La Fabrique des mots - Erik Orsenna ****

Je dois l'achat de ce livre grâce à une chronique engageante d'Olivia de Lamberterie dans l'émission Télématin, émission que j'ai eu l'occasion de mirer une matinée à l'hôpital en compagnie de mon papounet. J'ai pensé qu'une petite révision grammaticale ne me ferait pas de mal : j'ai bien fait !
Dans un pays fort, fort lointain, vit un dictateur quelque peu analphabète et surtout bête (normal pour un dictateur, cela dit en passant !). Réduire la liberté physique de ces concitoyens ne lui suffit plus, il s'attelle à une liste officielle de douze mots autorisés, et rien de plus. Pénurie de langage, raccourci de communication, un incendie littéraire si vite arrivé et la résistance qui s'organise. La révolte des autres mots, une maîtresse survoltée, une classe en ébullition intellectuelle, et en avant la création !
Cette fable des temps modernes utilise tous les bons procédés de narration :  une histoire sympathique avec une héroïne mutine (Jeanne), des personnages secondaires attachants (la maîtresse Laurencin, le sage Le Capitan) ou hauts en couleur (les frangines Colette et Marguerite Bonaventure que le latin et le grec séparent !, les renforts forts en verlan), des lieux insolites (l'Académie Française devenue une mine d'or, le TDM, les cafés Au divorce joyeux et Aux mots d'amour) illustrent cette intrigue brillante, facétieuse et foncièrement intelligente. Erik Orsenna aurait pu tomber dans le tout didactique, agrémenté de pédagogie.
Il n'en est rien : il ouvre le lecteur à la fabrication du langage, lui montre l'étonnante richesse des idiomes étrangers et en quoi tous interfèrent, rappelle que plus une personne possède un vocabulaire riche, meilleurs seront sa communication et ses liens avec autrui, car à une situation donnée, elle emploiera le mot juste (les synonymes se rapportent à une même idée globale mais lui confèrent chacun, une nuance subtile qui est parfois bon de préciser). Erik Orsenna évoque le langage en constante mouvance, enrichi régulièrement par des termes nouveaux (exemples récents : internaute, logiciel, courriel, pourriel etc).

Les dessins de Camille Chevrillon colorisent La Fabrique des mots, illustrent joliment les scènes décrites, rendent la lecture d'autant plus active et concentrée.
Découpé en seize courts chapitres, ce texte idéal ouvre sur l'apport fondamental de l'étymologie, éclaire sur les données historiques intéressantes, renforce le lien entre liberté individuelle, solidarité intergénérationnelle (nous sommes nourris des mots des autres et des anciens) et culture intellectuelle.

page 91:
« Quand tu inventes un mot, tu éclaires ce qui était dans le noir. Tu précises ce qui était confus. Tu sépares ce qui était mélangé. Tu fais naître quelque chose qui n'existait pas. »

J'ai proposé à mon V. (9 ans) de le lire.
Voici ses impressions : mon V. a apprécié l'explication sur l'origine des mots, a bien aimé l'histoire et le sens des dessins, mais n'a pas adhéré au graphisme de Camille Chevrillon. Voilà !

Editions Stock

sortie avril 2013

et un de plus pour le challenge de La Part Manquante (130 pages)

32 commentaires:

  1. Je n'ai rien lu de cet auteur mais ta critique fait envié et puis le sujet m'intéresse. Je regarderai mercredi s'il est à la bibliothèque!

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    1. C'est une nouveauté : si ta bibliothèque est réactive et que son budget le lui permet, alors tu le trouveras vite. Sinon, il va falloir attendre. Je peux te l'envoyer en LV si tu veux.

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  2. Un livre à mettre dans ma PAL .Le sujet est interessant , ta chronique le rend indispensable à ceux qui aiment notre belle langue.Les mots ont un pouvoir , celui de donner du sens à ce qu'on vit, subit,ils sont étroitement imbriqués à la notion de Démocratie et Liberté.

    "Et cette bouche absente et Lorca qui s'est tu
    Emplissant tout à coup l'univers de silence
    Contre les violents tourne la violence
    Dieu le fracas que fait un poète qu'on tue"
    Louis Aragon

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    1. Très beau morceau d'Aragon. Mille mercis, Pyrausta, de ta présence : tu enrichis ce blog. Je t'embrasse.

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  3. Ce livre me semble bien sympathique. Je n'ai encore rien lu de Erik Orsenna. Ce livre serait peut-être l'occasion de le découvrir! Je vais voir.

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    1. J'avais lu de lui Deux étés, Longtemps et La grammaire est une chanson douce. je trouve qu'il excelle en littérature jeunesse. Bises

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  4. Je l'ai entendu à la Grande Librairie jeudi et il m'a tentée. J'attendrai qu'il soit à la bibliothèque.

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    1. Je peux créer une chaine LV sur ce roman si vous êtes tentés(es)

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  5. Jamais lu Orsenna en jeunesse mais je l'ai testé une fois en "adulte" avec Les chevaliers du subjonctif et il m'était littéralement tombé des mains. Du coup depuis je le fuis comme la peste, ce qui semble être une belle erreur.

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    1. Ce roman est court et je le trouve bien fichu. J'ai aimé cette fable.

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  6. Coucou ma Phili, meilleure santé à ton papa et gros bisous de ta Comète de retour de Belgique.:) J'ai fini "La fille de l'irlandais" faut que j'écrive le billet ;)

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  7. Il doit être intéressant ce livre et tu en fais une belle chronique ! Tiens finalement j'ai acheté La fille de l'irlandais je suis tombée dessus en allant à Easy cash, 1.99 euros le broché, je ne pouvais pas le laisser là, qu'en penses-tu ? :D
    bisous et belle soirée ;)

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    1. Merci pour ce compliment et tu as bien fait d'acheter La fille de l'Irlandais à ce prix-là : il faut que tu demandes un partenariat avec Easy Cash car tu leur fais une pub d'enfer !

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  8. il l'a présenté à la grande librairie récemment

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    1. oui c'est qu'Aifelle a confirmé : tant mieux ! Je sais que le livre a fait un excellent démarrage en librairies indépendantes.

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  9. J'ai cet achat en prévision car j'aime bien Orsenna et tu me confortes dans mon intention

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    1. Je ne regrette aucunement mon achat, j'ai même été ravie de partager cette lecture avec mon V.

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  10. Chouette d'avoir partager cette fable avec ton fils! J'ai lu La grammaire est une chanson douce, j'avais aimé. Une jolie manière de parler de la langue française, je pense les faire lire à mon fils aussi (faut je j'attende encore un peu, il a à peine 8 ans).

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    1. Oui, j'étais contente que mon V soit d'accord pour partager ce moment de lecture. C'est un vrai bon souvenir commun.

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  11. Je n'ai pas lu les autres de la série, ma femme et ma fille l'ont fait et en ont été ravies, je préfère les autres livres d'E. Orsenna qui est un redoutable raconteur d'histoires tant en les écrivant qu'en en parlant, j'avoue ne pas décrocher de ses paroles lorsqu'il passe à la télé ou la radio. J'ai eu la chance de le rencontrer lors d'un Prix littéraire pour lequel j'étais juré et il est exactement l'image qu'il donne de lui : abordable et simple.

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    1. Oui, c'est l'image que j'ai de lui : quelqu'un d'érudit et de jovial, un vrai épicurien esthète. Je l'aime bien.

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  12. Ton V. de 9 ans a aimé, je proposerai au miens, alors.

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    1. Oui, on pourra commenter les avis de nos enfants !!!!

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  13. Ce livre est sur ma LAL. J'aime beaucoup les textes d'Erik Orsenna.

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    1. Je n'ai pas lu assez de livres de lui mais je trouve qu'il sait bien conter en littérature jeunesse.

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  14. Un livre que j'achèterais bien pur l'offrir à mon fiston, qui a beaucoup plus que neuf ans, cancre convaincu mais amoureux des mots ! Merci !

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  15. Je les ai tous lus, donc celui-ci ne fera pas exception ! :)

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  16. un p'tit Orsenna de temps en temps, ça ne fait pas de mal, mais je dois avouer que je confonds tous ses bouquins!

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    1. Ah, Erik ne serait-il pas aussi pregnant ? Je crains pour Sophie Davant alors !!!!!

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