Plus que deux jours et toujours pas d'article produit. Et ce n'est pas faute d'avoir repoussé la date de publication en raison des 969 pages conséquentes de cette splendeur, à la lecture terminée il y a presque trois semaines. Parce qu'il faut bien le reconnaître, un classique ne devient jamais un classique par hasard ! Tel était le menu de mes pensées intimes (hautement philosophiques, vous imaginez bien) avant la publication dudit article, que voici.
Branle-bas de combat au sein du couple Stépan Arkadiévitch et Daria Alexandrovna Oblonski : Madame a surpris un petit mot d'amour de la gouvernante dans un veston de Monsieur. Énième humiliation publique, trop c'est trop : Daria (Dolly) souhaite divorcer, malgré l'inconfort social que cette situation engendre. Mais c'est mal connaître la (le) bête: Stépan appelle illico presto à la rescousse sa bienaimée sœurette, aussi intelligente que futée, la sublime Anna Arkadiévna Karénine, qui officiera en avocat de sa défense, afin de ramener l'épouse vers la raison, le droit chemin conjugal. Ce qui devait être défait ne le sera point. Toutefois une conséquence directe s'amorce : une autre union va péricliter.
Quelle ne fut pas ma première surprise de découvrir que ce gros roman ne concernait pas une seule personne (l'ensorcelante Anna) mais pléthore de quidams. Deuxième découverte: l'incroyable modernité des rapports amoureux. Dans le genre « j'ai tout compris et je vous le démontre de façon magistrale », Léon Tolstoï accède à la tête d'écrivains humanistes engagés. Impossible de passer à côté de la profonde intelligence de l'auteur, qui use et abuse des rôles secondaires - Stépan, Dolly, Serge Ivanovitch, Alexis Alexandrovitch Karénine,...- satellites espions des couples Anna-Alexis Vronskï et Catherine Alexandrovna Stcherbatzkï (dite Kitty) - Constantin Dmitritch Lévine (dit Kostia), tous liés par des liens familiaux tendus, dont les vies décousues relancent constamment l'intrigue, évitent la focalisation sur tel ou tel personnage central, éclairent telles les facettes d'une même boule la société bourgeoise russe de l'époque (1875) aux multiples conventions.
Très vite se dessinent les deux couples phares d'Anna Karénine, formés à la suite d'une crise (conjugale pour l'un, psychique pour l'autre). À la relation passionnée et fusionnelle d'Anna avec Vronskï, Léon Tolstoï oppose l'amour et la vertu de celui de Kitty avec Lévine. D'un côté, les froufrous, les paillettes, les jeux de courses, le paraître en société, l'effervescente urbaine ; de l'autre, un rapprochement avec la nature, la communication, l'idée de progrès pour tous, les longues promenades dans les champs. Leur intimité décline une société sclérosée par ses contradictions : divorce impossible, adultère féminin fortement condamné, libertinage masculin toléré, sentiment religieux oppressant (jusqu'à nier la charité, un comble !). Au bel homme Vronskï, on ne s'attache ; Lévine attire par ses attentions, ses émotions, ses râleries, ses pensées philosophiques, son recul sur l'existence des codes factices bourgeois, son romantisme fou (oh là là, le jeu du Secrétaire, un moment MAGNIFIQUE, qui arrive à éclipser dans mon petit cœur l'empreinte olfactive d'une chemise sur un piano par Harvey Keitel dans le film La leçon de piano). De sa superbe, l'honnête et courageuse Anna décline et subit à chaque fois la conjugalité tandis que la frêle et fragile Kitty prend de la poigne et s'affirme. Ces ombres à l'apparence floue respirent, soupirent, éprouvent des excès de jalousie devant nos yeux ébahis d'accéder à une telle intimité, à ces tourments.
D'une écriture splendide aux descriptions parfois interminables mais précises, Léon Tolstoï dissèque ses contemporains, leurs états d'âme, les siens aussi (comment ne pas envisager Lévine en jumeau fictif de son concepteur ?).
Anna Karénine : deux amours, deux destins, une même époque hostile à l'émancipation et à l'identité féminines. Cette binarité rappelle les couples formés par Julien Sorel (héros stendhalien) avec Madame de Rênal puis avec Mathilde de la Mole, écrits quarante-sept ans plus tôt. Un très joli clin d’œil.
Quelle ne fut pas ma première surprise de découvrir que ce gros roman ne concernait pas une seule personne (l'ensorcelante Anna) mais pléthore de quidams. Deuxième découverte: l'incroyable modernité des rapports amoureux. Dans le genre « j'ai tout compris et je vous le démontre de façon magistrale », Léon Tolstoï accède à la tête d'écrivains humanistes engagés. Impossible de passer à côté de la profonde intelligence de l'auteur, qui use et abuse des rôles secondaires - Stépan, Dolly, Serge Ivanovitch, Alexis Alexandrovitch Karénine,...- satellites espions des couples Anna-Alexis Vronskï et Catherine Alexandrovna Stcherbatzkï (dite Kitty) - Constantin Dmitritch Lévine (dit Kostia), tous liés par des liens familiaux tendus, dont les vies décousues relancent constamment l'intrigue, évitent la focalisation sur tel ou tel personnage central, éclairent telles les facettes d'une même boule la société bourgeoise russe de l'époque (1875) aux multiples conventions.
Très vite se dessinent les deux couples phares d'Anna Karénine, formés à la suite d'une crise (conjugale pour l'un, psychique pour l'autre). À la relation passionnée et fusionnelle d'Anna avec Vronskï, Léon Tolstoï oppose l'amour et la vertu de celui de Kitty avec Lévine. D'un côté, les froufrous, les paillettes, les jeux de courses, le paraître en société, l'effervescente urbaine ; de l'autre, un rapprochement avec la nature, la communication, l'idée de progrès pour tous, les longues promenades dans les champs. Leur intimité décline une société sclérosée par ses contradictions : divorce impossible, adultère féminin fortement condamné, libertinage masculin toléré, sentiment religieux oppressant (jusqu'à nier la charité, un comble !). Au bel homme Vronskï, on ne s'attache ; Lévine attire par ses attentions, ses émotions, ses râleries, ses pensées philosophiques, son recul sur l'existence des codes factices bourgeois, son romantisme fou (oh là là, le jeu du Secrétaire, un moment MAGNIFIQUE, qui arrive à éclipser dans mon petit cœur l'empreinte olfactive d'une chemise sur un piano par Harvey Keitel dans le film La leçon de piano). De sa superbe, l'honnête et courageuse Anna décline et subit à chaque fois la conjugalité tandis que la frêle et fragile Kitty prend de la poigne et s'affirme. Ces ombres à l'apparence floue respirent, soupirent, éprouvent des excès de jalousie devant nos yeux ébahis d'accéder à une telle intimité, à ces tourments.
D'une écriture splendide aux descriptions parfois interminables mais précises, Léon Tolstoï dissèque ses contemporains, leurs états d'âme, les siens aussi (comment ne pas envisager Lévine en jumeau fictif de son concepteur ?).
Anna Karénine : deux amours, deux destins, une même époque hostile à l'émancipation et à l'identité féminines. Cette binarité rappelle les couples formés par Julien Sorel (héros stendhalien) avec Madame de Rênal puis avec Mathilde de la Mole, écrits quarante-sept ans plus tôt. Un très joli clin d’œil.
Collection Les Classiques de Poche - Éditions Le livre de Poche
Livre lu dans le cadre d'une LC organisée par Adalana (merci infiniment pour cette excellente idée) avec Malika , Arieste, Sandy , Grignoteuse , Shelbylee et les copines dont on attend les billets ou qui ont abandonné en chemin : Une Comète (Je te dédie cette note de lecture aussi imparfaite soit-elle, j'ai essayé de faire de mon mieux et je t'embrasse fort.) , Cess, Miss Léo et Touloulou .
autre avis : Fleur
autre avis : Fleur
et un de plus pour les challenges de Cess , Philippe et de ma Comète préférée (car la gare reste l'unité de lieu emblématique du couple Anna-Vonskrï)
évasion musicale : Quand tu danses / Jean-Jacques Goldman
Le Secrétaire? Ce n'est pas l'histoire de ce couple qui aurait pu exister? Si c'est ça, oui, très très beau et fort!
RépondreSupprimerBon, si j'avais de longues journées, je le relirais bien , ce roman... Mais on ne sait jamais...
Le jeu du secrétaire est un jeu de lettres et je n'en dis pas plus ... cf les pages 500, 501 et 502 de cette édition (mais elles se méritent et se savourent : traduction, il faut lire les 499 pages avant !)
SupprimerJe n'aurai jamais le courage de replonger dans ce roman, lu dans ma jeunesse. J'admire !
RépondreSupprimerClairement la LC m'a motivée et j'ai fait le choix de prendre le temps de lire ce roman en plui laissant une place... de choix !
SupprimerUn très bon moment de lecture que je n'ai pas trouvé si long que ça. Lévine est de loin celui qui m'aura vraiment intéressé dans ce roman, loin devant Anna !!
RépondreSupprimerTolstoï s'est arrangé pour qu'on aime Lévine plus que Vronskrï : d'une certaine façon, il nous manipule. Anna était le pendant de sa femme avec qui les rapports étaient quelque peu tendus pendant la conception de l’œuvre. Tout s'explique.
SupprimerTrès beau billet ma Phili. Je te tire mon chapeau, je crois qu'entre Anna et moi, la rupture est consommée pour un petit moment. Et puis je note ta participation au challenge :))
RépondreSupprimerTa dédicace me fait chaud au coeur. Merci!
Je t'embrasse fort.
Je suis indulgente avec Anna, qui par son empathie, sa générosité, son intelligence n'aura jamais été reconnue et toujours désavouée. Elle fait d'énormes sacrifices pour tous mais pour elle ? Bises, ma jolie !
SupprimerTon billet est très beau. J'ai beaucoup aimé ce roman aussi. Oh oui le jeu du secrétaire, merci de me rappeler ce passage! Lévine est un personnage très intéressant - le double de papier de Tolstoï.
RépondreSupprimerOui, un très beau roman. Merci, Nadaël pour ton gentil mot.
Supprimerc'est un beau roman nous sommes d'accord :) il n'y aurait que l'histoire d'Anna j'aurais certainement fini par décrocher mais Lévine et Kitty sont trop attachants :)
RépondreSupprimeret j'aime bien ton éclairage sur la situation politique de la Russie d'alors. Bises.
SupprimerIl faudrait que je le relise car c'est un monument et un portrait de femme qui est extrêmement intéressant.
RépondreSupprimerToutes les femmes de ce roman sont intéressantes et permettent d'appréhender la condition féminine à l'époque. C'est un roman impressionnant.
Supprimermais tu t'en tires très bien!! je l'ai lu il y a une éternité (eh ouais), mais je me souviens que j'avais adoré.
RépondreSupprimerComme moi , enfin pour le côté adoration car je n'ai pas eu la chance de le lire dans ma jeunesse : j'ai étudié Le rouge et le noir (pas mal non plus, je trouve !).
SupprimerQuel billet !!!! tu me redonnerais presque, j'ai bien écrit presque, envie de relire ce pavé
RépondreSupprimerMais il le faut ... dans ta troisième vie de grande lectrice !
SupprimerUn gros, gros livre que je ne lirai peut-être jamais.
RépondreSupprimerMerci pour cette deuxième participation et bon weekend.
Quand je te dis que j'allais être très présente à ton défi ce mois-ci ! Bises et bon week.
SupprimerCes livres ont été écrits à une époque où on avait du temps - et j'aime bien prendre le temps de les relire, aussi.
RépondreSupprimerBon week end.
Oui, on laissait le temps aux écrivains de concevoir des œuvres titanesques même si leurs conditions de vie n'étaient pas toujours faciles.
SupprimerJe n'ai pas abandonné, mais je n'ai vraiment pas eu le temps malgré le report. Je compte continuer car c'est effectivement un roman envoûtant malgré quelques descriptions un peu longues. En tout cas, très beau billet !
RépondreSupprimerC'est pour cela que j'ai précisé les copines dont on attend les billets ou qui ont abandonné. J'ai vraiment aimé cette histoire et je suis contente de savoir que je lirai un jour ton billet dessus. Merci pour ton passage et pour le compliment.
SupprimerUn roman que j'avais beaucoup aimé lire quand j'étais ado.
RépondreSupprimerToi aussi ! bises
SupprimerJ'aime beaucoup ton billet !!
RépondreSupprimerçe ma fait aussi penser que j'ai oublié de le mettre dans le challenge classique (hoooo) et que j'ai envie de rerereregarder La leçon de Piano... mais en aurais-je le courage ?!
Oui, pas facile en effet de revoir La leçon de piano lorsqu'on se souvient de faits aussi marquants (et je ne parle pas du reste). Bises
SupprimerJe l'ai lu, je l'ai adoré, il y a ... longtemps (mes souvenirs ne sont pas frais du tout !)
RépondreSupprimerLes miens le sont davantage ... et j'ai savouré chaque moment de cette magnifique lecture même si je lui ai fait quelques faux bonds (j'ai un moment eu besoin de m'échapper à leur situation trop tendue)
SupprimerBen dis donc! Quelle fougue!!Mais tu as bien raison: Tolstoi etait un grand bonhomme, on a peut etre tendance à trop l'oublier.Se replonger dans les classiques ne fait pas de mal.D'ailleurs, tiens, je le (re)mets dans ma PAL.
RépondreSupprimerBonne soirée
c'était aussi une bonne occasion pour moi de revenir vers la littérature classique. Je considère que j'ai atteint l'âge et le recul pour davantage l'apprécier.
SupprimerTout comme toi, je pensais qu'Anna Karénine serait vraiment LE personnage principal et en réalité, elle fait partie d'une myriade de personnages.
RépondreSupprimerJe trouve que ton article résume parfaitement ce roman.
Moi aussi, j'ai eu du mal à accrocher au personnage de Vronski et finalement, plus l'histoire avançait et moins il me rebutait.
C'est tout l'art de Tolstoï savoir éclairer au bon moment et, quand il le veut, ses personnages.
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