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BD : Jours de sable - Aimée de Jongh *****

Jours de sable est un roman graphique de pure beauté, tant par son graphisme précis, par sa palette chromatique, par son scénario blindé efficace et hyper construit, par le registre historique qu'Aimée de Jongh réinterprète à partir de faits et de photographies réelles, par ses planches qui rappellent les bandes dessinées de ma jeunesse avec un côté usité assumé et d'époque. L'histoire résume la période du Dust Bowl dans l'état américain de l'Oklahoma (période de dix années de sécheresse, sans pluie, dans un territoire connaissant des tempêtes régulières de sable, période concomitante à celle de la Grande dépression, période de grave crise économique entre 1930 et 1940). 

John Clark, jeune photographe en recherche d'emploi à New-York, obtient une mission de reportage par la FSA (Farm Security Administration - l'administration pour la sécurité agricole) : rendre compte en 1937 de la misère et des conditions des paysans vivant dans l'état de l'Oklahoma. John Clark relève le défi et va apprendre à vivre dans des conditions ultimes et à côtoyer une population peu habituée à rencontrer des étrangers dans son sol hostile.


Jours de sable offre une lecture fantastique : écrit riche, cette histoire questionne sur l'art de photographier sur commande, sur ce que les images apportent et à quel prix, sur les mises en scène qui trahissent plus qu'elles ne rapportent, sur les conditions âpres de vie : une poussière permanente qui envahit tout (la vaisselle, l'intérieur des maisons, les corps), qui ensevelit aussi (à la fois criminelle et tombeau). Aimée de Jongh propose aussi le parcours d'une vie : celui de John Clark qui vit à l'ombre et à l'identité de son père, un jeune homme qui a besoin de tous ces kilomètres pour retrouver sa propre essence.

Quelques images dans ce roman graphique qui truste déjà la première place de mon palmarès 2023 : des journaux en guise de tapisserie imperméabilisante, une pelle comme outil essentiel, la dignité des personnes photographiées et leur refus de laisser éclore une réalité travestie, les toux inquiétantes, la recherche d'eau et de nourriture, les tempêtes meurtrières qui obscurcissent tout.

En fin de recueil, Aimée de Jongh explique sa démarche (redit s'être inspirée de faits réels tout en recréant un scénario avec des personnages fictifs), indique les contextes historiques. Le travail bibliographique est immense, celui de repérer des images fortes et de construire une intrigue, sans trahir, sans surjouer, à l'aide de ses dessins entrecoupés de photos d'époque. Aimée de Jongh y arrive parfaitement : elle construit une œuvre romanesque graphique qui tient la route, qui informe et interroge sur l'effet mémoire (le témoignage est représenté à la fois par les images, les écrits, le travail des historiens, l'apport des photo-reporteurs et aussi les romanciers dont font partie l'autrice ou Steinbeck (dont il est fait mention notamment pour son œuvre Les raisins de la colère qui s'appuie sur cette période), parce qu'en construisant une œuvre fictive à partir d'éléments réels, ils accèdent aussi à une forme de vérité qui par nature est multiple). Sensationnel !

Éditions Dargaud 

Traduction impeccable de Jimmy Wicky 

 

emprunté à la bibliothèque

autres avis : KathelEimelle

 

Le dîner - Herman Koch *****

Parfaite liaison entre Le dieu du carnage de Yasmina Réza et Il faut qu'on parle de Kévin de Lionel Shriver, Le dîner reste un roman difficile à digérer, j'entends par là, pour tout parent qui se respecte.

À l'occasion d'un repas entrecoupé de la présentation de différents plats dans un restaurant chic, deux frères Paul et Serge accompagnés de leurs épouses respectives Claire et Babette se retrouvent et s'affrontent : l'objet de cette rencontre est sans cesse reculé et la sauce ne prend pas ! La tension monte et on compte les coups.
Récit remarquable d'une écriture haletante, grand succès littéraire à sa sortie, Le dîner pose le problème des limites à donner à un enfant, décrit parfaitement la maladie mentale, parle de l'éducation en général et de l'adoption en particulier, des mensonges et omissions pour couvrir des faits délictueux (ici criminels et innommables), des liens fraternels et familiaux, de l'image sociétale du bonheur, du monde factice de la politique (où une image se vend plus qu'un programme : vous voyez ce que je veux dire ?). Herman Koch réussit par un magistral tour de force à berner le lecteur / la lectrice, à la façon du film The Usual Suspects de Bryan Singer : tout simplement génial !

PS : vous en dire plus gâcherait votre plaisir de lecture !

Éditions Belfond 

avis : Evalire , Une Comète


emprunté à ma biblio (toujours aussi épatante, j'ai beaucoup de chance)

Là-haut, tout est calme - Gerbrand Bakker ***

Voilà, comment dire: deux semaines de lecture pour cet ouvrage (trop long à mon avis) et j'en ressors dépitée. L'histoire assez simple au demeurant: Helmer, fermier d'une cinquantaine d'années, décide de loger son père quasi-mourant au premier étage (une façon de ne plus l'avoir entre les pattes et le titre résume bien la situation : «Là-haut tout est calme»). Il reçoit un jour une lettre de son ex-future belle-sœur Riet (fiancée de son frère Henk avant la mort de celui-ci, lors d'un accident de voiture que Riet conduisait). Riet que le père d'Helmer a chassé de la maison, Riet qui a prénommé son fils (à vous de le découvrir), Henk qui aurait dû hériter de la ferme, Helmer qui se destinait à des études supérieures et qui finalement sous pression paternelle les abandonne pour remplacer son frère. Entre évocations du passé tragique, du présent monotone, de la nouvelle tâche demandée par Riet, des relations fraternelles, familiales et amoureuses, l'histoire défile sans douleur mais sans éclat avec un récit bien alambiqué. Triple bof.

Éditions folio 

emprunté à ma biblio chérie