Lorsque vous avez devant vous une biographie extraordinaire truffée d'intelligence, attendant patiemment un petit avis littéraire de votre part (que vous avez du mal à rédiger: trop de pression tue l'inspiration), vous avez de quoi vous sentir tout intimidé(e) : c'est un peu ce qui m'arrive ! Surtout si l'objet en question a évité le prix Goncourt 2012 en raison d'un couronnement féminin anticipé, ma colère sourde gronde mais ma copine Hélène Choco a repris le flambeau pour exprimer tout mon énervement (oui, Phiphi, mémère devant l’Éternel, a besoin de se ménager). Reconnaissant volontiers l’honnêteté dont fait preuve Bernard Pivot, je regrette juste cet argument fallacieux et caduque : « le prix Goncourt troublé par le Fémina -ça y est, les prix se font de l'oeil maintenant- ... on ne pourrait pas dire ce qu'il se serait passé si Deville n'avait pas eu le Fémina, mais peut-être aurait-il eu le Goncourt - la France, terre de courageux jurys dont l'avis n'empiète absolument pas sur les plates-bandes des éditeurs ! ». Bon, trêve de bavardages inutiles (France, modèle de courtisans et de compromission à toute échelle sociale - promis, je m'arrête là !), ce n'est pas tout mais Patriiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiick attend.
Alexandre Yersin est du genre à ne pas tenir en place. Loin d'être hyperatif mais en tout cas super intelligent, ce touche-à-tout scientifique, éminent découvreur du bacille de la peste, ne s'est jamais contenté d'une place soporifique honorifique auprès de Louis Pasteur, son illustre mentor à Paris ou ailleurs. Selon le vieil adage populaire « la vie est courte, profitons-en ! », Alexandre Yersin n'a eu de cesse de connaître plusieurs existences, évitant consciencieusement les zones des conflits armés (la politique ne fait pas partie de ses trucs) : biologiste, médecin des Messageries Maritimes, bactériologiste et microbiologiste, explorateur à ses heures, initiateur du caoutchouc (sa passion pour les voitures l'explique) et d'une boisson gazeuse sucrée qui a donné les couleurs du Père Noël, il découvre son petit coin de paradis à Nah Trang, en Indochine française. Peu enclin aux relations féminines autres que filiales ou fraternelles (entretenant de nombreuses correspondances avec sa mère Fanny et avec sa sœur Émilie, éprouvant un plus grand détachement vis-à-vis de son frère), Alexandre s'entoure de garçons, partageant avec eux son savoir (et peut-être plus, la biographie laisse planer le mystère). Présenté comme misanthrope (hypothèse que je réfute), Yersin ne cherche pas la compagnie des autres et passe de longs mois dans ses montagnes, attiré par les nouvelles cultures, les peuplades inconnues. Toujours à l'écoute de son prochain -surtout lorsque ce dernier demande (a besoin d') une aide- il rapplique lorsque les pandémies se déclarent, aux injonctions de Calmette, de Roux ou de Pasteur. Homme d'honneur et aux convictions fidèles, Alexandre Yersin méritait bien cette belle biographie que Patrick Deville lui a rédigée.
Bourreau de travail et de documentations à la modestie impressionnante, Patrick Deville n'a jamais cherché à tirer la couverture à lui, évitant d'échenozer son écrit, d'où cette possible sensation de froideur qu'a notée Hélène. Toutefois, en éclairant cette vie passionnante de façon subtile, Patrick Deville laisse une très jolie empreinte dans cette rentrée littéraire 2012, un roman qui me touche par les mots que j'y ai lus. Jérôme a lui aussi succombé.
Un énorme regret : le titre Peste & Choléra que j'aurais bien renommé Yersinia pestis (leitmotiv fréquent du livre) en hommage à la découverte majeure de ce découvreur de génie et à son nom (évincé de prix prestigieux comme le Nobel de médecine, malgré la reconnaissance de ses pairs.... soupirs).
pages 200- 201 : « Roux comme Pasteur vénérait la République et le triple emblème. Et que ces trois mots l'un sans l'autre n'ont pas de sens. Que la liberté n'est pas la licence et que l'injuste ne peut être libre, qui est victime de ses passions. Que l'égalité doit être celle des chances au départ et du respect du mérite à l'arrivée, qu'en conséquence l'héritage est banni sauf s'il est affectif et se réduit à trois sous. C'est à la collectivité qu'il faut remettre l'essentiel. »
page 71 : « Tu me demandes si je prends goût à la pratique médicale. Oui et non. J'ai beaucoup de plaisir à soigner ceux qui viennent me demander conseil, mais je ne voudrais pas faire de la médecine un métier, c'est-à-dire que je ne pourrais jamais demander à un malade de me payer pour les soins que j'aurais pu lui donner. Je considère la médecine comme un sacerdoce, ainsi que le pastorat. Demander de l'argent pour soigner un malade, c'est un peu lui dire la bourse ou la vie. »
Éditions Seuil
rentrée littéraire 2012
Prix Fémina 2012
Prix du roman Fnac 2012
PrixGoncourt Phiphicourt 2012
Merci à Jean-François Delapré, libraire à Lesneven (29) au Saint-Christophe pour cet excellent conseil donné en août 2012.
avis : Evalire, Nina
Bourreau de travail et de documentations à la modestie impressionnante, Patrick Deville n'a jamais cherché à tirer la couverture à lui, évitant d'échenozer son écrit, d'où cette possible sensation de froideur qu'a notée Hélène. Toutefois, en éclairant cette vie passionnante de façon subtile, Patrick Deville laisse une très jolie empreinte dans cette rentrée littéraire 2012, un roman qui me touche par les mots que j'y ai lus. Jérôme a lui aussi succombé.
Un énorme regret : le titre Peste & Choléra que j'aurais bien renommé Yersinia pestis (leitmotiv fréquent du livre) en hommage à la découverte majeure de ce découvreur de génie et à son nom (évincé de prix prestigieux comme le Nobel de médecine, malgré la reconnaissance de ses pairs.... soupirs).
pages 200- 201 : « Roux comme Pasteur vénérait la République et le triple emblème. Et que ces trois mots l'un sans l'autre n'ont pas de sens. Que la liberté n'est pas la licence et que l'injuste ne peut être libre, qui est victime de ses passions. Que l'égalité doit être celle des chances au départ et du respect du mérite à l'arrivée, qu'en conséquence l'héritage est banni sauf s'il est affectif et se réduit à trois sous. C'est à la collectivité qu'il faut remettre l'essentiel. »
page 71 : « Tu me demandes si je prends goût à la pratique médicale. Oui et non. J'ai beaucoup de plaisir à soigner ceux qui viennent me demander conseil, mais je ne voudrais pas faire de la médecine un métier, c'est-à-dire que je ne pourrais jamais demander à un malade de me payer pour les soins que j'aurais pu lui donner. Je considère la médecine comme un sacerdoce, ainsi que le pastorat. Demander de l'argent pour soigner un malade, c'est un peu lui dire la bourse ou la vie. »
Éditions Seuil
rentrée littéraire 2012
Prix Fémina 2012
Prix du roman Fnac 2012
Prix
Merci à Jean-François Delapré, libraire à Lesneven (29) au Saint-Christophe pour cet excellent conseil donné en août 2012.
avis : Evalire, Nina
Quoi qu'en disent les fameux prix, c'est un livre à lire, un livre que je lirai et qui me permettra de découvrir cet auteur, par aillaers tant entendu depuis la rentrée.
RépondreSupprimerJe pense que cette lecture devrait te plaire.
SupprimerDécidément, ce pauvre homme n'a pas de chance avec les prix :/ (rater le Goncourt par procuration après le Nobel...) Mais il a reçu le Phiphicourt, c'est encore mieux, n'est-ce pas?
RépondreSupprimerPlus sérieusement, avec deux fléaux dans son titre, ce livre ne m'a jamais attirée à la librairie. Je prends donc connaissance de son contenu grâce à toi et à une autre blogueuse. Je me laisserai peut-être tenter un jour, tes extraits choisis (merci !) me plaisent assez bien.
La malédiction Yersin ! le Phiphicourt, inventé exceptionnellement pour ce roman, clôture la polémique de mon côté. Le titre est , je trouve, peu engageant. Bises
SupprimerJe ne suis pas trop tentée par le sujet mais ton enthousiasme une fois de plus me fait noter une fois de plus ce livre. J'ai beaucoup aimé ton néologisme, "évitant d'échenozer", même si par ailleurs j'ai bien aimé le Echenoz que j'ai lu.
RépondreSupprimerJ'aime la plume d'Echenoz, et je pense que Deville aussi mais il s'est mis en retrait par rapport à son héros. J'ai apprécié dans ce livre l'effort de reformulation de la pensée du scientifique.
SupprimerJe l'ai emprunté !
RépondreSupprimerJ'espère que tu aimeras cette lecture. Je t'embrasse fort.
SupprimerJe suis en général peu attirée par les prix de la rentrée littéraire, mais celui-ci me tente beaucoup. Et si en plus il reçoit le Prix Phiphicourt, alors je n'ai aucune raison de ne pas le lire !
RépondreSupprimerMiss Léo, tu es un amour ! Je t'embrasse fort. N'hésitez pas me le demander, je le fais voyager sans problème (au contraire)
SupprimerCourageux l'anonyme du dessus !!! est-qu'il est au courant que si ça ne lui plaît pas, c'est simple, il ne clique pas sur ton blog, gros dégourdi va !! Bon, revenons à notre sujet. Je ne m'occupe absolument pas des prix, dont on sait quand même tous que bon, mieux vaut ne pas connaître la popote qui est derrière. Ce livre me tente depuis sa parution, pour son thème original, je le prendrai tranquillement à la bibliothèque.
RépondreSupprimerJe viens de supprimer le message, non pas que je déteste la contestation mais je la préfére argumentée. Bizarrement, le modérateur de mon blog ne s'est pas mis en veille sur son com. Ce qui peut laisser envisager le cas que l'anonyme de service a écrit ici sous un autre nom.
SupprimerQuant au livre, je peux le faire voyager sans problème. Bises et merci pour le soutien.
Tu as bien fait de le supprimer, c'est que ce que je fais aussi quand un commentaire est totalement hors sujet (par exemple, pub pour son propre livre). Je n'ai pas encore eu le genre d'idiotie gratuite de ton anonyme.
SupprimerJe ne te souhaite pas cette mésaventure mais sais déjà que Clara et Sharon sont malheureusement coutumières de ce genre d'expérience (douloureuse, je dois le dire). Ce qui me choque le plus, n'est pas la critique sur mes avis mais plutôt de considérer des œuvres comme de la m.... Je ne me permettrai jamais de dire d'une œuvre qu'elle est nulle : j'expliquerai juste que je ne l'ai pas aimée. C'est tout.
SupprimerEffectivement, trop froid à mon goût...
RépondreSupprimerJe comprends mais la beauté de certaines pensées a effacé ce côté aseptiisé.
SupprimerJ'ai tout aimé dans livre : le ton, la construction entremêlant le passé et le présent avec le fameux "fantôme du futur" et son carnet en peau de taupe. Un très beau texte.
RépondreSupprimer(mon modeste avis : http://litterature-a-blog.blogspot.fr/2012/09/peste-cholera-de-patrick-deville.html)
Je copie le lien ce soir. Très vite donc. Mille mercis pour ce partage.
SupprimerJe l'ai commencé, ai bien accroché au style, mais ai eu peur de trop de détails déjà connus, les colonies, tout ça. Je viens dire que je regrette, et que je compte bien le reprendre!
RépondreSupprimerNe t'excuse pas, on a tellement de livres en attente. Lis-le quand tu veux, quand tu peux et surtout quand tu en a envie. Je lirai ton avis avec un réel plaisir.
SupprimerLe sujet ne m'attire pas du tout, mais après ce billet très élogieux, je le tenterais peut-être en poche ...
RépondreSupprimerSinon, je peux te l'envoyer. Bises
SupprimerDes avis vraiment très différents sur ce roman. Mais je ne suis toujours pas tentée.
RépondreSupprimerOk je ne cherche plus à te convaincre.
SupprimerJe n'aime pas trop en général les publications de cet éditeur et en plus, le thème ne me tente pas à priori. Toutefois, comme n'arrête pas de lire et d'entendre du bien de ce livre, je vais peut-être me laisser tenter...
RépondreSupprimerTu sais où tu peux le trouver et je serai très heureuse de te l'envoyer. Bises
SupprimerBen c'est qui l'anonyme très courageux qui vient polluer le blog de ma Phili?????? Tu as bien fait de supprimer !!
RépondreSupprimerEn tout cas, je lirai "Peste et choléra", tu en parles trop bien... Bisoussss
As you want, m'y dear!! Bisous ma Bibiche.
SupprimerBonsoir Philisine Cave, j'ai une collègue qui l'a lu, elle a beaucoup apprécié ce roman au sujet qui sort de l'ordinaire. J'attends qu'elle me le prête. Bonne soirée.
RépondreSupprimerC'est sympa, ces échanges entre collègues, j'en ai connu un récemment qui m'a permis de redécouvrir Steinbeck.
SupprimerAHAHAHAH!! :-D Tssss, tes billets me font toujours rire (enfin, quand tu fais de l'humour, einh, je rigole pas quand tu parles sérieusement!!). Pauvre Deville, à la lecture de ton bilet et vu ton enthousiasme je comprends pourquoi tu es en pétard contre Pivot-le Goncourt- l'establishment- les coupes de champagne, bref, tout ce qui a pu écarter Deville du Goncourt...
RépondreSupprimerMaintenant que j'ai dit ce que j'avais à dire, je passe à autre chose et le jury Goncourt assume son choix.
Supprimereh bien venant de terminer le Goncourt, et l'ayant très moyennement apprécié ( mon billet sera publié demain), je viens rajouter de l'eau à ton moulin: oui, il méritait de l'avoir!! hein, je l'ai pas lu??? pas la peine, je te fais entièrement confiance!
RépondreSupprimerJe vais me hâter de le lire (c'est malin, je n'ai plus envie de dormir !!!!!). Bisous (pour le Deville, rien ne vaut ton avis d'experte, je ne possède pas la science infuse).
SupprimerJe crois que je suis tentée par le prix phiphicourt 2012. bises
RépondreSupprimerTu es mignonne, mille mercis, Evalire.
SupprimerJ'avoue que le bonhomme m'intéresse beaucoup. J'adore ces personnages de scientifique, en des temps où la science était une grande aventure.
RépondreSupprimerOui, j'aime leur grandeur et leur noblesse d'âme. Des penseurs, des humanistes, des intellectuels scientifiques, suffisamment conscients de toute la richesse terrienne et de sa grande fragilité. Un très beau roman qui parle d'eux et les fait vivre.
SupprimerIl faut que je l'achète
RépondreSupprimerou je te l'envoie, c'est comme tu veux !
SupprimerPas du tout tentée par ce livre à la base (quel titre aussi...) mais ton billet pourrait bien me faire changer d'avis. J'ai quand même un doute sur le style, que je ne suis pas sûre d'apprécier mais bon, si je le trouve à la bibliothèque, je lui laisserai une chance.
RépondreSupprimerC'est très possible que ce livre en fasse pas l'unanimité. Bises
SupprimerJe veux le lire alors je n'ai pas trop lu ta note de lecture pour l'instant ;-)
RépondreSupprimeroui, je comprends, je procède de la même façon sur un article d'une copine qui a lu un livre que je vais incessamment découvrir.
SupprimerJe dois avouer que ce livre ne me disait rien... son titre, son sujet...mais ton très joli billet titille ma curiosité... je note pour plus tard. bises,
RépondreSupprimerBisous aussi, et si tu souhaites le lire, tu sais que je le possède donc un envoi est si vite préparé !! Merci pour ton passage.
SupprimerLe deuxième extrait interpèle forcément à l'heure ou, on a la sensasion de plus en plus précise, que la médecine aussi est devenu un business :0(
RépondreSupprimerCet extrait ne fut pas choisi au hasard ! Bises
Supprimeroui mais... non. Plus tard peut-être :)
RépondreSupprimerun jour peut-être alors ? Bises
SupprimerAh tes billets sont de plus en plus géniaux ! Tu me le prêteras, ce Patriiiiick ?
RépondreSupprimerQuand tu veux, ma biche ! Je passe te le remettre mardi ... Bises
SupprimerTon billet a achevé de me convaincre. Merci, sinon je crois que je serais passée à côté d'un grand livre.
RépondreSupprimerCe roman historique ou biographie ne fait pas l'unanimité mais je l'ai vraiment aimé comme je l'ai précisé chez toi ! Bisous
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