Je dois cette lecture à deux personnes :
* Anis du blog Litterama qui a lancé le challenge Lire Margaret Atwood et j'ai répondu à l'appel. La Servante écarlate succède au très bon C'est le cœur qui lâche en premier pour répondre à ce défi
* et moi-même (selon le vieil adage "On n'est jamais mieux servi que par soi-même.") parce que j'ai bien compris que La Servante écarlate faisait partie du Panthéon des romans d'anticipation, que ne pas le lire manquerait indéniablement à ma culture littéraire. Comme j'avais aussi très envie de le découvrir, je ne me suis donc pas trop forcée.
II y a aussi un facteur non négligeable : l'hiver et le printemps passés n'ont pas été des périodes d'intense lecture romanesque en raison d'autres priorités plus urgentes, j'ai peu lu mais j'ai assuré mes lectures en choisissant des titres qui ont trouvé la reconnaissance soit des critiques littéraires soit du public, et en général, des deux !
Verdict : je comprends que La servante écarlate soit un modèle du genre mais je n'ai pas été aussi enthousiaste que je l'aurais souhaité. Pour faire simple : j'aurais bien voulu connaître le coup de cœur mais en fait, non !
Image captée sur le site de Babélio |
La Servante écarlate narre un instantané de vie d'une femme renommée Defred au service d'un Commandeur de la république de Gilead.
Dans ce nouveau royaume qui succède à notre ère, les femmes non épouses de Commandeurs portent des robes monochromes dont l'unique couleur désigne à la fois la tâche et la condition sociale. Le rouge représente celles des esclaves sexuelles. Dans cette nouvelle dynastie "républicaine" (où l'humanité est avilie, exceptés les gouverneurs et leur épouse), la fertilité est une denrée rare : or ce royaume a besoin de progéniture pour subsister et justifier son modèle.
Le monde dressé dans La Servante écarlate est rempli de rituels : chaque geste est répété à l'identique, chaque mot est mesuré, chaque déplacement est contraint, chacun et chacune épient autrui. Bref c'est l'éclate totale ! De république, il n'en est que le mot puisque derrière Gilead se dresse une dictature (les résistants ou envisagés ou soupçonnés sont pendus ou livrés au public à titre d'exemples). Dans ce monde-là, l'amour n'existe plus ou peu, les relations sexuelles sont réduites à de actes de procréation et se résument le plus souvent à des viols domestiques, là encore programmés. Tout est sous contrôle donc. Mais la nature humaine est dérangeante et certains esprits libérés et non totalement asservis n'ont pas encore oublié leur enfance, leur adolescence voire leur émancipation ancienne et sont bien décidés à bouger le cocotier, au péril de leur vie !
Margaret Atwood décrit dans La Servante écarlate un univers aseptisé de façon très clinique et scientifique. Ce monde sans âme donc se ressent dans son écriture peu lyrique (même si le style est plus fluide, plus agréable que celui d'Aldous Huxley dans Le Meilleur des Mondes) mais néanmoins efficace avec un descriptif précis de chaque scène, de chaque rituel : on baigne dans ce logis, empli de femmes et d'hommes qui pèsent leurs mots, élude les regards. Le toucher est rare voire impossible. L'être humain est devenu un automate (ou du moins ce que souhaitent les instances de Gilead). Les femmes et les hommes sont conditionnés par un embrigadement éducatif poussif et massif. La prouesse littéraire de Margaret Atwood est d'avoir construit un univers avec ses codes, un cheminement collectif et individuel.
Voilà, je comprends que ce monde-là puisse faire peur, puisqu'il regroupe tout ce que l'être humain a été et est capable de commettre à autrui afin de le soumettre. Pourtant, aussi étrange que cela puisse paraître, j'ai été complètement distanciée par rapport à l'histoire. Je ne dis pas que cela ne pourrait pas arriver mais certains scènes
décrites dans le livre sont malheureusement monnaie courante de nos jours ou l'ont été dans le passé : j'ai
encore en mémoire la scène de la première relation sexuelle d'un couple
dans le film Kadosh d'Amos Gitaï (certes filmé en 1999)
sous fond de religiosité poussée ; le lynchage publique était monnaie courante dans le passé (pas si lointain ; maintenant il n'est plus physique mais numérique... L'indignité et la cruauté, elles, restent communes) ; la zone libre et la "prison" etc. Les arguments annoncés sont déjà bien
présents dans différentes civilisations de notre ère : c'est le cumul à
un même endroit, simultanément, qui rend la situation inédite de Gilead.
Je crois que ce qui m'a éloignée de La servante écarlate, c'est le manque d'empathie à l'égard des personnages : aucun ne m'a émue, ne m'a accrochée. Même si je comprends parfaitement le message : la forme littéraire qui suit le fond. Ce que Margaret Atwood réussit parfaitement dans ce roman, c'est de dessiner un univers sans amour, automatisé, où on consomme l'humain comme une marchandise. Et c'est bien l'amour qui soulève la résistance. Il y a aussi un autre truc qui m'a dérangée : le manque de risque ! Margaret Atwood plante un décor, le fait vivre, mais ne dit pas comment on en est arrivé là, comment on en sort : en gros le passé et le futur sont finalement évoqués sans être parfaitement disséqués. Or, c'est là que La servante écarlate aurait pu trouver une autre dimension. Même si vous pourriez me rétorquer que c'est justement à la lectrice et au lecteur de le deviner : je trouve que cet argument de l'imagination est un peu facile et élude la logique implacable du pourquoi et du devenir ! Certes la série télévisée éponyme répond certainement à mon questionnement et ma remarque mais ne l'ayant pas vue (et je ne compte pas la visualiser), j'en reste à l'écrit majeur !
Derrière cette histoire, l'auteure canadienne critique de façon virulente le monde moderne : celui de la consommation à outrance, celui du pseudo-libéralisme des mœurs quand certains s'attachent à conserver leur hégémonie. Je ne sais pas si Margaret Atwood a rédigé ce roman pour nous prévenir d'un quelconque risque, il me semble qu'elle a plutôt enfoncé le clou du capitalisme qui sous couvert de la réussite individuelle annihile tout esprit du collectif, isole et fragilise les plus faibles.
La servante écarlate est un roman à lire, un écrit salutaire pour toutes les hypothèses de recherche littéraire qu'il soulève, pour la réflexion et la prise de conscience qu'il engendre. Je comprends aussi son succès, sa portée métaphysique, sa dimension planétaire. J'envisage également que cette dystopie ne satisfasse pas tous les lecteurs pour ses travers et l'attente de sa lecture, attente de tout classique qui soulève exigence de la part du lectorat. A vous de voir donc !
Collection Pavillons Poche
Éditions Robert Laffont
avis : Kathel (avec qui j'aurais pu effectuer une LC), ma Zaz, Anis (of course) Eimelle, Ingannmic, Krol, Liliba, Cathulu, Alex (je n'arrive pas à trouver le lien vers ta chronique), Violette,
et ma seconde participation au challenge d'Anis : défi accompli !
Je crois que ce qui m'a éloignée de La servante écarlate, c'est le manque d'empathie à l'égard des personnages : aucun ne m'a émue, ne m'a accrochée. Même si je comprends parfaitement le message : la forme littéraire qui suit le fond. Ce que Margaret Atwood réussit parfaitement dans ce roman, c'est de dessiner un univers sans amour, automatisé, où on consomme l'humain comme une marchandise. Et c'est bien l'amour qui soulève la résistance. Il y a aussi un autre truc qui m'a dérangée : le manque de risque ! Margaret Atwood plante un décor, le fait vivre, mais ne dit pas comment on en est arrivé là, comment on en sort : en gros le passé et le futur sont finalement évoqués sans être parfaitement disséqués. Or, c'est là que La servante écarlate aurait pu trouver une autre dimension. Même si vous pourriez me rétorquer que c'est justement à la lectrice et au lecteur de le deviner : je trouve que cet argument de l'imagination est un peu facile et élude la logique implacable du pourquoi et du devenir ! Certes la série télévisée éponyme répond certainement à mon questionnement et ma remarque mais ne l'ayant pas vue (et je ne compte pas la visualiser), j'en reste à l'écrit majeur !
Derrière cette histoire, l'auteure canadienne critique de façon virulente le monde moderne : celui de la consommation à outrance, celui du pseudo-libéralisme des mœurs quand certains s'attachent à conserver leur hégémonie. Je ne sais pas si Margaret Atwood a rédigé ce roman pour nous prévenir d'un quelconque risque, il me semble qu'elle a plutôt enfoncé le clou du capitalisme qui sous couvert de la réussite individuelle annihile tout esprit du collectif, isole et fragilise les plus faibles.
La servante écarlate est un roman à lire, un écrit salutaire pour toutes les hypothèses de recherche littéraire qu'il soulève, pour la réflexion et la prise de conscience qu'il engendre. Je comprends aussi son succès, sa portée métaphysique, sa dimension planétaire. J'envisage également que cette dystopie ne satisfasse pas tous les lecteurs pour ses travers et l'attente de sa lecture, attente de tout classique qui soulève exigence de la part du lectorat. A vous de voir donc !
Collection Pavillons Poche
Éditions Robert Laffont
avis : Kathel (avec qui j'aurais pu effectuer une LC), ma Zaz, Anis (of course) Eimelle, Ingannmic, Krol, Liliba, Cathulu, Alex (je n'arrive pas à trouver le lien vers ta chronique), Violette,
et ma seconde participation au challenge d'Anis : défi accompli !
De la même autrice : C'est le cœur qui lâche en premier
Je comprends tes réticences, mais ne les ai pas ressenties... J'ai aimé le fait que le passé soit peu évoqué (Defred ne peut pas se permettre de le revivre) et le style un peu froid colle tellement bien au sujet que cela m'a parfaitement convenu...
RépondreSupprimerJe suis curieuse de lire d'autres romans de l'auteure pour comparer !
Je crois qu'au contraire, se remémorer le passé lui permet de ne ps oublier son humanité, sa singularité et ce qui était bien et qui n'est plus : la liberté ! Cela l'aide à mener une forme de résistance. Je suis complètement d'accord avec toi, le style froid participe à l'atmosphère dégagée par le roman. Mais je crois que c'est aussi un invariant chez Margaret Atwood qui est davantage dans l'action que dans la contemplation. J'aimerais lire un roman d'elle où elle laisse davantage les sentiments s'exprimer, sans qu'on soit dans la consommation.
SupprimerRevenir sur le passé, voilà peut-être un des aspects intéressants de la série qui a été tirée de ce roman (dont je n'ai vu que la 1e saison).
RépondreSupprimerJe sais qu'il y a peu, Atwood a publié une "suite" à cette histoire. Peut-être y dévoile-t-elle plus d'éléments quant au passé et au futur ?
No sé ! Je n'ai en tout cas pas super envie de découvrir la série. Je préfère garder les scènes dans ma tête. Disons que je n'éprouve pas le besoin d'observer e qu'en a fait un réalisateur ou une réalisatrice.
SupprimerJ'en garde un bon souvenir. Mais je n'ai toujours pas vu la série.
RépondreSupprimerje pense que cela sera tout pareil pour moi.
SupprimerJe ne l'ai ni lu ni vu. Mais je le lirai sûrement.
RépondreSupprimerJe lirai ta chronique avec plaisir Bises
SupprimerIl m'attend sur mes étagères mais je ne me suis pas encore lancée.
RépondreSupprimerChouette ! J'aimerais bien savoir ce que tu en penses.
SupprimerJe vais bientôt l'attaquer, je ne connais pas la série, mais je connais le thème et je sais que c'est un classique (récent certes) de la littérature US ! A voir donc !
RépondreSupprimerJ'ai hâte de savoir ce que tu en penses.
SupprimerMerci de m'avoir donné ton ressenti sur mon blog aussi bien par rapport au bouquin que par rapport à l'auteure.
RépondreSupprimerFinalement, je vois que tu n'as pas adhéré tant que ça. J'aurais pu aller au bout; le livre ne me tombait pas des mains, mais je n'y ai vu aucun intérêt (dans les 70 premières pages en tout cas).