Troisième personne - Valérie Mréjen (entre *** et **** mais plus près du ****)

Troisième personne de Valérie Mréjen est un écrit court (cent pages maximum, en édition folio) sur l'expérience de la maternité, expérimentée par un couple de parisiens. Il recueille tout plein d'anecdotes, certaines vécues, d'autres imaginées narrées avec recul et retenue, avec une forme empathique de distanciation. J'ai beaucoup aimé et me suis retrouvée dans des situations décrites. 
Troisième personne par Mréjen
Image captée sur le site de Babélio
De ce roman-essai-objet littéraire non identifié, on retiendra quelques images très belles (la rencontre sucrée et d'une grande générosité entre la Troisième personne et un homme apparemment sans abri, la conversation nostalgique entre l'accouchée et une sage-femme, le regret de l'absence des grand-mères, le premier envol, la photo d'un taxi, toutes les formes de transmission...).  Il en a d'autres et franchement, c'est un ouvrage qui mérite le coup d’œil (tant pour sa forme narrative que pour son contenu).

Dire que Troisième personne intéressera un public large paraît peu probable : il s'adresse principalement à ceux et celles qui un jour ou l'autre ont eu envie ou ont l'envie d'approcher l'univers des tout-petits (de la naissance à l'éveil de la conscience - autre très beau moment décrit-) sans que cette évocation soit douloureuse.

J'éprouve une admiration sincère pour Valérie Mréjen et une tendresse particulière pour ses écrits déjà lus. Adepte des textes courts (au moins ceux que j'ai déjà abordés : L'agrume, Mon grand-père et maintenant Troisième personne), l'artiste est capable de modifier son registre littéraire : dans L'agrume et Mon grand-père, il y a un petit côté acerbe, cynique, naïf et percutant qu'on ne retrouve pas dans Troisième personne (littérairement plus construit, plus neutre et avec un humour simple et sans calcul). Je loue sa capacité à la précision, à la concision, le juste mot, le bon mot.

Collection Folio 
Éditions POL  (maison d'édition très branchée Maternité)

page 32 : " Les petites mains attireront d'autres mains constellées de taches de vieillesse, des pouces fripés, des phalanges tordues par l'arthrose, des annulaires ornés d'alliances portées pour la première fois cinquante ans plus tôt, de doigts majoritairement féminins qui viendront prestement établir un contact avec le poignet rebondi comme pour saisir un peu de sa jeunesse, intercepter une once de ses ondes bénéfiques."
 
page 64 : " Ils relisent les histoires jusqu'à les connaître par cœur. Ils peuvent les réciter de mémoire : il est tout à fait inutile de continuer à chercher sous le lit tel album introuvable au moment du coucher, d'effectuer des va-et-vient de la chambre au salon, du salon à la chambre et de soulever dix fois de suite les mêmes coussins. On le trouvera demain. En attendant je peux te raconter Babar quand même.
Non elle préfère le livre, avec le vrai texte et les vraies images. La prouesse que la mère se propose d'accomplir en récitant toute l'histoire de mémoire ne lui dit rien que vaille. Elle n'a aucune confiance dans les capacités mnésiques ni les talents de comédiens que ses parents pourtant très motivés essayent au mieux de mettre en avant. Il faut absolument trouver l'ouvrage qui doit être caché quelque part au fond d'un tiroir ou sous un tas de couvertures."

avis : Antigone, Cathulu

Évasion musicale obligée : The sound of silence - Simon & Garfunkel (merci à eux d'avoir composé un si bel hymne musical, merci à elle pour l'instant littéraire consacré à cette splendide chanson)
De l'autrice :
L'agrume
Mon grand-père

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