Tes yeux bleus occupent mon esprit - Djilali Bencheikh *****


Il y a des livres comme cela, qu'on a du mal à quitter : Tes yeux bleus occupent mon esprit en fait partie. Tout d'abord une couverture psychédélique et géniale, ensuite un titre magnifique et intriguant, enfin une histoire aussi émouvante qu'instruisante. 
Salim Benouali, brillant élève algérien, raconte les sept ans et demi de conflit entre la France et sa patrie, avec ses mots d'enfant, d'adolescent puis de jeune adulte, emplis de naïveté, d'idéalisme et de candeur. Il relate une période continuellement entrecoupée de temps scolaires (où lui et son frère-ennemi Elgoum se positionnent dans l'excellence, reconnus et estimés par leurs différents maîtres français) et de vacances au douar, synonymes de retrouvailles familiales et parfois de « stages  coraniques ». Sept ans et demi où Salim s'émancipe affectivement, s'éveille au désir, à la lutte et à la pensée politiques, survit à des décès familiaux et amicaux douloureux et édifiants. A travers ses mots, on vit cette guerre sans nom, appelée jusqu'à tard, les « événements algériens » par les dignitaires français, trop soucieux de contenir la révolte locale et d'éviter la propagation aux états voisins. Véritable tranche de vie d'une génération dépassée par un conflit violent dont elle analyse difficilement les tenants et aboutissants (l'OAS, le FLN, les fellagas ou les Moudjahidines selon le clan où on se situe, les harkis, les militaires de tous bords), Tes yeux bleus occupent mon esprit nous présente des personnages généreux et sincères (en particulier le couple Vermeille, le maire Siegwald …), des ordures humaines (Madame Cavalier, Si Djelloul …), des anecdotes savoureuses liées à une sortie de conflit mal préparée (exemple anecdotique mais tellement révélateur du changement de nom de la place Anatole France) loin de tout manichéisme. A l'instar du magnifique Des hommes de Laurent Mauvignier, Djilali Bencheikh amorce un début d'explication sur le traumatisme algérien à jamais inoubliable et toujours transmis, à travers les derniers mots magnifiques d'Elgoum (page 321) : « Nous pensions récolter la fierté et la liberté. Jamais l'honneur des Algériens n'aura été autant souillé que lors de cet été fratricide livré à la voracité de nos chefs. Sous la colonisation nous avons été martyrisés, torturés, insultés mais notre orgueil n'en a jamais pâti. Il n'a jamais été pris en défaut. Notre sacrifice individuel ou collectif construisait notre dignité. La honte que nous infligent nos faux frères sous les yeux du monde restera elle, indélébile ».

Livre reçu et lu à l'occasion du partenariat Libfly/Deux éditeurs se livrent spécial Maghreb avec les éditions Elyzad que je remercie pour ce très beau cadeau.



 Note personnelle : Mon avis a fait partie d'un des trois articles préparés par Lucie Eple (Libfly) pour le site Médiapart. voici les liens

4 commentaires:

  1. C'est vraiment bien de découvrir ces deux maisons d'éditions avec ce partenariat ! Bonne semaine.

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  2. Oui, et j'ai reçu deux livres formidables !

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  3. J'ai moi aussi beaucoup aimé ce roman.

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  4. Voici le lien vers le commentaire de Zelda sur le livre

    http://zeldaetloulou.wordpress.com/2011/12/20/tes-yeux-bleus-occupent-mon-esprit/

    deux avis convergents valent mieux qu'un !!! (puisqu'on vous dit que ce livre est formidable)

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