Toutes les créatures - Sarah Louise Butler *****

Toutes les créatures de Sarah Louise Butler s'inscrit dans la littérature de nature writing, et je dirais même plus (pour reprendre une expression de nos chers Dupond et Dupont) que c'est certainement le premier roman naturaliste que je lis, tant les espèces animalières (notamment aviennes) sont précisément décrites et font une large partie du décor, ils le rendent même étonnamment mouvant. Et pour compléter mon introduction, je dirais qu'au cours de cette lecture, je n'ai cessé de penser à Là où chantent les écrevisses de Delia Owens, parce qu'il y a des éléments communs : premier roman de l'autrice, une héroïne, la nature, la plume comme langage de l'amour, l'atmosphère de symbiose avec la faune et la flore, mon intérêt constant pour l'intrigue. Mais c'est tout (et ce n'est déjà pas si mal). J'ai quitté cette histoire à regret, j'ai ressenti les émotions et la tristesse de notre Cassandra Langley dite Sandy, face à certains deuils lourds, très lourds. J'ai aimé la voir évoluer, montrer son caractère, poursuivre la quête de ce Grand-père à qui elle doit tant -son protecteur si amoureux des animaux et de la nature, vétérinaire à la carrière chahutée par un choix familial nécessaire-. J'ai aimé la voir vivre et grandir auprès de personnes aimantes : un quasi frère de lait (Luke), la mère de celui-ci (Eva) comme protectrice féminine et bonne arrangeuse en maquillage. Les observations de Sandy sur son évolution physique et son comportement (en particulier, au moment de l'adolescence, et à d'autres moments cruciaux de sa vie, en règle générale) en tant que représentante de l'espèce humaine et sa comparaison aux autres mammifères sont vivifiantes et intéressantes : elles rappellent constamment le cercle de vie animale et permettent de comprendre certaines attitudes, ses changements d'attraits. J'ai trouvé ce traitement-là très bien mené et réjouissant. Dans Toutes les créatures, on respire et on s'émerveille de l'instant présent, la contemplation donne son rythme : c'est apaisant. Les nages dans le lac sont évidentes, les chutes de neige et l'isolement aussi.

Le choix judicieux pris par Sarah Louise Butler d'alterner le passé et le présent  de Sandy par des courts chapitres permet de ne pas s’appesantir ni de s'ennuyer et aide aussi à se souvenir : on revient régulièrement sur des faits de son histoire (événements et protagonistes du passé et du présent). Le choix aussi du "je" facilite l'incarnation des sentiments de Sandy. Enfin le scénario qui pourrait s'avérer plat de chez plat car la quête immuable d'un Charlie aux traces visibles et à la présence discutable est compensée par le quotidien de ce petit clan pas si tranquille que cela : toute arrivée étrangère peut être synonyme de menace. Avec parcimonie et bonne intelligence, l'autrice dévoile les petits secrets de chacun et de chacune, introduit quand il le faut des personnages secondaires attachants également (Jacob, Rachel). Toutes les créatures est une histoire bien écrite, bienveillante qui m'a fait du bien et qui m'a permis de m'évader. Un très joli premier roman, une vraie réussite littéraire.

Éditions Phébus.

Belle traduction de Charlène Busalli

Lu dans le cadre de l'opération Masse critique privilégiée de Babelio en partenariat avec les éditions Phébus : un grand merci pour cette belle découverte.


8 commentaires:

  1. Un premier roman que je n'ai pas repéré. Il pourrait me plaire.

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  2. Je n'ai pas aimé "Là où chantent les écrevisses" et je suis lasse de ces pauvres filles auxquelles il arrive tous les malheurs du monde et qui se reconstruisent et s'en sortent quand même.Souvent, à mes yeux, ce thème (par ailleurs intéressant) est traité de façon trop caricaturale. C'est en tout cas ce que j'ai ressenti à la lecture du roman de Delia Owens.

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    1. Je ne suis pas du tout d'accord avec toi sur le roman d'Owens, roman que j'ai apprécié pour son écriture, son intrigue fouillée et je n'y ai vu aucune forme de caricature. Dans Toutes les créatures (comme son titre l'indique) elle narre l'histoire d'une humaine à qui, oui, il arrive des deuils, mais elle fait preuve de résilience grâce à son entourage (et grâce à elle-même !) et surtout ces deuils ne sont pas toute l'histoire. J'ai trouvé ce roman vivifiant pour plein de raisons : son côté naturaliste, son parti-pris de rappeler à juste titre l'espèce humaine dans le grand corpus des mammifères, son côté un peu mystique avec ce Charlie-Yeti énigmatique, l'atmosphère globale et saisissante dans tous les sens du terme (le froid, le vert, le bleu), le côté aussi culturel de cette partie du Canada (la Colombie britannique que j'aime tant.) Voilà après je peux aussi comprendre que ce roman ne fasse pas l'unanimité. Mais je ne retire rien de ce que j'ai écrit et de mon évaluation : j'assume mon grand plaisir de lecture et d'évasion, j'ai absolument tout aimé. Et pour un premier roman, il est particulièrement documenté, incarné, réfléchi et très bien scénarisé et écrit.

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  3. Deuxième très bon avis sur ce roman en quelques jours, tu me donnes envie de le découvrir !

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    1. Cool. J'espère que tu aimeras. Je peux te l'envoyer si tu souhaites le découvrir.

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    2. C'est sympa, très sympa même, mais j'ai déjà bien trop de livres qui m'attendent. Je ne le perds pas de vue, quoi qu'il en soit.

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  4. Je découvre ce roman grâce à toi car je ne suis pas toujours les nouvelles parution. Le thème et le cadre (la Colombie britannique, si j'ai bien compris) me font penser que le livre me plairait.

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