Eden - Audur Ava Olafsdottir (entre **** et *****)

Eden raconte l'itinéraire de vie et de réflexion d'une linguiste, Alba, en quête de grand espace (de préférence forestier) et de renaissance intime. Après la quête du terrain et de la maison qu'il faut, il lui reste à apprivoiser le voisinage tant humain que naturel, y marquer son empreinte et se fondre dans les us et coutumes locales. Mais Alba sait faire le ménage, construire et même instruire. Rien ne l'effraie, pas même une bicoque isolée et assaillie par les vents. 


Dans Eden, on retrouve la plume fantastique et fantasque d'Audur Ava Olafsdottir. Bien sûr, j'aime l'univers de cette autrice, ses descriptions, son humour, ses images qui restent, ses héros si attachants si bienveillants qui marquent l'esprit. Alors oui, avec Alba, on découvre son clan d'origine : son père, sa sœur parfois revêche mais souvent pleine de sollicitude, le meilleur ami de son père (si friand de conseils horticoles) et puis un absent très présent - le poète- et un présent qui prend de plus en plus de place -Danyel -. On apprend le petit monde de l'édition et de l'université (les entourloupes littéraires, les difficultés à trouver le juste titre ou à s'imposer à un poste), les traces du passé qui bousculent une évolution professionnelle ou qui suscitent la curiosité villageoise. Avec Audur Ava Olafsdottir, on ne sait jamais quel chemin on va emprunter. L'autrice a l'art et la manière de surprendre son lectorat par les réflexions qu'elle donne à ses personnages, par les situations. Avec Alba, on plante des arbres (beaucoup), on retourne la terre, on parle écologie et guerre de l'eau, on comprend l'importance des déclinaisons de la langue irlandaise et les façons de les contourner, on s'attache à la situation de migrants, on se passionne du troc local et on observe la vitesse de propagation du "tout se sait tout le temps".  

J'ai passé un super moment avec Eden, un livre plein de peps qui donne foi en l'humanité et en l'écriture. J'ai aimé les citations poétiques qui deviennent des plus-values de vente, j'ai aimé découvrir cette belle héroïne solaire et très attentive à ce qui se passe autour d'elle. Une vraie réussite (comme d'hab').

Éditions Zulma

Traduction par Éric Boury (bravo pour cette traduction fantastique et si énergique)

De la même autrice

La nuit des pères - Gaelle Josse (entre *** et ****)

Dans La nuit des pères, Gaelle Josse narre les retrouvailles d'un frère et d'une sœur au moment de la fin de vie de leur père. Longtemps proches, les remarques dures et désobligeantes du père à l'égard de sa fille ont eu raison de leur fraternité. Pourtant ces quelques jours passés ensemble vont permettre de comprendre davantage leur histoire familiale et le passé de ce père pour qui les longues randonnées en solitaire ou en groupe ont servi d'exutoire et de pansements mentaux.


La nuit des pères est une rencontre littéraire à l'image de toutes celles que propose Gaelle Josse, sympa, riche et ici plutôt sombre car on véhicule dans une âme humaine meurtrie abîmée (celle du père). Cette histoire n'est pas gaie-gaie mais elle est agréable à lire. La plume de Gaelle Josse permet rapidement la proximité avec les héros par plusieurs principes : l'usage du "je" et du "tu", les réflexions individuelles/monologues sous forme d'interpellations ou de confessions et puis les secrets qui se dévoilent en cours d'intrigue. L'écriture de Gaelle Josse fait le reste, comme toujours.

Dans les rapides -Maylis de Kerangal (entre *** et ****)

Dans les rapides est une œuvre très intéressante de Maylis de Kerangal, qui ose ici une prose saccadée, à la forme de paroles de chansons rock (ce qu'incarne le trio des trois jeunes filles - Nina, Lise et la narratrice, Blondie, dont le surnom est un hommage à la chanteuse Debbie Harry du groupe de rock éponyme - trio donc de jeunes femmes dont nous suivons l'ascension ou du moins l'évolution). Le style employé par l'autrice est à la fois très travaillé (chaque mot est posé) mais peut être exigeant aussi à lire. Parce que les expressions se suivent, se répondent mais pas toujours selon le leitmotiv sujet-verbe-complément. Cette cohorte donne un rythme de diction rapide (comme le titre), une prose adolescente, une prose toutefois imprégnée de l'univers musical qu'elle traverse. Chaque court chapitre débute par un titre de chanson, l'album s'y référant et éventuellement le nom de l'interprète. 


Dans les rapides, Maylis de Kerangal rend hommage aux chanteuses pop et rock de la fin des années 1970 (Debbie Harry, Kate Bush...), icônes modélisantes, séduisantes et précurseuses pour adolescentes inspirées. Dans ce roman, elle décrit une époque musicale révolue, à la fois destroy et profondément libre, innovante et musicalement essentielle (toujours pérenne). J'ai aimé découvrir le trio de petites nanas qui se cherchent, qui visent l'Amérique et débutent l'organisation, qui tentent l'aviron sans franc succès. À travers ce récit, Maylis de Kerangal aborde les premiers émois amoureux, les premiers rêves et montre aussi à quel point une époque fédère et marque les âmes (on retrouve l'ambiance de Noël en février de Sylvia Hansel). Cette lecture confirme qu'on est indubitablement rattaché à son enfance et à son adolescence elles deux empreintes à un monde musical incarné. Il n'y a pas d'ailleurs jamais de meilleure époque musicale que celle qu'on vit à ces âges, parce que chaque morceau est associé à un souvenir, à une émotion qui forme, qui construit l'adulte en devenir.

J'ai bien aimé Dans les rapides, mais j'avoue mon manque d'objectivité concernant Maylis de Kerangal : c'est une autrice dont j'affectionne l'écriture, la diversité des registres et des univers qu'elle explore. C'est une écrivaine qui ne cherche jamais la facilité et qui ne se limite pas à une façon d'écrire. Elle prend des risques et à chaque fois, je succombe. Mais je reconnais une chose : Dans les rapides exige une bonne attention et une bonne concentration de par la construction littéraire employée. Je loue en tout cas la richesse culturelle musicalement parlant que ce petit roman propose en si peu de pages *. C'est top (50... désolée, il fallait que je le fasse !)

Éditions Folio

* : autour de 110 pages dans cette édition

 de la même autrice : Canoës , Corniche Kennedy, Naissance d'un pont , Réparer les vivants , Tangente vers l'est , Un chemin de tables

 

La Photo du mois #107 : Panneau de direction

  Sur une idée de Blogosth

Beaucoup de destinations indiquées pour de nombreux sites à voir !

Allons repérer le panneau de direction de blogocopains et de blogocopines.: Blogosth, Agathe2bk, Marenostrum, Passiflore, Josydhoest, Marlabis, Cigalette, Christophe,...

Hurler contre le vent - Louise Sebillet ****

Hurler contre le vent est lauréat du Prix du roman non publié. J'ai découvert cette œuvre grâce à Gambadou qui m'en a parlé avec le plus grand bien et m'a motivée à l'achat. Ce que je n'ai pas hésité à faire puisque celui-ci m'a permis un échange très sympa avec l'autrice, Louise Sebillet, dont le talent de conteuse (et en particulier son souffle narratif, sa capacité à incarner les personnages, à poser les éléments du décor) mérite d'être appuyé et suivi par une maison d'édition installée.

Quoi vous dire d'autre que j'ai bien fait de suivre le conseil avisé de ma blogocopine et que Hurler contre le vent offre une lecture idéale à tout moment de l'année et en particulier l'été (soit en cours soit pour le prolonger).


Hurler contre le vent témoigne d'une vie ilienne avec ses habitants, ses contraintes, ses restrictions (notamment au niveau des services publics), d'une vie de proximité (où tout se sait et parfois tout se tait), une vie d'apprentissage, une vie fragile aux aléas humains douloureux et aux décisions municipales clivantes. Hurler contre le vent prend le prisme narratif d'une femme à deux moments de sa vie (lorsqu'elle est fillette -Ama-, lorsqu'elle est âgée - Amalia-). C'est un choix éditorial intéressant qui permet de mettre en perspective les émotions enfantines et la prise de recul d'adulte. 

Hurler contre le vent s'inscrit dans les contes bretons où une sorcière ou une magicienne n'est jamais très loin. Louise Sebillet donne une dimension écologique à son récit et décrit une enfance proche des éléments naturels. Les décors sont très bien décrits, on vit avec les personnages marquants, et l'autrice n'entre en aucune façon dans une forme de manichéisme. Pour un premier roman, Hurler contre le vent est une  grande réussite qui laisse longtemps planer une odeur littéraire teintée d'iode et de personnalités attachantes et hors normes. La prose mériterait un petit travail plus fin de relecture (à la fois grammatical et aussi dans l'analyse plus approfondie des situations exposées). Mais l'ensemble est très sympa et vivifiant. Hurler contre le vent, au titre somptueux et tempétueux, est décidément une très jolie découverte. 

Éditions Novice

D'autres d'avis : Gambadou