Une couverture magnifique et un titre qui tient ses promesses puisque notre petit héros, Hadachinou, écoute et tient compagnie aux différentes femmes de son entourage. Sa position privilégiée va lui permettre d'assister au théâtre de leurs confessions, de leurs frustrations, de leurs humiliations, de leurs échecs et de leurs secrets. L'histoire débute par la circoncision du garçonnet, tue jusqu'au moment de l'acte ! Ce silence imposé où même la personne la plus concernée reste la dernière au courant, reste à la fois frappante et révélatrice d'un monde obscur où tout se tait et où les langues se délient dans l'intimité.
Autour d'Hadachinou, se côtoient de belles personnalités féminines, courageuses à leur façon, surmontant la triste réalité du mieux qu'elles peuvent : les musulmanes Zohra femme d'un pingre notoire, Hiba victime de violences conjugales, la grande tante Nafissa femme libérée et assumée qui n'a pas sa langue dans sa poche, Jamila l'amie-sœur-amour maternel(le), la juive ensorcelante Fella et sa fille Tuna née d'un goy américain, la couturière catholique et italienne Signora Filomena et autres victimes d'hommes rustres et indifférents.
Indéniablement, j'admire la difficulté de l'auteur masculin Kamal Ben Hameda à se placer et à transcrire les pensées féminines, difficulté dont il s'est affranchi avec brio. La compagnie des Tripolitaines représente un hymne à la Femme, à toutes les femmes libyennes honorant leur courage et leur sang-froid (l'ouvrage est dédié à toutes les manifestantes hebdomadaires de Benghazi, réclamant les dépouilles de leurs compagnons et enfants, pendant des années).
Néanmoins, la forme de l'écriture ne m'a pas complètement convaincue : j'ai trouvé le récit brouillon, sans ligne directrice, tantôt des confessions, tantôt des déambulations, à chaque fois, un personnage amené sans préambule. J'ai eu l'impression (certainement à tort) que Kamal Ben Hameda a hésité entre plusieurs narrations possibles et que ce livre en demeure une sorte de melting-pot littéraire, d'où un ressenti final moyen et en-deçà de la grande humanité de ces femmes. Aussi mon *** reste bien triste car j'aurais aimé valoriser cette histoire.
évasion musicale dédiée à toutes les combattantes politiques démocrates: A Tulawin - Idir et Manu Chao (voix de Khalida Messouadi)
Oui, je comprends. D'autant plus qu'il est assez rare qu'un homme de même origine culturelle se mette à la place de ces femmes et tente de les comprendre.
RépondreSupprimerDe ce point de vue, Kamal Ben Hameda y arrive parfaitement (et je suis bien inquiète sur le comportement marital de la plupart des hommes libyens décrits). C'est juste la forme narrative employée qui ne me convient pas.
SupprimerDommage que la forme ne t'ait pas enthousiasmée. J'avoue que pour moi c'est suffisamment important pour être rédhibitoire... En tout cas, bravo à Libfly pour leur superbe opération!
RépondreSupprimerEn fait j'aurais bien vu ce récit sous forme de veillée, un peu comme l'excellent «En attendant le vote des bêtes sauvages» d'Ahmadou Kourouma, et là toute la dimension politique (au sens propre du terme) aurait été amplifiée ou bien sous forme de déambulations (qui auraient permis la description intéressante des ambiances, des paysages, ici à part le cimetière, point d'ancrage). Mais je suis peut-être un peu dure dans mon avis, surtout après les excellentes lectures que m'a offertes cette belle opération. Néanmoins, il me tarde de lire à nouveau Kamal Ben Hameda car je trouve qu'il possède un vrai talent de psychologie humaine (et féminine, en particulier).
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