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ru - Kim Thúy ***

Après Mãn (enfin avant, enfin je me comprends !), j'ai voulu explorer l'univers de Kim Thúy. Et quoi de mieux que son premier roman pour satisfaire ma curiosité et me convaincre de ses qualités littéraires. J'ai bien aimé mais sans plus ! (quand je vous dis qu'en ce moment, je suis contrariante)
Une première de couverture élégante, un titre intéressant, une biographie familiale  romancée et parcellaire : tout aurait pu m'attirer dans ce roman. Et pourtant, même si je l'ai davantage apprécié que Mãn, il  manque un petit quelque chose pour le rendre inestimable.  

Kim Thúy use des anecdotes du passé familial : tout y passe ! Les multiples sœurs et oncles dénombrés par rang de naissance du côté maternel, les cousins, l'oncle et la mère toujours, l'arrivée des communistes à Saïgon, la perte des privilèges, l'exode vers un pays accueillant (la France le Canada), l'installation dans des camps de fortune, le « parrainage » et puis les coutumes locales qui perdurent au-delà des kilomètres parcourus, l'intégration au nouveau pays malgré le décrochage social, le décalage entre les cultures (celle quittée, celle en devenir) : Kim Thúy dit tout, n'omet rien et pourtant, je reste insensible. Le style est bien présent, la prose alerte et juste est bien mise en valeur par les courts paragraphes présentant chaque protagoniste ou des moments historiques. J'attendais plus d'émotion, plus de mots touchants, plus de lyrisme d'une certaine façon.  
Ru, un cours d'eau puissant qui aurait pu donner naissance à une magnifique rivière littéraire, surtout avec les extraits suivants :

page 47 : « Je me souviens d'élèves à l'école secondaire qui se plaignaient de leur cours d'histoire obligatoire. Jeunes comme nous l'étions, nous ne savions pas que ce cours était un privilège que seuls les pays en paix peuvent s'offrir. Ailleurs, les gens sont trop préoccupés par leur survie quotidienne pour prendre le temps d'écrire leur histoire collective.»

page 50 : « Mes parents nous rappellent souvent, à mes frères et à moi, qu'ils n'auront pas d'argent à nous laisser en héritage, mais je crois qu'ils nous ont déjà légué la richesse de leur mémoire, qui nous permet de saisir la beauté d'une grappe de glycine, la fragilité d'un mot, la force de l'émerveillement. Plus encore, ils nous ont offert des pieds pour marcher jusqu'à nos rêves, jusqu'à l'infini

plus loin, toujours sur cette page 50 (Kim, décidément en grande forme)

 « Un dicton vietnamien dit : « Seuls ceux qui ont des cheveux longs ont peur, car personne ne peut tirer les cheveux de celui qui n'en a pas.» 
Alors j'essaie le plus possible de n'acquérir que des choses qui ne dépassent pas les limites de mon corps.»

Éditions Liana Levy  (133 pages)

Emprunté à la bibliothèque

avis : Laure, Argali, Aifelle, Sylire, Keisha, Sharon,Valérie, Anne, Flo, Fransoaz, Karine, Hélène, Malika (via Julie)   etc

et un de plus pour les challenges de Denis, de Daniel, d'Asphodèle (Grand Prix RTL-Lire 2010), de Coccinelle et de Sharon
Premier roman 2014Challenge Vietnam (->30 septembre 2014)A tous prix

Mãn - Kim Thúy ***

« Maman et moi, nous ne ressemblons pas. Elle est petite, et moi je suis grande. Elle a le teint foncé, et moi j'ai la peau des poupées françaises. Elle a un trou dans le mollet, et moi j'ai un trou dans le cœur. »

Un premier paragraphe du tonnerre, je me suis dit : « ça y est, j'ai trouvé le fameux bouquin qui va me sortir de ma léthargie actuelle ». Et puis non, tout compte fait, malgré un style intéressant et charmant. Je deviens de plus en plus difficile. Flûte, alors !
La jeune Mãn débarque au Canada suite à un mariage arrangé avec un restaurateur, natif aussi du Vietnam. Ses talents culinaires attirent la fidélité et la sympathie des clients. Très vite, sa rencontre avec Julie va singulièrement bouleverser sa vie.

La plume toute jolie imprègne le lecteur de l'exotisme des coutumes asiatiques : Kim Thúy profite de Mãn pour relater un passé douloureux (le conflit armé et les troubles civils : trois Maman pour élever l'héroïne), les traditions sexistes (la femme, simple faire-valoir de l'homme), la difficulté de l'exil et le défi de l'intégration. Entre souvenirs d'une enfance guère joyeuse et la transmission de l'art de la cuisine, la biographie de Mãn relate les grands bouleversements qu'a connus la société vietnamienne, dans et hors du pays. La si joliment nommée trouve prétexte à chaque mot traduit en entête de paragraphe pour aborder l'existence de son entourage : d'abord la Maman, puis Julie, Luc, son mari Phuong, Jean-Pierre et Lan, Hông et son enfant etc. Conjugalité, voisinage, adultère, chamboulement, succès, réussite, amitié, épanouissement, liberté, résignation, amour tout court  : la quête de chacun, l'envie de tous. Le lecteur s'ouvre aussi aux us et croyances locales largement détaillées dans ce roman, ce qui me semble être la qualité principale de cet écrit.

pages 34-35
« Maman détenait aussi le secret d'agrandir le nez. Les femmes asiatiques cherchent à augmenter la proéminence de leur os nasal en y insérant un implant de silicone alors qu'il suffisait à Maman de tirer doucement mon nez neuf fois chaque matin pour l'occidentaliser. Voilà pourquoi je m'appelle Mãn, qui veut dire « parfaitement  comblée » ou « qu'il ne reste plus rien à désirer » ou « que tous les vœux ont été exaucés ». Je ne peux rien demander plus, car mon nom m'impose un état de satisfaction et d'assouvissement. Contrairement à la Jeanne de Guy de Maupassant, qui rêvait de saisir tous les bonheurs de la vie à sa sortie de couvent, j'ai grandi sans rêver

Si chaque terme abordé amorce un nouveau virage à l'intrigue, mon ressenti global fut le tournis. Non pas la sensation fut désagréable, mais il me parut ardu de ressentir chaque protagoniste. Ce perpétuel zapping entre passé, présent puis entre différents personnages a eu l'effet de m'éloigner de l’œuvre, de ne pas la savourer comme un bon plat qu'elle décrit. Frustrant pour la gourmande que je suis.

Éditions Liana Levi

Lu grâce au LV de Zakuro (Libfly)que je remercie à cette occasion

avis : Jérôme, Marilyne, Keisha, Hélène, Luocine, Jostein,

et un de plus pour le challenge de Denis , de Coccinelle et de Sharon
Challenge Vietnam (->30 septembre 2014)