Le petit paradis - Joyce Carol Oates (entre *** et ****)

En ce moment, j'écluse ma PAL sans volonté de la diminuer absolument mais j'ai la flemme d'aller vaquer dans ma bibliothèque préférée et j'ai surtout fait beaucoup d'achats de poches très tentants : donc du coup, je les lis ! Et bien m'en prend car pour l'instant aucune déception à l'horizon.

Je suis ressortie de ma lecture de Le petit paradis complètement stone, avec une émotion d'une profonde tristesse. Non pas que le livre soit raté : bien au contraire, il a touché exactement là où il fallait. Le petit paradis est remarquablement écrit avec une précision scientifique et une logique imparable. Joyce Carol Oates tient son discours mais aussi nous le fait vivre (un peu comme Florian Zeller arrive à nous faire vivre la maladie d'Alzheimer dans le formidable The Father).

Le pitch est simple : Adriane, une jeune étudiante, brillante élève, propose un discours de fin d'année qui a l'art de déranger les autorités par les questions qu'il pose. La réaction de l'état autoritaire décide de la disparition et de l'implantation d'Adriane dans un autre monde, plus ancien, avec une autre identité. Un monde plein de mirages.

L'entrée dans Le petit paradis peut rebuter certains lecteurs : il est envahi de termes techniques (notamment sur les différents statuts de "citoyens") mais fort heureusement Joyce Carol Oates s'en affranchit vite pour laisser libre court à son discours et à sa dystopie. Rédigeant un véritable hymne aux sciences (expérimentales, théoriques, humaines), Joyce Carol Oates rappelle que la principale mesure répressive qu'engage une dictature concerne les fondements de l'esprit critique. Les citoyens cultivés qui réfléchissent et questionnent leur monde, et qui ne s'épuisent pas à épouser des thèses complotistes, sont les premières victimes. Se montrer excellent devient inquiétant et sujet à attirer une attention malvenue. Résultat : tout concourt à diminuer toute forme d'intelligence et à anoblir la médiocrité car l'intelligence fait peur, remet en cause voire ternit l'aura d'édiles bien installés. C'est une dystopie qui décrit parfaitement les sociétés fermées sur elles-mêmes et où la cooptation, gage de stabilité, reste un moyen de sous-développement intellectuel et scientifique : bref une histoire bien réelle.

Joyce Carol Oates arrive à rendre l'émotion de l'exil, palpable le destin de cette héroïne courageuse qui ne cesse de chercher un autre Élu, comme elle. La forme suit le fond et c'est juste de maîtrise (je tairai volontairement la dernière partie de cette histoire qui s'impose comme une claque à la fois prévisible et d'une tristesse).

Le petit paradis est une œuvre très intéressante de Joyce Carol Oates, romancière prolifique et talentueuse qui s'essaie à différents styles littéraires et y excelle. Un petit paradis qui bouscule les consciences et c'est tant mieux.

Éditions Le Point

Traduction de Christine Auché

de la même autrice Délicieuses pourritures      Nous étions les Mulvaney

4 commentaires:

  1. Une dystopie par la grande Joyce Carol Oates.. ? hum, intéressant !

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  2. Je connais l'auteure, mais je pense que je n'ai jamais rien lu d'elle.
    Ce titre, je ne le connais pas. Je ne l'ai jamais vu !
    Bonne soirée.

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  3. Des années que je n'ai pas lu Oates, il faudrait que je m'y remette un jour.

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  4. Pourquoi pas, j'ai adoré certains des romans de l'auteure, et d'autres me sont tombés des mains.

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