Ce roman de Scholastique Mukasonga aurait pu souffrir de la comparaison avec une précédente lecture (Thérèse Desqueyroux de François Mauriac : billet en devenir, un jour proche ou peut-être... rayez la mention inutile) tant leurs styles littéraires se situent à des années-lumière l'un de l'autre. Mais il n'en est rien.
D'un côté, la perfection syntaxique, l’âpreté du propos, la justesse des mots et une fine étude analytique d'un personnage féminin ; de l'autre, une écrivaine au double prénom, dressant un linceul littéraire splendide, nécessaire pour couvrir la dignité de ces Mères-courage, rwandaises jusqu'au bout, tutsi de cœur, lâchement abandonnées par la communauté internationale lors du printemps 1994, et même auparavant.
D'un côté, la perfection syntaxique, l’âpreté du propos, la justesse des mots et une fine étude analytique d'un personnage féminin ; de l'autre, une écrivaine au double prénom, dressant un linceul littéraire splendide, nécessaire pour couvrir la dignité de ces Mères-courage, rwandaises jusqu'au bout, tutsi de cœur, lâchement abandonnées par la communauté internationale lors du printemps 1994, et même auparavant.
Les Belges quittent le Rwanda en 1962 et mettent en place un gouvernement hutu, une des deux composantes ethniques de ce pays d'Afrique de l'Est. Très vite, les hutu parquent les Tusti aux confins du territoire, à la frontière avec le Burundi, dans une enclave bien désertique, suffisamment aride pour espérer une existence heureuse.
Scholastique Mukasonga relate son enfance dans cette partie du monde qu'offre Nyamata : un lac menaçant et un sol sec, des rituels ancestraux pour conjurer le mauvais sort, des moyens de survie face à une nature hostile, un clan soudé malgré la menace constante de militaires ou de partisans hutu aussi ignares que violents, l'omniprésence féminine - véritable socle familial - et cette énergie débordante à composer entre traditions et réalité douloureuse, à bousculer les habitudes, à les adapter selon les circonstances.
Car La femme aux pieds nus, véritable hymne à ces femmes formidables, est tout sauf gore : oui, Scholastique Mukasonga sonde l'intime (sa mère Stefania, subtile héroïne de ce beau roman) et touche l'universel en nourrissant son récit d'anecdotes fraîches et remuantes : l'adhésion ethnique d'un nourrisson désiré ou non, un mariage quelque peu manqué, l'instruction en échange d'une conversion religieuse, la culture du fameux sorgho, le culte des bouses de vache, l'importance de la beauté podale, une redoutable technique de défrisage etc.
Pétillante et sobre, la narration de Scholastique Mukasonga joue l'équilibre avec panache dans une langue simple et accessible, suggère sans en trop en dire le futur génocide (comment reprocher à un peuple de désirer un futur meilleur, des conditions de vie plus saines ? Nier une entité n'a jamais fait avancer la diplomatie), éclaire la géopolitique et les coutumes de ce petit pays trop vite oublié. Un linceul magnifique qui repose et embellit nos yeux.
page 91 :
« Il était fier, le premier de la classe, pas tellement peut-être à cause de l'excellence de ses notes mais pour avoir obtenu le privilège d'aller acheter, avec les pièces que sa mère lui avait remises en tremblant d'émotion, la boule de pain dans la boutique de Kilimadame. Une nuée d'enfants le suivaient en criant... Il la dégustait miette par miette. Mais plus que la mie molle et insipide, c'était l'admiration fortement teintée d'envie de ses camarades qu'il prenait plaisir à savourer le plus longuement possible. »
Un énorme merci à Libfly et aux éditions Folio pour l'envoi de ce livre contre chronique, dans le cadre de l'opération Tous à Bruxelles.
et un de plus pour les challenges de Laure (prix Seligmann 2008 contre le racisme), d'Enna (partie du corps), de Sharon et de Denis et Fabienne
Tu me rappelles que je dois lire son dernier roman, là...
RépondreSupprimerQui, paraît il, est parfait puisqu'il a reçu le prix Renaudot 2012(je crois) sans faire partie des finalistes. Pas mal, tout de même, non ?
SupprimerTrès bon choix pour la couverture .. l'auteur vient bientôt dans ma librairie, ce serait peut-être l'occasion de l'acheter. Et en tout cas d'échanger.
RépondreSupprimerOui, la première de couverture est sublime et je peux t'envoyer mon exemplaire (en te l'offrant) : ce sera avec grand plaisir.
SupprimerJe ne veux pas te priver de ton exemplaire !
Supprimertu ne me prives de rien : j'essaie de libérer ma bibliothèque. J'ai aimé cette histoire et si cela te permet d'effectuer une économie alors cela me fera très plaisir.
SupprimerAlors O.K. avec plaisir. Tu as mon adresse ?
Supprimernon, alors un MP à jemelivre@gmail.com
Supprimermerci pour ce très article
RépondreSupprimeravec plaisir, Denis.
SupprimerTu m'avais tentée avec ta très belle critique, je note cette auteure et ce titre. Merci pour ta participation et pour cette découverte :) Ravie de te retrouver gros bisous ;) Bon dimanche !
RépondreSupprimerm'as tentée* bien sûr ;)
Supprimermerci de ta venue, Laure et à bientôt sur ton blog.
SupprimerAu vue de ton billet, je suis étonnée que tu n'en fasses pas un coup de coeur.
RépondreSupprimerc'est limite mais l'écriture un peu juste par moments m'a quelque peu freinée. Bises
SupprimerJe ne connais pas cette auteure. Ton billet m'a donné envie de la connaitre. Merci. Dominique.
RépondreSupprimermerci, Dominique, pour ton gentil mot.
SupprimerPhili ma tentatrice ! Je le note de ce pas, tu en parles magnifiquement bien.
RépondreSupprimerBon dimanche et gros bisous :))
je sens que ce livre va faire un petit tour chez toi.
SupprimerMerci pour ta participation.
RépondreSupprimerCe roman est dans ma PAL, dédicacé par l'auteur.
quelle chance d'avoir rencontré cette auteure ! Fut-elle accessible ?
SupprimerOui, très. C'était à Caen, et tous les auteurs réunis à ce salon du livre étaient très disponibles (un peu comme au Mans, ou à Rennes).
SupprimerDommage entre le blog ,les livres et le cinéma je n'ai plus le temps de rien .....
RépondreSupprimerBisous et pour la mer du nord tu peux aller voir mon blog aujourd'hui .....
Bisous et bon dimanche .
Maman mule
il faut dire qu'avec toutes tes photos, ton temps est bien pris.
SupprimerVous n'êtes pas la première à me donner envie de lire ce livre. Vous en parlez vraiment très bien. Merci de me le rappeler : je vais le remonter du milieu de la PAL vers le haut.
RépondreSupprimerBonne fin de dimanche.
Merci, très chère Bonheur. Je trouve votre geste élégant.
Supprimerça m'a l'air très bien tout ça (faut dire aussi que tu sais donner envie^^).
RépondreSupprimerlimite tendancieuse, ta réflexion entre parenthèses. Il faut dire qu'avec toutes tes "maîtresses", je m'imagine des choses.
Supprimerj'ai lu un autre roman d'elle et j'avais déjà admiré sa maîtrise, je meurs d'envie de continuer à la lire !
RépondreSupprimerElle maîtrise sa narration, c'est clair. Son style mériterait plus de fluidité. Tu veux que je te l'envoie ?
Supprimerje ne connais pas cet auteur mais c'est toujours intéressant de partager une autre culture et ton billet est tentant .Tu n'as pas aimé Thérèse Desqueyroux? je l'ai lu quand j'étais ado mais j'en garde un bon souvenir .
RépondreSupprimerJ'ai adoré Thérèse Desqueyroux et quand j'aborde un chef d’œuvre littéraire, j'ai un mal fou à recenser mes idées et surtout le bouquin qui suit morfle sur la comparaison. Et bien je dois reconnaître que La femme aux pieds nus s'est très très bien défendu !
SupprimerBonsoir Philisine, j'ai Notre-Dame du Nil à lire (le roman est dans ma PAL) et s'il me plaît pourquoi pas celui-ci? J'aime beaucoup ce vissage de femme sur la couverture (est-ce l'auteur?). Bonne soirée.
RépondreSupprimerDasola, tu es incorrigible d eme tenter comme cela, mine de rien avec Notre-Dame du Nil que je ne possède pas d'ailleurs. Bises quand même
SupprimerJ'ai moi aussi à lire Notre-Dame-du -Nil dans les prochaines semaines.
RépondreSupprimerAnis, tu abuses comme Dasola : je sens cette petite suggestion de LC mais je vais résister (enfin, c'est moins sûr).
SupprimerUn très joli billet, je pense que je lirai Notre-Dame du Nil...
RépondreSupprimerJe sens très fort que Notre-Dame du Nil sera the book to read (oui, je m'universalise ... comme je peux !)
Supprimer"véritable hymne à ces femmes formidables" : il ne m'en faut pas plus, le titre est noté grâce à ton billet si enthousiasmant. :) Bon dimanche.
RépondreSupprimerC'est un très beau livre que j'ai envoyé à Aifelle : je ne dis pas qu'un jour, j l'achèterai à nouveau !
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