Sur les starting-blocks depuis l'annonce de la venue de Valentine Goby à la médiathèque de Lezennes (59) le samedi 24 novembre à 15h, je guette le jour et enfin, le voilà enfin plutôt la voilà ! J'ai découvert son œuvre avec Des corps en silence (grâce une LC organisée par Anis) et je viens de terminer la lecture de L'échappée (billet en cours d'écriture... enfin, un jour proche).
Valentine Goby entourée des trois intervenantes de Paroles d'Hucbald |
D'un abord naturel et jovial, Valentine Goby attire de suite la sympathie, a le contact aisé, exprime clairement ses pensées et opinions, vit dans son temps. Bourreau de travail, elle ne laisse aucun détail au hasard. Cet entretien réalisé par l'association littéraire Paroles d'Hucbald à Saint Amand les Eaux (59) en partenariat avec la médiathèque de Lezennes s'effectue dans le cadre de la Semaine de la solidarité internationale.
La séance se déroule en deux temps : la présentation de son roman Banquises puis celle de Lyuba, issu de la collection d'albums documentaires en littérature jeunesse, Français d'ailleurs, éditée par Autrement.
De Banquises, elle précise l'importance du pluriel : la banquise physique (celle du territoire du Groenland, en danger) et celle insidieuse dans nos têtes (cette surface intérieure nue sur laquelle on ne peut plus mentir). En partant du postulat que les choses deviennent visibles quand elles s'effacent, elle met en parallèle l'absence de Sara (et le chamboulement au sein de sa famille, dévastée depuis) avec ce territoire géographique appartenant au Danemark, dont on parle maintenant que les craintes de son effondrement se conçoivent.
Via les questions des trois intervenantes de Paroles d'Hucbald, elle aborde les thèmes de l'absence physique, celui douloureux de la disparition, de la filiation et de la sororité (comment se construire lorsque tout vous rattache à une sœur disparue, lorsque votre mère ne se comporte plus comme telle depuis cette absence ?) mais aussi le fait d'être créant (considérant que chacun porte en lui l'univers et la somme des expériences humaines, qu'un artiste essaie juste d'entrer dans la réalité d'un autre pour compléter la sienne) et le travail d'écriture (rendre compte d'une expérience inconnue -phobie des chiens- avec la même violence que ce qu'on a vécu -une autre phobie)
Valentine Goby précise la nécessité pour elle de ressentir les lieux et d'y vivre temporairement, explique les difficultés matérielles inhérentes à la création (dossier à construire et à défendre auprès d'organismes pour gagner quelques subsides) et en vient à la rencontre avec des associations de familles de disparus(ues) : un deuil impossible (Valentine Goby réfute l'idée d'oubli parce qu'intrinsèquement, selon elle, le marquage d'une grossesse reste définitif, un contrat initial perpétuel), narre les entretiens avec deux mères de disparu(e) s'exprimant davantage que les pères, constate la désagrégation fréquente des couples face au poids de l'immense peine.
Quatre personnages : Sara la disparue ; Lisa sa cadette en mal de repères et en révolte choisit de vivre à l'exact contraire de son aînée ; la mère ne sort plus de son immense douleur et semble incapable d'envisager l'existence dans sa périphérie ; le père, le fameux spécialiste de l'oignon jaune, éternel créateur et amoureux de la quête scientifique, en vie et dans la vie, conscient du manque sans le nier, cette absence qui envahit tout l'espace.
Pour vendre l'appartement familial (dont Sara est nommée propriétaire), il faut déclarer officiellement son décès (acte administratif d'une violence insondable pour toute famille de disparu(e)). Lisa part sur les dernières traces connues de sa sœur, laissées sur le territoire du Groenland où le blanc imprime sa marque (blanc comme l'intérieur d'un hôpital, blanc comme la mort, blanc comme la banquise), où l'absence d'ombre empêche la dissimulation, l'incarnation physique du temps, où le son glisse sur la surface sans obstacle et disparaît.
Valentine Goby précise qu'elle ne s'envisage pas comme écrivaine engagée mais ses œuvres et ses choix de sujets indiquent sa profonde empathie concernant l'écologie et l'humanité : elle collabore à la sublime collection Français d'ailleurs avec les éditions Autrement, en collaboration avec la Cité nationale de l’histoire de l’immigration. C'est l'occasion d'éclairer nos enfants (et leurs parents) sur l'histoire de l'immigration en France : Lyuba conte le quotidien d'une famille de Roms en France. Son attachement à cette collection marque à sa façon, la femme citoyenne engagée dans la vie et sa volonté d'ouvrir les esprits face à une idéologie rampante et ignoble.
Cette rencontre magnifique et riche a duré trois heures : même Michel Quint (un ami de Valentine Goby) a fait le déplacement. Quand je vous dis que la vie est belle !
Via les questions des trois intervenantes de Paroles d'Hucbald, elle aborde les thèmes de l'absence physique, celui douloureux de la disparition, de la filiation et de la sororité (comment se construire lorsque tout vous rattache à une sœur disparue, lorsque votre mère ne se comporte plus comme telle depuis cette absence ?) mais aussi le fait d'être créant (considérant que chacun porte en lui l'univers et la somme des expériences humaines, qu'un artiste essaie juste d'entrer dans la réalité d'un autre pour compléter la sienne) et le travail d'écriture (rendre compte d'une expérience inconnue -phobie des chiens- avec la même violence que ce qu'on a vécu -une autre phobie)
Valentine Goby, Anne-Lise Dollet (médiathèque de Lezennes), Chantal Derieppe (Paroles d'Hucbald) |
Quatre personnages : Sara la disparue ; Lisa sa cadette en mal de repères et en révolte choisit de vivre à l'exact contraire de son aînée ; la mère ne sort plus de son immense douleur et semble incapable d'envisager l'existence dans sa périphérie ; le père, le fameux spécialiste de l'oignon jaune, éternel créateur et amoureux de la quête scientifique, en vie et dans la vie, conscient du manque sans le nier, cette absence qui envahit tout l'espace.
Pour vendre l'appartement familial (dont Sara est nommée propriétaire), il faut déclarer officiellement son décès (acte administratif d'une violence insondable pour toute famille de disparu(e)). Lisa part sur les dernières traces connues de sa sœur, laissées sur le territoire du Groenland où le blanc imprime sa marque (blanc comme l'intérieur d'un hôpital, blanc comme la mort, blanc comme la banquise), où l'absence d'ombre empêche la dissimulation, l'incarnation physique du temps, où le son glisse sur la surface sans obstacle et disparaît.
Michel Quint, Valentine Goby, Chantal Derieppe |
Cette rencontre magnifique et riche a duré trois heures : même Michel Quint (un ami de Valentine Goby) a fait le déplacement. Quand je vous dis que la vie est belle !
De cet auteur, j'ai lu et aimé "La note sensible" (je crois bien que c'est le titre) et commencé (3 pages) de "celui qui touche à mon corps..." épouvantable... j'en suis restée là. Bisous !
RépondreSupprimerElle est formidable mais son écriture déroute certains lecteurs. J'ai lu d'elle Des corps en silence et L'échappée, j'aime bien. Bisous.
SupprimerDe belles rencontres cette semaine, décidément ! J'attends ton avis sur L'échappée. ;) Je n'oublie pas Des corps en silence sur le haut de ma pile : j'espère avoir le temps et l'envie de le découvrir avant la fin de l'année.
RépondreSupprimerOui, mon avis arrive. La femme Valentine Goby est formidable, d'un accès vraiment facile, très tactile : j'ai beaucoup apprécié nos échanges avant l'entretien (elle m'a presque motivée à ouvrir un compte FB pour Je me livre : c'est dire !).Quant à l'écrivaine, ily a quelque chose dans sa plume qui me retient, qui fait que je vais insister et résister, des mots et une formulation qui me parlent.
SupprimerTu as fait une belle rencontre. Je ne suis pas certaine de lire ses livres. Comme Comète, j'arrêterais de suite.*Et puis, il y avait Michel Quint, ce mec-là, j'adore ses bouquins
RépondreSupprimerMichel Quint va sortir un nouveau livre début janvier et le présenter avec le bateau livre dans un hôtel de luxe lillois (j'y serai): c'est aussi un de mes anciens collègues (et oui, j'ai travaillé avec Michel quatre ans. Je suis restée au lycée et lui a pris sa retraite). C'est pour cela que je me permets de le tutoyer (et lui aussi, d'ailleurs !). Bises.
SupprimerJe n'ai pas été franchement emballée par "banquises" mais je la relirai dans autre chose.
RépondreSupprimerC'est bon à savoir : je n'ai pas lu Banquises. Je viens d'acheter un folio 2€ d'elle Petit éloge des grands villes (pour sa couleu girly du challenge de Liyah) et un livre pour mes V. et C. Je lirai Banquises quand j'aurai le temps (mais pas de suite). Sur les deux livres lus d'elle, comme je l'ai répondu à Zazy, quelque chose me happe chez elle : c'est assez hypnotique, sa plume me plaît.
SupprimerMon commentaire n'a aucun intérêt mais je ne l'imaginais pas du tout comme ça !!
RépondreSupprimerSi ton commentaire est intéressant car quand on découvre une œuvre, on imagine l'auteur(e).
SupprimerJe ne connais pas du tout cet auteur. Merci pour votre billet.
RépondreSupprimerUne écriture assez éloignée de la poésie mais un style vraiment inimitable. Bien à vous.
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