J'ai eu la chance récemment de découvrir le spectacle de Jean-François Sivadier concernant Le Misanthrope de Molière, alias Jean-Bapt pour les intimes. Une chance inouïe tant le succès fut au rendez-vous, tant cette pièce de théâtre maintes fois montée connut un tel dépoussiérage qu'il aurait été malheureux de rater. Vous avez dit : ménage de printemps ?
Le synopsis : Alceste rêve d'un monde d'honnêteté, ne supporte plus les petites mesquineries et les mensonges de ses congénères. Amoureux de la vile Célimène, il tente de la convertir à sa façon de voir le monde (et les choses) et exige d'elle un engagement plus affirmé à son égard. Mais Célimène n'en a cure et semble bien décidée à aller voir ailleurs si l'herbe est plus fraîche (et assurer ses arrières tant qu'à faire). Parallèlement, un édile royal, Oronte, recherche les faveurs et l'amitié d'Alceste. Imbu de sa personne et relativement caricatural, il lui déclame une prose d'une affligeante platitude : Alceste, logique avec lui-même, lui assène ses quatre vérités et vérifie là que ce n'était pas ce que souhaitait entendre Oronte.
D'un côté, une pièce de théâtre classique hyper bien écrite quoique bavarde (à mon goût) et d'un sombre, aux personnages peu attachants. De l'autre, une mise en scène remarquable, au tapis et à la pluie de grisaille, où se succèdent multiples clins d’œil (The Clash, The Artist, Berlusconi et le public), des trouvailles géniales (jets d'eau reposants, lustres bien assis, colline de chaises, ruban-cercle de Möbius, ballon de lune, un kilt écossais) lorsque la prose l'est moins, des marquis bien échauffés et un Oronte grandiloquent à la démarche saccadée, des pauses textuelles fabuleuses où certains mots comme race ou tirer marquent l'auditoire (par la façon dont ils sont scandés).
D'un côté donc le classicisme et l'intemporalité, de l'autre le modernisme et l'art de faire aimer un texte qui a priori ne soulève pas un grand enthousiasme (enfin de ma part). C'est tout le talent de Jean-François Sivadier : s'entourer de comédiens justes (prouesse de Alceste-Nicolas Bouchaud, intelligence de jeu chez Philinte-Vincent Guédon, une Célimène-Norah Krief malicieuse et gourmande etc), s'inspirer des écrits de Molière, les transmettre et s'en évader. Il sublime l'amertume et la rend comique, accentue la part d'ombre et de lumière de chacun (exceptés Philinte et Éliante, dignes représentants de l'équilibre parfait), soulève les différentes problématiques :
Peut-on toujours dire la vérité ? Doit-on toujours l'avancer ? Quelle est la différence entre morale et éthique ?
Le Misanthrope présenté comme une comédie dramatique, en devient tragique avec son héros détaché de tout et de tous au nom d'une pureté virginale et avec des personnages amoraux qui manipulent ou dénoncent la réalité (Célimène, Oronte, Arsinoé) pour arriver à leurs fins (une position sociale plus assurée, le rêve de gloire, l'amour d'Alceste). Éliante et Philinte tentent le contrepoids en vain. Intransigeant et entier, l'atrabilaire s'éloigne de ce monde qu'il honnit malgré la parade de ces derniers, tel un dépressif s'enfonçant dans sa maladie, en tournant sur lui-même.
Livre des éditions classiques Larousse
durée du spectacle : 2h30 sans entracte (le temps file si vite !)
au Théâtre du Nord à Lille du 29 avril au 9 mai 2013
et un de plus pour les challenges de Sharon et d'Eimelle
D'un côté donc le classicisme et l'intemporalité, de l'autre le modernisme et l'art de faire aimer un texte qui a priori ne soulève pas un grand enthousiasme (enfin de ma part). C'est tout le talent de Jean-François Sivadier : s'entourer de comédiens justes (prouesse de Alceste-Nicolas Bouchaud, intelligence de jeu chez Philinte-Vincent Guédon, une Célimène-Norah Krief malicieuse et gourmande etc), s'inspirer des écrits de Molière, les transmettre et s'en évader. Il sublime l'amertume et la rend comique, accentue la part d'ombre et de lumière de chacun (exceptés Philinte et Éliante, dignes représentants de l'équilibre parfait), soulève les différentes problématiques :
Peut-on toujours dire la vérité ? Doit-on toujours l'avancer ? Quelle est la différence entre morale et éthique ?
Le Misanthrope présenté comme une comédie dramatique, en devient tragique avec son héros détaché de tout et de tous au nom d'une pureté virginale et avec des personnages amoraux qui manipulent ou dénoncent la réalité (Célimène, Oronte, Arsinoé) pour arriver à leurs fins (une position sociale plus assurée, le rêve de gloire, l'amour d'Alceste). Éliante et Philinte tentent le contrepoids en vain. Intransigeant et entier, l'atrabilaire s'éloigne de ce monde qu'il honnit malgré la parade de ces derniers, tel un dépressif s'enfonçant dans sa maladie, en tournant sur lui-même.
Livre des éditions classiques Larousse
durée du spectacle : 2h30 sans entracte (le temps file si vite !)
au Théâtre du Nord à Lille du 29 avril au 9 mai 2013
et un de plus pour les challenges de Sharon et d'Eimelle
Trop la chance de le voir sur scène ! Mes amitiés à Jean-Bapt.
RépondreSupprimerAh ce cher Jean-Bapt qui doit se retourner dans sa tombe. Bon, d'un autre côté, cela lui ferait pas de mal, un peu de sport tout de même !
SupprimerJe ne suis pas une grande fan de la pièce mais ta description de la représentation fait envie tout de même ;)
RépondreSupprimerLaurence
Comme toi, Laurence, je ne suis pas fan du texte et j'étais assez intéressée de découvrir une mise en scène relevée qui du coup fait aimer le texte. Pour cela, *** pour le texte et ***** pour la mise en scène.
SupprimerVive Molière !! Et vive le théatre !
RépondreSupprimeroui, que vivent longtemps le théâtre et les pièces classiques !
Supprimerune version qui a l'air intéressante! Bien notée pour le challenge, bonne soirée!
RépondreSupprimermerci, Eimelle, une version formidable et engageante.
SupprimerOui, ce sont des textes qu'il faut revisiter en empruntant des chemins différents. Le spectacle vivant est un de ces chemins. Bon, à demain pour notre LC !
RépondreSupprimerExactement. Tu as résumé clairement ma pensée.
SupprimerCe n'est pas trop ce que j'ai envie de lire en ce moment :)
RépondreSupprimerBisous et belle soirée Phili ;)
mais à voir, assurément si !
Supprimer"Le Misanthrope"... des souvenirs d'école! Je me souviens d'être allé voir cette pièce au théâtre de Marigny dans le cadre d'un voyage d'études, avec Francis Huster dans le rôle titre. Je dois avoir encore l'épinglette souvenir quelque part.
RépondreSupprimeret c'était bien ? ou ultraclassique ? Pour cette pièce, il faut vraiment que les metteurs en scène sortent des sentiers battus. En procédant ainsi, ils lui donnent un éclairage important.
SupprimerC'est chouette les adaptations, ça dépoussière les classiques, leur confère une modernité... réinterpréter sans dénaturer l'oeuvre!
RépondreSupprimerexact : tu as tout dit ! la prochaine fois, c'est toi qui écris le billet.
SupprimerTu me donnes très envie d'aller au théâtre, mais je passe toujours à côté des pièces classiques, si toutefois il en passe à Lille... (il doit bien y en avoir après tout !)
RépondreSupprimerOn vient d'avoir une conversation mailique et en effet, je t'ai appris que j'avais vu ce spectacle au théâtre du Nord à Lille. Je le rajoute sur mon post.
SupprimerJ'ai aussi eu la chance de voir cette mise en scène : j'y allais à reculons, il pleuvait, j'avais pas envie de ressortir de chez moi, je n'aime pas le Misanthrope, j'allais rentrer tard, j'adore Molière mais pas le coup de l'abonnement annuel dans le théâtre de ma ville ( faut cocher super vite les "must de la saison", sinon on se retrouve au fond de la grande salle sur un strapontin,en plus, même le soir y'a plein de scolaires qui ricanent, je n'avais pas le choix, j'adore les mises en scène de Sivadier, triste comme la pluie, et solitaire comme Alceste, j'ai acompli mon devoir. J'en suis ressortie avec le sourire aux lèvres, j'ai relu le Misanthrope, du coup dans ma foulée, et j'ai trouvé le texte génial !!! Et les scolaires n'ont même pas ricané, c'est dire la force de la mise en scène ...
RépondreSupprimerJ'ai lu la pièce (ok mais sans plus), je vois le spectacle (génial, génial) et je n'ai qu'une envie : revenir à la pièce ! Elle est pas belle la vie ! Alors Jean-Bapt, on dit merci à qui ? À Jean-François, of course ! (remarque entre Jean, ils se comprennent)
SupprimerUne pièce que j'aime personnellement beaucoup :)
RépondreSupprimerSi les thèmes sur l'apparence et le vrai restent toujours d'actualité, c'est le côté atrabilaire du héros qui m'a un peu éloignée : trop d'humeur sombre me gâche la vie ! Bisous
SupprimerFaut oser quand même avec un ton surplombant décréter que "Le Misanthrope" est une pièce "bavarde" (jamais lu pareille ineptie); quant à la mise en scène ben désolée mais je l'ai trouvée facile et pas dépoussiérante du tout ("should I stay or should I go" en ouverture: j'ai frémi en entendant ça dès le début et hélas la suite ne m'a pas convaincue). Soyez un peu moins péremptoire dans vos avis. N'est pas Molière qui veut ni qui peut.
RépondreSupprimerJ'aime Molière mais clairement Le Misanthrope n'est pas la pièce que je préfère de lui : le héros est neurasthénique, dépressif et donc ne cesse de ressasser le même discours. C'est en cela que je trouve cette pièce bavarde, ce qui semble fort vous déplaire. Même si j'adhère entièrement au propos (le paraître n'est pas l'être : toujours d'actualité et sûrement intemporel), je regrette ici sa longueur. Quant à Monsieur Sivadier, je ne pense pas qu'il ose se mesurer au maître. Il a sublimé cette pièce en accentuant sa mise en scène sur la diction (parfaite) des comédiens et aussi sur des gestes (comme celui qu'Alceste pratique en tournant sur lui-même : une vraie métaphore de son état mental). Voilà, je regrette que lire mon article vous ait fait passer un si mauvais moment et je vous souhaite une agréable et douce année 2014.
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