Écrire sur une guerre, vue de l'intérieur, n'est guère aisé. Jean Echenoz s'est attelé à cet exercice périlleux. Avec sa prose, tout lui réussit. Il semble qu'il soit tombé sur un os (ou plusieurs en fait, l'époque l'explique ... désolée pour cet humour très noir et d'une finesse incommensurable !).
Cinq villageois enrôlés pour participer à un conflit armé de prétendue « courte » durée (quinze jours longtemps susurrés) : Anthime et Charles Sèze, le boucher Padioleau, l'équarisseur Bossis et le bourrelier Arcenel. Cinq jeunes d'un régiment d'infanterie, tenus par l'espoir d'un retour proche, découvrent les balbutiements de la fameuse Der des Der, où les tranchées se préparent et les morts s'accumulent. Cinq hommes qui ont répondu à l'appel du tocsin.
Jean Echenoz décrit parfaitement l'enlisement militaire, la vie d'un bataillon, le manque de tout (la faim, les munitions, les médicaments, l'amour...), la désertion, les représailles militaires et le retour des invalides. Il n'oublie pas les animaux chamboulés par l'absence des propriétaires terriens, les villages abandonnés aux vieillards multiples et aux femmes esseulées (adoublées d'une marmaille affamée). Sa prose mêle les marches silencieuses et les premiers combats, l'attente rurale puis l'espoir.
Pourtant, l'ensemble 14 manque de cohérence : l'usage assez lourd du « on » initial (écho moins réussi du « nous » de Julie Otsuka) accentue la distance opérée entre le lecteur et les protagonistes de l'intrigue. Jean Echenoz a certainement souhaité raconter la Grande Guerre à travers les cheminements exemplaires des cinq héros, à la fois singuliers et universels. Mais, à aucun moment, il ne fait ressentir l'empathie quant à leur devenir, l'émotion face à leur situation comme si le style conventionnel employé, zappant de l'un à l'autre, empêchait l'attachement pour tel ou tel figurant. D'où ce sentiment : si Jean Echenoz avait repris la bonne idée de l'auteure américaine, alors le message de son récit s'en trouverait démultiplié. Qu'importent Anthime, Charles et les autres ? Cette boucherie monstrueuse, planifiée par les dignitaires miliaires, n'a eu de cesse de nier ses victimes humaines, le « on » du départ n'envisageait pas de visages ou de prénoms particuliers. Ce club des cinq semble uniquement là pour donner corps au personnage de Blanche Borde, celle qui attend, celle qui suit, véritable allégorie de cette France des campagnes et villes, hors champs de bataille. Cette dissonance dans le choix narratif se ressent : Jean Echenoz, tel un chef militaire de l'époque, ne s'autorise pas à respecter ou à s'attendrir sur ses ouailles, ratant même la scène finale. Triple bof !
Éditions de Minuit
Rentrée littéraire 2012
emprunté à la bibliothèque
avis : Zazy, Hélène, Dasola, Athalie
et un de plus pour les challenges de La Part Manquante (118 pages), de Piplo et d'Enna (un nombre)
Jean Echenoz décrit parfaitement l'enlisement militaire, la vie d'un bataillon, le manque de tout (la faim, les munitions, les médicaments, l'amour...), la désertion, les représailles militaires et le retour des invalides. Il n'oublie pas les animaux chamboulés par l'absence des propriétaires terriens, les villages abandonnés aux vieillards multiples et aux femmes esseulées (adoublées d'une marmaille affamée). Sa prose mêle les marches silencieuses et les premiers combats, l'attente rurale puis l'espoir.
Pourtant, l'ensemble 14 manque de cohérence : l'usage assez lourd du « on » initial (écho moins réussi du « nous » de Julie Otsuka) accentue la distance opérée entre le lecteur et les protagonistes de l'intrigue. Jean Echenoz a certainement souhaité raconter la Grande Guerre à travers les cheminements exemplaires des cinq héros, à la fois singuliers et universels. Mais, à aucun moment, il ne fait ressentir l'empathie quant à leur devenir, l'émotion face à leur situation comme si le style conventionnel employé, zappant de l'un à l'autre, empêchait l'attachement pour tel ou tel figurant. D'où ce sentiment : si Jean Echenoz avait repris la bonne idée de l'auteure américaine, alors le message de son récit s'en trouverait démultiplié. Qu'importent Anthime, Charles et les autres ? Cette boucherie monstrueuse, planifiée par les dignitaires miliaires, n'a eu de cesse de nier ses victimes humaines, le « on » du départ n'envisageait pas de visages ou de prénoms particuliers. Ce club des cinq semble uniquement là pour donner corps au personnage de Blanche Borde, celle qui attend, celle qui suit, véritable allégorie de cette France des campagnes et villes, hors champs de bataille. Cette dissonance dans le choix narratif se ressent : Jean Echenoz, tel un chef militaire de l'époque, ne s'autorise pas à respecter ou à s'attendrir sur ses ouailles, ratant même la scène finale. Triple bof !
Éditions de Minuit
Rentrée littéraire 2012
emprunté à la bibliothèque
avis : Zazy, Hélène, Dasola, Athalie
et un de plus pour les challenges de La Part Manquante (118 pages), de Piplo et d'Enna (un nombre)
Juste feuilleté samedi en bibli, bah...
RépondreSupprimertu peux l'emprunter, cela ne t'engage à rien. C'est ce que j'ai fait.
SupprimerPas trop envie de romans portant sur la guerre en ce moment...
RépondreSupprimerJe comprends, je reviens d'un Sauver Mozart (seconde guerre mondiale côté autrichien) juste très bien.
SupprimerBof comme toi ! Je suis passée à côté !
RépondreSupprimeroui, j'ai vu cela. Tu sais que nos avis sont contraires à la grande majorité dithyrambique sur ce livre.
SupprimerOuh... je passe mon tour. Bisous :))
RépondreSupprimercomme tu veux, ma belle !
SupprimerPas tentée par le sujet, et par ce que tu en dis.
RépondreSupprimerJe ne suis guère convaincante mais au moins sincère. Beaucoup de lecteurs ont apprécié ce roman. J'ai lu plusieurs livres de cet auteur et je le sais capable de mieux.
SupprimerEt dire que je n'ai jamais rien lu de cet auteur !!!
RépondreSupprimermais tu en connais tellement d'autres. Bises
SupprimerBonsoir Philisine,
RépondreSupprimerBen ouais, il est passé un peu à côté ce coup-ci, le petit père Echenoz ... je rejoins tes réserves, et pourtant, dieu sait ça cela coûte de l'admettre. Juste une divergence, moi, j'ai bien aimé la scène finale, le côté "je vous ferme la porte au nez" ... Du moins, j'ai voulu le lire comme cela !
Merci pour le lien et à bientôt.
J'ai aussi "Sauver Mozart" de noté, visiblement tu as aimé ?
Pour la scène finale, c'est le verbe ensemencer qui m'a heurtée. Oui, j'ai beaucoup aimé Sauver Mozart (4 étoiles en prévision). La chronique, normalement, mercredi ! bises
SupprimerCoucou, ma messagerie m'informe de ton billet... je le lirai demain... suis enrhubée, vais faire dodo... kiss de loin
RépondreSupprimersoigne-toi bien ! bises
SupprimerBon... j'en étais très curieuse, j'ai même failli le prendre à la place de l'excellent " la nuit tombée " de A.Choplin lors d'une virée en librairie, c'est dire... que je ne regrette pas mon premier choix :)
RépondreSupprimer( mais je pense que je le lirai, à l'occasion, parce que toujours curieuse quand même ^^ )
Je serai contente de lire ton avis. Oui, ton premier choix fut même excellent. Bises
SupprimerJ'ai un collègue qui apprécie beaucoup Jean Echenoz mais il n'a pas trouvé celui-ci très bon...Sa critique rejoint donc la tienne ;-)
RépondreSupprimerbises
Bises à toi (et ton collègue)
SupprimerJe l'ai et le lirai (un jour). Je vois que tu as lu Sauver Mozart aussi, ça m'intéresse !
RépondreSupprimerJe le sais bien que Sauver Mozart t'intéresse ...premier roman tout de même.
SupprimerUn petit tag t'attend chez moi ...
RépondreSupprimeroui, j'ai vu ce matin : je le ferai mais mes réponses seront moins bonnes que les tiennes. Bises
SupprimerJean Echenoz est un auteur que j'ai récemment eu envie de découvrir, suite à plusieurs articles et interview que j'ai pu lire ou voir, par-ci par-là. J'ai dans ma PAL "Ravel" que je compte lire prochainement et ce nouveau roman, "14" me tente également beaucoup. A lire ton avis, je me dis que je dois commencer par "Ravel" et voir ensuite pour "14"... En tous cas, merci pour ces belles chroniques que tu nous offres.
RépondreSupprimerJe rajouterais Courir , Des éclairs, Je m'en vais et l'équipée malaise. Merci pour ton si gentil compliment. Bises
SupprimerJ'ai lu je m'en vais de Jean Echenoz il y a longtemps j'avais aimé son style mais celui ci ne me tente pas .
RépondreSupprimerJe ne peux pas te l'envoyer mais si tu as l'occasion de le lire, il est court.
SupprimerCe livre ne me tentait pas, merci d'avoir confirmé ! En revanche, je lirai certainement cet auteur un jour...
RépondreSupprimermême réponse que celle faite à Malorie. Bisous.
SupprimerIl est dans ma Pal depuis sa sortie. C'est comme le dernier Gaudé, acheté mais tellement peur d'être déçu que je le laisse prendre la poussière pour l'instant.
RépondreSupprimerje comprends ton hésitation, que je partage pour les deux livres cités. Bises (enfin, maintenant je sais, moi)
SupprimerIl a fait un beau début dans la rentrée littéraire 2012 mais il n'a pas été sélectionné je crois dans les listes des prix, pourtant Jean Echenoz est un excellent écrivain dans ma bibliothèque je n'ai pas eu de retour sur ce livre. J'avais envie de le lire et bien je vais lire d'abord "courir" et "je m'en vais" qui sont à lire.
RépondreSupprimerLa prose est magnifique, il manque juste l'étincelle dont il est capable.
SupprimerDommage, ta critique commençait bien!!! Je ne connais pas cet auteur, je le découvrirai avec un autre titre alors!
RépondreSupprimerTu peux essayer sur celui-ci mais tu connais mon opinion.
SupprimerCela ne me tente pas et ton avis appuie ce sentiment... (c'est pas bien mais j'étais morte de rire de ta blague moi :lol:)
RépondreSupprimerbises ;) bonne journée
Le pire est que je m'en rends compte lorsque je l'écris : c'est un vrai héritage paternel (mon père joue constamment sur les mots). Je ne me savais pas si influencée.
SupprimerCe n'est pas la première fois que je lis un billet mitigé sur le dernier roman d'Echenoz. Je passe mon chemin. Toutefois j'aimerais découvrir la plume de cet auteur qu'on dit fort belle.
RépondreSupprimerJe pense sans me tromper que tu y serais sensible. Bises
SupprimerJ'avais lu un livre très fort sur ce thème d'Alice ferney, Dans la guerre où au contraire on suit les héros de près.
RépondreSupprimerJe ne pense pas avoir lu ce livre d'Alice Ferney ou alors je n'en ai pas un grand souvenir. Mais ma copine S. de la biblio qui a emprunté à la biliothèque mère le livre Cris de Laurent Gaudé en pensant à moi, m'a fortement découragée de rendre hier celui-ci sans l'avoir lu donc je vais encore affronter la Première Guerre mondiale littérairement parlant.
SupprimerPour ce livre, il est parti de souvenirs, dont un cahier, trouvés. Il souhaitait cette distanciation. Je comprends que tu sois choquée par le verbe inséminer plutôt usité en agriculture. Ici je le prends dans le sens de création d'une nouvelle dynastie, bien que le mot soit trop fort. La guerre a amené à une certaine animalité et il faut réensemencer. Mais bon, Echenoz et moi, c'est à la vie à la mort
RépondreSupprimerJe ne suis pas autant attachée à un auteur ou une auteure que je le pensais : je me rends compte que pour les écrivains/nes qui m'ont enchantée, mon degré d'exigence augmente sensiblement. Je comprends l'animalité mais les hommes sont pourvus de sentiments.
Supprimer