billet, livre magnifique, un grand auteur ce Thomas Hardy, il porte bien son nom si je puis dire.
RépondreSupprimerPeut être liras-tu Jude l'obscur et peut-être trouveras-tu un homme digne à travers ce personnage-là.
Bon on ne t'arrête plus sur les classiques anglais !
Bisous.
Je fais une pause echenozienne : oui, je choisis sciemment mes reprises contemporaines pour compenser un éventuel choc. Goby, Echenoz, bientôt Bénégui : tout cela est très bon pour moi et mon moral ! Le futur classique anglais sera Emma de Jane Austen (pour le 20 avec Kidae : je l'ai déjà fini) et ensuite plus tard, Les Hauts du Hurlevent d'Emily Brontë, la sœur de Charlotte !!!! Et après, on verra bien !!!! Je trouve ces auteurs anglais infiniment gracieux, très classe dans la façon d'appréhender leur époque, leurs personnages : ils ne les torturent pas innocemment mais les montrent tels que l'âme humaine peut être.
SupprimerHa mais oui tu es à fond dans les classiques anglais dis donc ! Et tu as bien raison, tu choisis bien ! Je bave de te voir enthousiaste parce que j'ai déjà tout lu pratiquement (snif) ! Pas tout mais les titres que tu cites... Tess j'avais adoré et aussi le film avec Nastassia Kinski, avec une très belle lumière... J'ai Jude l'Obscur dans ma LAL (pas encore dans la PAL) car Mindounet l'a aimé et Somaja aussi (deux références différentes ^^). En revanche, nous n'avons pas les mêmes auteurs contemporains, il faudra que je teste Echenoz et Goby (tout de même !!!^^)...
RépondreSupprimerEn fait, pour la petite histoire sur me schoix, je suis allée à Batz sur mer en décembre et je suis entée dans une librairie géniale La Cède aux livres là-bas (j'encourage tout le monde à y aller). Je voulais acheter Rebecca de Daphné Du Maurier mais la libraire n'avait plus aucun exemplaire. Et c'est elle qui m'a conseillé Tess, Jane Eyre et Les hauts de Hurlevent. Donc je lui dois beaucoup, beaucoup de bonheur. Bises (Echenoz est génial, Goby aussi)
SupprimerJ'avais beaucoup aimé le film. Mais je dois avouer que le roman me fait peur.
RépondreSupprimerje pense que le film est très respectueux de l’œuvre. je l'ai vue il y a très longtemps et il ne m'en est rien resté. Bises
SupprimerJ'ai un souvenir très fort du film mais je n'ai jamais lu le roman. A tort, sans nul doute.
RépondreSupprimerUn très beau roman. Je me souviens aussi de ma peur de tomber sur un George Sand anglais... Mais c'est bien différent, plus noir et plus profond.
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