Une petite lecture commune lancée à la cantonade (espérant partager la découverte de ce premier roman, oublié un temps par les critiques littéraires mais formidablement relayé par les libraires et les bibliothécaires, puis par le bouche à oreille, vecteur usuel de best-sellers) et en avant pour l'aventure !
Ce fut une lecture fantastique
Voilà c'est dit, clairement énoncé et assumé
Si vous ne l'avez pas lu , alors lisez-le, sinon je suis sûre que vous me comprendrez (enfin, j'espère).
Si vous ne l'avez pas lu , alors lisez-le, sinon je suis sûre que vous me comprendrez (enfin, j'espère).
À Jackson (Mississippi), deux communautés cohabitent uniquement au travail : des familles blanches emploient des bonnes noires pour s'occuper de leurs rejetons et maintenir en ordre leur logis ; les planteurs de type caucasien utilisent de la main d’œuvre bon marché et souvent aux droits élémentaires sociaux inexistants. Sitôt le soir tombé, tout le monde se parque dans ses ghettos. L'équilibre semble immuable malgré l'horreur qu'il implique : une négation des droits fondamentaux de tous, un racisme de bas étage à la hauteur du manque de recul et d'intelligence, un formatage précoce des esprits ; tout est prétexte à asservir, à diminuer l'autre, à le soumettre au diktat ambiant. Le Ku Klux Klan veille à châtier les progressistes. Malgré tout, un espoir subsiste : l'arrivée de JFK au pouvoir et l'annonce prochaine d'une grande marche silencieuse à Washington suivie d'un discours du pasteur Martin Luther King.
À Jackson donc, rien n'effraie les péronnelles, à commencer par leur chèfe suprême, la gourmande Hilly W. Holbrook. D'une bêtise incommensurable au pouvoir de nuisance inversement proportionnel à la force politique de son cher et tendre, elle mène tout le monde à la baguette, jusqu'à conditionner les toilettes de chacun. Sous son emprise, réside un groupe de dames dont Miss Elizabeth Leefolt, une dinde affublée d'un pois chiche comme cerveau, négligeant sa petite fille Mae Mobley (l'instinct maternel n'étant pas l'apanage d'une couleur cutanée spécifique). Le club de bridge sert à asseoir l'hégémonie de Miss Hilly sur ce petit cercle bien fermé de l'intérieur, à énoncer de grandes théories fumeuses et infamantes. Seulement voilà, le retour de Skeeter Phelan, une copine d'enfance, après des études à New York, va quelque peu modifier la donne.
L'occasion fut belle de détailler le modus operandi de la ségrégation raciale au Mississippi dans les années 1960. Kathryn Stockett ne s'attache pas à un discours didactique mais use intelligemment du biais qu'offrent en filigrane ses intervenantes. Elles sont au nombre de trois : Miss Skeeter naïve journaliste locale infiltrée dans la revue prout-prout et compagnie de la Ligue et les deux bonnes Aibileen (calme, paisible) et Minny (virulente à la vie matrimoniale peu reposante, écorchée vive, une boule de nerf concentrée et jouissive, constamment en colère et à fleur de peau). Les anecdotes deviennent percutantes : là un garçon abîmé, ici un jardin encombré, puis un fiancé obtus, des secrets qui se dévoilent, enfin une bimbo écervelée. Tout paraît pesant (lié à une codification sociale à rallonge : à chacun sa prison) mais pourtant, rien ne semble impossible. Des relations intercommunautaires se nouent dans le secret, le mur se fendille au moment où grossissent les pages d'un livre, du livre qu'on ne veut plus lâcher. L'urgence s'impose, l'émancipation féminine pointe son nez, les discriminations perdurent mais une révolte sourde gronde. Nous sommes en 1962 et nous avons encore tout à apprendre.
Un très grand roman suffisamment rare pour être rappelé. Kathryn Stockett l'a certainement écrit en mémoire de sa nourrice Demetrie, celle qui prend les traits de Constantine, la bonne disparue un jour sans laisser d'adresse : une blessure d'amour béante à l'origine d'une première œuvre remarquable.
En conclusion, je laisse la parole à deux hommes. Le premier s'appelle Howell Raines et a écrit un article intitulé Grady's Gift dont l'extrait suivant est rappelé page 525 :
« Il n'est pas de sujet plus risqué pour un écrivain du Sud que l'affection qui unit une personne noire et une blanche dans le monde inégalitaire de la ségrégation. Car la malhonnêteté sur laquelle est fondée une société rend toute émotion suspecte, rend impossible de savoir si ce qui s'est échangé entre deux personnes était un sentiment loyal, de la pitié ou du pragmatisme »
Un très grand roman suffisamment rare pour être rappelé. Kathryn Stockett l'a certainement écrit en mémoire de sa nourrice Demetrie, celle qui prend les traits de Constantine, la bonne disparue un jour sans laisser d'adresse : une blessure d'amour béante à l'origine d'une première œuvre remarquable.
En conclusion, je laisse la parole à deux hommes. Le premier s'appelle Howell Raines et a écrit un article intitulé Grady's Gift dont l'extrait suivant est rappelé page 525 :
« Il n'est pas de sujet plus risqué pour un écrivain du Sud que l'affection qui unit une personne noire et une blanche dans le monde inégalitaire de la ségrégation. Car la malhonnêteté sur laquelle est fondée une société rend toute émotion suspecte, rend impossible de savoir si ce qui s'est échangé entre deux personnes était un sentiment loyal, de la pitié ou du pragmatisme »
Le second se nomme Martin Luther King , prix Nobel de la Paix de l'année 1964.
Note personnelle : ce livre fut lu dans le cadre d'une lecture commune. Je remercie infiniment Une Comète, Hélène Choco (en attente) , Karine, Evalire, Adalana et Shelbylee de m'avoir accompagnée dans cette belle aventure. Exceptée Shelbylee qui nuance notre enthousiasme (un livre sympa pour elle sans être un coup de cœur ) , le reste de la LC a aimé cette belle histoire, racontée de façon exemplaire (au discours limpide et accessible à tous et à toutes) et suscitant une grande émotion. Un bonheur collectif que nous avions envie de partager avec vous. J'ai particulièrement apprécié la relation d'amour mutuel entre Aibileen et Mae Mobley, celle d'une femme qui éduque une enfant à l'estime de soi et au respect de l'autre : un moment magnifique.
autres avis : Athalie
Traduction de Pierre Girard
Je dois être une sans coeur... ce livre ne m'a pas émue, m'a semblé artificiel. Quand je pense, par exemple, à "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur", je vois encore moins ce qu'on peut trouver à ce livre. Enfin, si je vois car l'auteur fait appel à toutes sortes de clichés sur le thème des rapports Noirs/Blancs et de bons sentiments, mais je trouve les personnages tellement insuffisants... J'attendais trop de ce livre je crois, repéré dès sa parution en anglais, la déception a été d'autant plus grande.
RépondreSupprimerCe livre reste dans le registre roman. Très clairement il parle de bons sentiments mais ne tombe pas de le «rose bonbon» : c'était un risque que l'auteure, me semble-t-il, a évité. Je n'attendais rien de cette lecture , j'étais juste surprise de l'ampleur de son succès : maintenant je la comprends !
SupprimerJe l'ai lu en VO, je voulais tellement le découvrir, ce roman. vraiment TB. Même si , OK, cela fonctionne sur les sentiments quand même, mais de temps en temps, c'est cela qu'on veut. ^_^
RépondreSupprimerOui, c'était aussi une lecture qui est tombée au bon moment. J'ai apprécié les thèmes abordés, les différentes opinions en place. Pour moi, ce livre reste une réussite littéraire.
SupprimerMerci à toi, chère Phili, pour ce beau partage... ton billet est magnifique, à la hauteur du livre :)
RépondreSupprimerJ'aime découvrir vos impressions, il est intéressant de voir nos différents éclairages de l’œuvre. Merci à toi pour ce partage et très grosses bises.
SupprimerTrès beau billet ! Vous avez été une belle brochette de copines pour cette lecture.
RépondreSupprimeroui et j'espère qu'un jour on fera une LC ensemble (j'ai déjà l'idée d'en lancer une en novembre, te concernant de près !). Bises
SupprimerMerci pour cette lecture commune... sans ça, je pense que le livre serait resté dans ma pile pendant encore longtemps... et j'aurais manqué quelque chose!
RépondreSupprimerMerci, Karine. Cette LC n'aurait pas été une réussite sans vous toutes. Merci de ta confiance et de ce partage.
SupprimerMerci pour l'organisation ! Je suis la moins enthousiaste de la bande, j'ai trouvé quelques défauts, même si c'était une lecture agréable.
RépondreSupprimerOui, je l'ai vu, je vais rectifier ma note personnelle pour parler de ton avis plus nuancé que les nôtres. Merci à toi, Shelbylee.
SupprimerC'est un livre qui m'a emballé alors que je suis dubitative quant à l'oiseau moqueur (question de moment)
RépondreSupprimerOui, exactement ! Je crois que La couleur des sentiments m'a fait un bien fou car sa date de lecture s'y prêtait fortement. Merci, Zazy pour ton passage. Mille bises.
SupprimerOh !!! J'aime les surprises... dois-je dire oui sans savoir ? Biz
RépondreSupprimerJe crois que je vais te mettre au secret : c'est disons pour éclairer davantage quelque chose que tu organises !
SupprimerJe n'ai malheureusement pas pu participer à cette LC, ayant lu La Couleur des Sentiments il y a quelques mois. Ce fut une agréable découverte, mais mon avis se rapproche plutôt de celui de Shelbylee (je n'ai pas été bouleversée, et je trouve le personnage de Skeeter assez fade). J'ai très envie de lire To kill a mockingbird, qui a rejoint ma PAL depuis !
RépondreSupprimerBises.
Je comprends tout à fait vos arguments audibles et justes. Ces reproches que j'aurais pu émettre ont été effacés par d'autres qualités de ce livre: rythme de lecture, qualité des personnages, style littéraire accrochant, ... Je l'ai trouvé de bonne facture mais, surtout, je lui suis reconnaissante de me rappeler qu'il y a moins de cinquante ans, on isolait les gens dans le pays à la pointe du monde. Voilà une piqûre de rappel efficace et indispensable qui a évacué pour moi les défauts dont toi et Shelbylee parlez.
SupprimerToi aussi ? Eh oui, j'ai lu 3 autres articles aujourd'hui. Un livre à lire absolument donc. Bon weekend !
RépondreSupprimerDisons, que j'étais un peu obligée d'écrire un petit article, vu que j'organisais cette LC. Bon, j'espère que tu n'as pas été lassée. Bises et merci de ta présence.
SupprimerJe le vois depuis pas mal de temps sur les blogs et bizarrement il ne me tente pas plus que ça ! Il faut dire que j'ai eu un énorme coup de coeur pour "Ne tirez pas sur l'oiseau moquer" d'Harper Lee et je ne sais pas si on peut égaler sur la ségrégation... Mais il est noté !!!^^
RépondreSupprimerComme Kathryn Stockett en fait référence dans son livre, je sens que le livre que tu cites va voir le bout de mon nez bientôt ! en future LC, peut-être ? j'y réfléchis en tout cas.
SupprimerToujours pas lu. Un jour sûrement, mais pas tout de suite.
RépondreSupprimerMince alors ? tu aurais pu participer à la LC ! Si tu ne l'as pas, je peux te l'envoyer dès qu'Hélène Choco aura fini de le lire. Bises
SupprimerBonjour Philisine Cave, quand je lis ton billet, je me dis qu'il faudrait que je me décide à le lire, il me tend les bras dans la biblio loisirs dont je m'occupe. Mais j'ai tellement peu aimé le film adapaté (lourd, lourd, lourd) que j'hésite encore. Bon dimanche.
RépondreSupprimerIl est aussi possible que tu apprécies moins la lecture de ce livre (comme Miss Leo et Shelbylee) pour des défauts présents dans le livre (qui m'ont paru pas si lourds). À toi de voir donc !
SupprimerMerci beaucoup pour cette lecture commune, j'ai passé un moment formidable !
RépondreSupprimerMerci aussi, Adalana, d'avoir participé car sans vous toutes, pas de lecture commune et je pense que je ne l'aurai pas lu de sitôt (et j'aurais raté un excellent moment).
SupprimerMerci pour ce bel article qui me donne envie de lire ce livre. A la rentrée je me pencherai sur les lectures communes qui semblent bien intéressantes !
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup les LC : elles me permettent de lire davantage et de me booster (je me dis que je ne suis pas seule dans l'affaire et qu'il est hors de question qu'elle tombe à l'eau à cause de moi.). On arrivera bien à trouver un livre qui nous tente toutes les deux.
Supprimerj'ai bien aimé le livre, sans que ce soit un coup de coeur...par contre, j'ai adoré le film, qui, bizarrement, m'a davantage touchée....
RépondreSupprimerJe n'ai pas encore vu le film. Le livre clairement m'a beaucoup touchée.
SupprimerJ'aime bien ton article qui fait une analyse au scalpel de ce "beau monde", de ces américains qui sont des petits dictateurs dans leur petit cercle de minables. J'ai adoré ce roman moi aussi, je n'ai pas vu le film, je prendrai le temps de le louer pendant mes vacances. A bientôt pour d'autres rencontres littéraires.
RépondreSupprimerMerci beaucoup, Nina, pour ton si gentil mot. Oui, j'espère qu'on trouvera un moment pour découvrir une lecture commune. À bientôt.
SupprimerUne lecture bien agréable et assez captivante c'est vrai et pourtant je ne dirais pas que c'est un grand roman.
RépondreSupprimerJe le considère comme grand pour la dimension politique qu'il développe mais aussi pour les valeurs simples à rappeler (mais aussi faciles à oublier) de respect que l'on se doit et que l'on doit aux autres. L'auteure ne tombe pas dans l'excès des clichés du "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil" pour moi. Elle a parfaitement su analyser la population américaine du Mississippi sans manichéisme et sans fausse retenue, juste intrinsèquement.
SupprimerJe l'ai moi aussi beaucoup aimé!
RépondreSupprimerMerci, mon Hérisson préféré(e), d'être en accord avec moi ! Bises
SupprimerJe vois que tu as aimé ce roman autant que moi! Un très bon livre, à mettre dans toutes les mains...
RépondreSupprimerToi aussi, tu fais partie du fan club : merci, j'en suis ravie. Grosses bises et à très bientôt.
SupprimerIl est temps que je le lise cet été aussi, je l'ai offert à ma maman, quii me l'a prêté il y a... un certain temps !! Je le note (je ne t'ai lue qu'en diagonale !)
RépondreSupprimerOui je comprends (pour la diagonale : j'agis de la même façon lorsque je lis l'article d'une copine sur un livre à lire). Bises. J'ai aimé cette histoire (indéfiniment).
SupprimerQuel très beau roman !
RépondreSupprimerOui, magnifique !
SupprimerNous n'avons pas beaucoup de lectures en commun.
RépondreSupprimerCelui-ci, je ne l'ai pas encore lu mais ça viendra.
Je suis sûre qu'on trouvera un terrain d'entente ! Et puis, la blogosphère s'enrichit des univers multiples et variés de ses lecteurs voraces.
SupprimerJ'ai un moins aimé le livre que toi, mais j'adore ce que tu écris sur Hilly, et aussi sur les autres péronnelles, même la pauvre Bimbo n'arrive plus à nous toucher, tellement repliée sur elle-même qu'elle ne voit rien de Minny, seulement être "sa copine", comme si cela était possible ! C'est que j'ai préféré dans ce livre, l'impossibilité de comprendre l'autre, même pour de "bonnes" raisons.
RépondreSupprimerPourtant l'image du livre reste magnifique et essentielle comme vecteur de liaison, je trouve. Bises
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