La servante du Seigneur / Jean-Louis Fournier ***

La servante du Seigneur n'est pas un roman ni une biographie, encore moins une correspondance unilatérale mais tout cela à la fois. Jean-Louis Fournier a décidé de s'adresser à sa fille unique pour lui témoigner son amour, son envie de la voir plus souvent, son souhait de la sentir heureuse. Par ce témoignage, il alterne les souvenirs (et le tu bienvenu, affectueux de ce que sa fille enfant fut) et la réalité triste d'un père abandonné par une adulte à la fois foi acharnée et mystique (et le elle plus éloigné, limite dédaigneux, prend tout son sens et sa place). Jean-Louis Fournier voudrait retrouver sa fille d'antan et lui dédie ce récit. Et le lecteur alors ?
Et bien, le lecteur compte les points de ce jeu où l'adversaire n'a point de réplique à faire entendre (ou lire), mais qui a montré une certaine empathie vers l'écrivain âgé en l'accompagnant lors du deuil de Sylvie relaté dans le magnifique Veuf . J'aurais aimé adorer ce livre comme j'ai si bien apprécié le dernier précité et le plus ancien Où on va, Papa ? Si je comprends l'inquiétude de Jean-Louis Fournier (et qui ne le serait pas à sa place ?), je me suis sentie en trop dans cette histoire (j'avais éprouvé ce même sentiment lors de la lecture de La confusion des peines de Laurence Tardieu, l'impression que les mots écrits ne m'étaient pas adressés). Je conçois tout à fait que ce texte permette à des personnes vivant la même expérience de verbaliser leur souffrance et leur impuissance. Il n'empêche que La servante du Seigneur a choisi sa vie, en envoyant bouler son ancienne elle, loin très loin.  Il est bon de remarquer que l'existence ne l'a guère épargnée : le décès de ses deux frères handicapés, le divorce douloureusement vécu de ses parents, la pression exercée sur l'enfant prodige considéré comme joyau de la famille, la rencontre peu épanouissante avec Monseigneur. D'elle on ressent surtout le don de soi (qu'elle a développé au contact de sa fratrie) et ses régulières contradictions comme demander un quatre-quatre à son père (ou exiger de lui une pension) et se présenter comme apôtre de la pauvreté. Reste l'enfermement mental suggéré qui en effet interroge. 
Ce qui avait été la réussite de Veuf et de Où on va, Papa ?  est mis à mal ici : l'humour caustique de Jean-Louis Fournier, salvateur lorsque la situation suggère une tension, réussissait à désamorcer la pression et permettait au lecteur de rire, même de l'événement le plus éprouvant. Là, la douleur de l'auteur, encore vive, anesthésie le texte. Bien sûr, son écriture simple et ample se lit toujours aisément mais le plaisir n'y est pas (le elle choquant m'a détachée de cet écrit). Restent quelques phrases magistrales « Pourquoi, depuis que tu es à Dieu, tu es odieuse ?» (page 111) et la dernière supplique, tout simplement magnifique.

Éditions Stock
Rentrée littéraire 2013

J'adresse un très grand merci à Zazy qui par son LV m'a permis de découvrir cette histoire. Son avis inspirant : ici
évasion musicale : Formidable - Stromae

42 commentaires:

  1. J'ai adoré Veuf et Où on va papa ? mais celui-ci ne me tente pas trop, le fait que sa fille ait demandé et obtenu un droit de réponse, j'ai lu l'avis de sa fille, j'ai vraiment peur d'être très déçue à la lecture de celui-ci, de ne plus trouver à rire mais de le trouver aigri ou trop impliqué sans avoir le détachement nécessaire.

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    1. Je n'ai pas lu l'avis en question. J'ai juste considéré et évalué l'écrit de Jean-Louis Fournier avec mon ressenti propre. Bises (pas aigri mais assurément trop impliqué et moins détaché, oui)

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  2. S'il est à la médiathèque, je le lirais mais comme toi, je crains que le capital sympathie de Fournier n'en sorte fortement diminué vu le manque de distance...

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    1. Je l'aime toujours mais cela m'a dérangé qu'il s'adresse à elle à travers nous : oui, c'est là d'où vient mon malaise. Je n'aurais pas aimé que mon père raconte des pans de ma vie (non autofictifs) à d'autres sans mon accord et qu'il puisse me juger sans tout cerner. Car je pense la situation personnelle de la demoiselle plus complexe que le fait religieux.

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  3. J'ai beaucoup aimé le "Ou on va papa?" mais depuis ça ne fonctionne plus. Jean Louis Fournier m'agace avec cette impression de "déjà lu". Leurs histoires de famille et leurs règlements de comptes, très peu pour moi!

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    1. Veuf était vraiment magnifique : pour moi, il dépasse le reste de ce que j'ai lu de lui. Où on va, Papa ? était aussi formidable, absolument pas dérangeant. Je ne dirai pas la même chose de La servante.

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  4. Etrangement, cet homme m'est suffisamment antipathique ( à cause la polémique qui a suivi Où es-tu papa?) pour que je n'aie pas envie de lire ses livres.

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    1. J'aime Jean-louis Fournier : je n'ai jamais voulu lire les polémiques car pour moi, elles n'avaient pas lieu d'être. Il n'a pas été scandaleux dans Veuf ou Où on va, papa ? J'apprécie son écriture, sa causticité, son côté cash qui manque dans notre société lisse finalement. La servante du Seigneur est un appel touchant.

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  5. Je ne lirai pas ce livre - je me mets à la place de sa fille, je n'aimerai pas que mon père me prenne en otage "littéraire" et raconte ma vie.

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    1. Je crois qu'il a choisi cette voie livresque car il n'y avait plus moyen de communiquer avec sa fille, qu'il rencontre de façon sporadique voire plus du tout depuis quelques mois.

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  6. C'est un cri de détresse. Oui, c'est maladroit, oui l'humour acide peut gêner, mais c'est avant tout un cri d'amour pour cette fille qui l'abandonne. Je n'ai pas lu le droit de réponse de sa fille. Voir sa Seule et Unique enfant se perdre dans une religiosité qui ne parait pas être religieuse, voir sa fille partir avec un homme qui l'enferme au lieu de l'ouvrir au reste du monde est quelque chose de très dur pour un parent, d'autant qu'ils ne rechignent pas sur la fortune du père puisque, alors qu'elle clame au dénuement, elle lui demande un 4x4 ou de l'argent
    Ce père est dans le désarroi et la dernière phrase n'est pas acide, c'est une prière

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    1. Son humour acide ne m'a jamais gênée (au contraire) : je pense que La servante en manque cruellement mais je comprends la raison : la douleur est là, et bien là. Quant à la dernière phrase, qui est une merveille et une supplique pour moi, elle mérite d'être citée tant par sa sincérité que par son "équilibre" mais je ne le ferai pas pour ne pas gâcher la surprise aux lecteurs.

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  7. je l'ai acheté neuf pour moins d'un euro dans une braderie, tu imagines et c'est Fabienne qui le lira en premier, je n'ai pas lu les autres non plus

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    1. tu as dû acheter un SP (1 euro, c'est vraiment donné pour un livre récent). Bises et bonne lecture à tous les deux.

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  8. Le malaise est sensible chez toutes celles qui ont lu ce livre... qui ne sera donc pas un indispensable !

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    1. Je pense que ce livre est utile pour montrer la souffrance de l'absence et aussi les dérives sectaires au sein d'une famille. Il répond à un besoin que peuvent connaître certaines personnes. Bises

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  9. Il voyage ce livre ? Bisous :))

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  10. J'ai aimé veuf mais je ne lirai pas celui ci, le titre ne m'inspirait pas et ton avis me le confirme.Je pense qu'il y a souvent une difficulté relationnelle entre père et fille à l'âge adulte, mais je crois que la communication ne peux pas passer par un livre, il faut oser se parler ce que je n'ai pas réussi.

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    1. Je comprends ce que tu suggères à demi mot. Ce n'est pas simple parfois de communiquer sans brusquer la personne. Il faut choisir le bon moment et souvent on attend trop et c'est trop tard ! Je crois que d'une certaine façon, Jean Louis Fournier a choisi le mode de l'écriture pour communiquer avec sa fille avant justement qu'il ne soit trop tard. Nous sommes ses témoins.

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  11. J'aime beaucoup Jean-Louis Fournier. Merci de me signaler l'existence de celui-ci. Je le lirai à l'occasion si je le trouve à la bibliothèque.
    Bonne journée.

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    1. Bonne journée , chère Bonheur ! Je vous souhaite une belle lecture.

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  12. Je partage le sentiment de Valérie, je n'ai lu qu'un livre de lui, "il a jamais tué personne mon papa" qui était sympa. Jusqu'où peut-on livrer la vie de son entourage en pâture au public ? Et ne sommes-nous pas voyeurs devant ce genre de situation ? Bref, je ne le lirai pas.

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    1. C'est une vaste question : plusieurs auteurs travaillent sur l'autofiction mais ici, je penche plutôt pour la réalité écrite, ce qui m'a gênée.

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  13. J'ai "veuf" dans ma PAL. Je le lirai donc mais pour celui-ci, je suis de moins en moins convaincue au fur et à mesure que je lis des avis.

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  14. Je ne lirai pas ce livre.
    J'ai vu JL Fournier à la télé, il parlait de sa fille. Je me mets à sa place, pour moi ça serait atroce de ne plus voir mes enfants.
    Je découvre Stromae en ce moment et j'aime.

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    1. Oui, l'abandon et le rejet sont toujours atroces à vivre. Bises

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  15. J'avais beaucoup aimé "Où on va, papa ?", mais celui-ci me tente moins.

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    1. Ce récit est moins léger que celui de Où on va, papa ?

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  16. Je comprends tout à fait ton point de vue et ton ressenti par rapport à cette lecture. Un livre qui n'est pas du tout fait pour moi !

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  17. Je comprend le malaise à la lecture d'un tel livre. Le lecteur doit effectivement se sentir en otage, sensation que je n'aime pas du tout... et en même temps, écrire est apparemment l'ultime moyen qu'il ait trouvé pour tenter de communiquer avec sa fille. Je n'ai jamais lu cet auteur mais ses livres ne me tentent pas, peut-être parce qu'il y met trop de lui.

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    1. Pourtant il est très très drôle et franchement le lire me plaît toujours autant. Je le trouve touchant. Bises

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  18. Faut que je tente ce livre ... il m'intrigue !

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  19. J'ai beaucoup beaucoup de mal avec ces histoires de famille déballées au grand jour, même si c'est "touchant", bien écrit et patati et patata ! Depuis Rien ne s'oppose à la nuit (magistral s'il en est) j'ai décidé de faire une longue pause pour ce genre de récits, donc je passe !!! :) Bises♥

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    1. oui, je comprends et je crois que moi aussi, je vais faire une pause car ce dernier écrit m'a vraiment gênée. Bisous

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  20. J'ai vu un entretien avec l'auteur sur ce livre qui ne m'a pas poussée le lire. Le sentiment, en effet, d'être en trop dans une histoire privée.

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    1. oui, je pense même si malheureusement des familles peuvent la partager. bises

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