Deux femmes, deux garçons, deux exils entre l'Italie et la Libye. On commence avec Jalima et Farid en route sur un bateau bancal pour un avenir meilleur du côté européen de la Méditerranée, fuyant les exactions civiles pendant la révolution précédant la chute de Mouammar Kadhafi. On continue avec Vito et Angelina, deux Siciliens dont la famille a connu deux exodes : un premier de l'Italie vers la Libye puis le trajet retour subi. Un déracinement dont on ne se remet pas ou mal, la sensation d'être bien nulle part, d'être étranger tout le temps. Chacun évolue avec ses rêves ou ses souvenirs : une paire envisage la liberté européenne tandis que l'autre se tourne vers son passé familial affleurant de regrets et du sentiment constant d'abandon.
Si je m'étais écoutée concernant la prose de l'auteure, j'aurais immédiatement arrêté la lecture de ce roman, tant le style épouvantable du début me semblaitinsupportable illisible. Mais comme ma copine I. m'avait fortement conseillé cette histoire en me précisant justement la prose très moyenne, j'ai continué. Bien m'en a pris. Lorsque Margaret Mazzantini lâche sur la politique extérieure italienne, sur les exactions libyennes, sur nos soumissions, elle oublie qu'elle écrit et c'est mieux ainsi.
Constatez quelques menues différences entre la page 36
« Farid attend l'aube. Il attend l'Italie. Là-bas les femmes se promènent nu-tête et il y a des milliers de chaînes de télévision. Ils débarqueront au milieu des lumières, quelqu'un prendra des photos d'eux. On lui donnera des jouets, on lui donnera du Coca et de la pizza. »
et la page 85
« Mais si la mer n'avait pas été là, elle n'aurait pas su où aller digérer le vide ».
(pas mal quand même, non ?) .
Donc on fait abstraction du phrasé et on observe le contenu ... remarquable ! Et là, on en prend plein la figure. Margaret Mazzantini dissèque les états d'âme des héros, de ces personnes qui subissent des exils multiples (soit alimentaires, soit politiques), jamais reconnus par leur patrie originelle, constamment ballottés comme monnaie d'échange par un dictateur aujourd'hui décédé. On vit les tourments de ces familles qui abandonnent tout pour éviter le massacre, à qui on refuse la dépouille d'un être enterré. On comprend le sentiment de vide et l'ostracisme qui s'installe vis-vis de néo-arrivants, natifs d'une zone géographique devenue interdite d'accès.
Et puis on réfléchit à sa petite vie : et là, on prend une deuxième claque dans la figure. Pourquoi ? Parce que notre comportement actuel envers le peuple Rom est proprement scandaleux et inhumain, que les événements du passé se répètent inlassablement aujourd'hui et demain, malgré notre instruction et notre recul historique, parce que nous n'avons plus de dictateurs derrière lesquels nous cacher pour masquer notre propre lâcheté.
Traduction de Delphine Gachet.
Éditions Robert Laffont. Collection Pavillons.
Rentrée littéraire 2012
avis : Kathel, Clara, Minou, Laure
Mille mercis à I. pour ce bon conseil. Livre emprunté à la bibliothèque.
et un de plus pour les challenges d'Anne, de La Part Manquante et de Sharon
Si je m'étais écoutée concernant la prose de l'auteure, j'aurais immédiatement arrêté la lecture de ce roman, tant le style épouvantable du début me semblait
Constatez quelques menues différences entre la page 36
« Farid attend l'aube. Il attend l'Italie. Là-bas les femmes se promènent nu-tête et il y a des milliers de chaînes de télévision. Ils débarqueront au milieu des lumières, quelqu'un prendra des photos d'eux. On lui donnera des jouets, on lui donnera du Coca et de la pizza. »
et la page 85
« Mais si la mer n'avait pas été là, elle n'aurait pas su où aller digérer le vide ».
(pas mal quand même, non ?) .
Donc on fait abstraction du phrasé et on observe le contenu ... remarquable ! Et là, on en prend plein la figure. Margaret Mazzantini dissèque les états d'âme des héros, de ces personnes qui subissent des exils multiples (soit alimentaires, soit politiques), jamais reconnus par leur patrie originelle, constamment ballottés comme monnaie d'échange par un dictateur aujourd'hui décédé. On vit les tourments de ces familles qui abandonnent tout pour éviter le massacre, à qui on refuse la dépouille d'un être enterré. On comprend le sentiment de vide et l'ostracisme qui s'installe vis-vis de néo-arrivants, natifs d'une zone géographique devenue interdite d'accès.
Et puis on réfléchit à sa petite vie : et là, on prend une deuxième claque dans la figure. Pourquoi ? Parce que notre comportement actuel envers le peuple Rom est proprement scandaleux et inhumain, que les événements du passé se répètent inlassablement aujourd'hui et demain, malgré notre instruction et notre recul historique, parce que nous n'avons plus de dictateurs derrière lesquels nous cacher pour masquer notre propre lâcheté.
Traduction de Delphine Gachet.
Éditions Robert Laffont. Collection Pavillons.
Rentrée littéraire 2012
avis : Kathel, Clara, Minou, Laure
Mille mercis à I. pour ce bon conseil. Livre emprunté à la bibliothèque.
et un de plus pour les challenges d'Anne, de La Part Manquante et de Sharon
Kathel et Clara m'avaient donné envie de le lire, puis je l'ai un peu oublié, merci de me le remettre en mémoire. Si le contenu est suffisamment fort, je peux passer sur l'écriture.
RépondreSupprimerÀ toi de voir donc pour te faire ton propre avis.
SupprimerJe reste hésitante... Je trouve le titre et la couverture magnifiques, mais le contenu ne m'attire vraiment pas plus que ça. Si en plus, la prose est moyenne, au moins au début. Je crois que je vais attendre une parution en poche (si elle ne vient pas, tant pis)
RépondreSupprimerPeut-être peux-tu l'emprunter à une biblithèque municipale proche de chez toi ? bises
SupprimerJe n'ai pas encore l'occasion de m'y rendre... Je le ferai un jour, mais les horaires d'ouverture ne sont vraiment pas commodes.
SupprimerPar contre, je l'ai vu sur un site de troc, donc je crois que je vais le demander pour tenter malgré tout.
Je te l'aurais envoyé si je l'avais acheté . Bises
SupprimerJe l'ai enfin lu, quelques mois plus tard, et rejoins tout à fait ton avis. Si le style m'a déplu à plusieurs reprises, le contenu demeure très fort et marquant. Je ne regrette pas de t'avoir écoutée et de l'avoir finalement demandé sur le site de troc.
SupprimerBises.
Ok, j'aurais lu ton avis avec plaisir mais tu l'as résumé ici alors cela me va ! bisous
SupprimerTu y vas fort, mais peut-être, au fond, as-tu raison.
RépondreSupprimerJe ne choisis pas la polémique pour créer un buzz mais uniquement parce que mes remarques (que je partage avec tant d'autres) participent au débat . Bises et mille mercis pour ton com.
SupprimerBon papier !! mais le lirai-je ????
RépondreSupprimerOui, un jour peut-être car les thèmes proposés t'intéressent. Bises
SupprimerQuz c'est bien envoyé !! Malheureusement le style fait partie de mes critères et peut me gpcher ma lecture, donc je passe pour le moment ! ;)Bises
RépondreSupprimerJe peux passer outre le style si le fond m'inspire. J'ai eu une chance inouïe, celle d'avoir été conseillée sur ce bouquin, sinon je serais passée au travers et aurais regretté le questionnement qu'il pose.
SupprimerJe deviens vraiment exigeante par rapport au style, ceux qui veulent faire du Duras sans avoir son talent m'énervent, je pense donc que je ne vais pas tenter celui-ci...
RépondreSupprimerJ'en veux moins aux jeunes auteurs dont c'est la première œuvre. Ce n'est pas le cas ici : Margaret Mazzantini écrit là son quatrième roman.
Supprimerde plus en plus d'avis positifs... je vais finir par craquer.
RépondreSupprimerMon avis sur le contenu reste très positif, mon opinion sur la forme, elle, demeure plus nuancée. Alors craquage or not ? that is the question !
SupprimerA mon programme de lecture aussi ! (la couverture me fait craquer à elle seule !) Je ne me souviens pas avoir été dérangée par l'écriture dans "Venir au monde"... je verrai bien !
RépondreSupprimerLa première de couverture est splendide, j'en conviens. je ne regrette pas cette lecture malgré le style de l'auteure qui, je trouve, mériterait d'être travaillé davantage.
SupprimerJe ne connais pas cet auteur, le sujet a l'air très intense .
RépondreSupprimerOui et je pense que tu en serais sensible.
SupprimerDommage pour l'écriture... mais je note quand même le thème m'interesse.
RépondreSupprimerDisons que cela continuera tes lectures pas gaies actuellement.
SupprimerJe ne connais pas cet auteur. C'est bien d'avoir persévéré pour pouvoir vraiment apprécier l'histoire.
RépondreSupprimerEn général, j n'abandonne pas facilement mais franchement le début était tout simplement " pas possible".
Supprimertentée (j'adore le titre déjà !) mais ce que tu dis du style me refroidit un peu... à voir...
RépondreSupprimerJe reconnais qu'en ce moment je suis hyper sensible au style et là, franchement j'ai failli craquer (je n'en ai même pas ri, c'est dire)
SupprimerBonjour Philisine Cave, je le note même si j'ai une PAL (ENORME) à faire diminuer d'abord. J'avais apprécié un autre roman de Mazzantini, Ecoute-moi (Non ti muovere) que son mari Sergio Castellito avait réalisé et interprété avec Penelope Cruz en 2004. Le titre français du film était "A corps perdus". Bonne journée.
RépondreSupprimerEst ce que l'écriture était meilleure ? Peut-être que le style de Mazzantini ne me convient pas , c'est fort possible. Merci, Dasola, pour toutes ces informations.
SupprimerOui, les livres nous font souvent réfléchir et peuvent nous aider à nous remettre en question. C'est une de leurs vertus.
RépondreSupprimerExactement , c'est une des raisons qui expliquent mon tel engouement pour la lecture : l'envie d'apprendre, de réfléchir, de réagir.
SupprimerTrès bel article qui délivre de belles réflexions sur notre société moderne qui est tout aussi barbare et lâche que celle du passé....
RépondreSupprimerUne barbarie psychologique et avilissante, une lâcheté chronique. Oui, un livre qui interpelle et qui mérite qu'on y prête attention, malgré des défauts d'ordre esthétique. Sinon, le tag sur les livres t'est adressé.
SupprimerJe viens voir ton avis suite à l'article de Minou et tu vois moi j'ai beaucoup aimé le style qui m'a parlé :) J'y ai trouvé de la poésie dans les descriptions de la nature ainsi que des souvenirs. Je ne te rejoins donc pas sur ça mais pour tout le reste je suis entièrement de ton avis :D
RépondreSupprimerje te mets le lien si tu veux http://madansedumonde.wordpress.com/2013/02/19/margaret-mazzantini-la-mer-le-matin/
Bisous ma Phili :D
merci pour le lien (je gagne du temps). Je crois que l'écriture italienne me pose un peu des problèmes (deux auteurs lus, deux réactions allergiques à l'écriture : à part Umberto Eco mais son style me semble universitaire)
SupprimerJ'ai mis un lien vers ton article. Oui, la signora Mazzantini a une écriture particulière mais empreinte d'une certaine poésie, quelque chose qui percute.
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