La maladroite est un recueil de témoignages de personnes (grand-mère, tante, institutrice et instituteur, directrices d'école, médecin scolaire, gendarmes etc) qui ont côtoyé ou se sont occupées de la situation de Diana, enfant battue par ses parents. Sans en dire trop, La maladroite est une plongée dans une enquête sociale reformulée qui met en lumière la lenteur administrative à instruire les faits graves mais montre aussi à quel point l'engagement de tous et de toutes à sauver cette petite fille n'a pas été ni homogène ni partagé. Et c'est peut-être là l'élément le plus incisif de ce roman : Alexandre Seurat détaille précisément les attitudes de chacun et de chacune à dénoncer ; les paroles de celles et ceux qui traînent des pieds à instruire cette affaire malheureusement courante parce que rédiger des éléments à charge prend du temps, de l'énergie et qu'ils ont autre chose à faire que de sauver une vie ; les paroles et les gestes de celles et ceux qui cumulent les faits, enregistrent les dates, décrivent les blessures, notent sur un carnet, s'en rendent malades, envoient le tout aux services sociaux avant une énième fuite de la famille, une énième disparition de la petite, avant que le dossier à nouveau soit perdu dans les méandres administratifs.
En fait, on peut targuer Alexandre Seurat de parti-pris dans cette histoire construite et réécrite (notamment en faveur des instituteurs - premiers lanceurs d'alerte avec la grand-mère, au détriment d'une médecin scolaire et d'une première assistance sociale qui font preuve d'une certaine lenteur et d'un manque d'énergie à dépiauter le problème), on ne peut lui reprocher sa capacité à raconter à sa façon ce qui a concouru à l'inacceptable. Plusieurs scènes restent en mémoire : celles des convocations de la "sainte" famille par les directrices d'école et le discours ronflant parental sur la "maladresse" de Diana (enfant en déficit cognitif qui n'attend qu'à être aimée, qui déborde d'un trop plein d'affection à l'égard de personnes bienveillantes), celle de l'auscultation du dos de Diana par un médecin et le si peu de jugeote à l'égard de mesures immédiates d'éloignement familial qui devraient en découler. Plusieurs images se dressent ensuite : celle du devenir de la fratrie de Diana, fratrie habituée à la violence et même autrice de violence ; celle de la détresse continûment éprouvée par les personnes qui ont essayé de remuer ciel et terre ; celle du sentiment d'impunité de parents psychopathes à l'égard de leur progéniture ; celle du désengagement de certains agents défaillants face à leurs devoirs et leurs missions et qui ont le toupet de reprocher à leurs collègues leur empressement ; celle d'un voisinage qui n'entend rien ni ne voit rien ; celle d'une famille qui a perdu contact.
Alexandre Seurat construit un univers solide, utilise une plume efficace, campe des personnages marqués sociologiquement. Avec mesure, il décrit les épisodes sans en rajouter : chaque scène concourt à la montée en tension.
La maladroite est un récit court et inoubliable, efficace s'il arrive à faire que ce drame humain ne se répète plus jamais, ce dont malheureusement ni l'auteur ni la société française ne l'assurent.
Éditions du Rouergue
autres avis : Alex, Cathulu, Clara, Eimelle, La chèvre grise, Sharon, Tant qu'il y aura des livres,
On en a beaucoup parlé lors de sa sortie, mais je ne l'ai pas (encore) lu, bien que ce roman me tente bien...
RépondreSupprimerBonne semaine.
La détresse ne gagne-t-elle pas pas le lecteur aussi, face à autant de ratés et d'aveuglements ?
RépondreSupprimerC'est un récit qui m'avait traumatisée. Quelle terrible tragédie !
RépondreSupprimerJe n'ai pas lu ce livre mais j'en ai beaucoup entendu parlé au point d'avoir presque l'impression de l'avoir déjà lu (ce qui ne m'empêchera pas de le lire s'il croise ma route).
RépondreSupprimer