Voici un livre particulièrement nourri par la prose fraîche de David Bosc. Le verbe est recherché, les phrases se scandent mélodieusement et l'écriture éblouit par sa propreté. La claire fontaine décrit de façon romanesque les dernières années du peintre Gustave Courbet en exil en Suisse, fuyant le fisc français, s'adonnant aux plaisirs de l'existence (contemplation de la nature environnante, ébats sexuels à profusion -plus ou moins monnayés-, consommation immodérée d'alcool). Courbet envoie paître les communards et répond aux commandes de peinture (plus pour gagner sa vie que par plaisir artistique). Continuellement observé voire fliqué, il agit en homme libre, se fiche des recommandations médicales, s'entoure d'hôtes fidèles et plus stables que lui (le couple Alexandre et Marie Morel), côtoie un temps le spleen artist Baudelaire et conçoit volontairement une exposition avec de faux Rembrandt, Véronèse etc achetés trois francs six sous. Bref, Courbet s'amuse et abuse à la Tour-de-Reiz, avant de tirer sa révérence.
La claire fontaine dresse le portrait -la fiche d'identité un temps donné- ni flatteur ni morbide de ce grand peintre un peu sur le déclin mais toujours bouillonnant de désir, une bouffée d'oxygène malgré l'époque pesante de suspicion et d'assassinats fréquents où l'échafaud n'est jamais très loin. David Bosc réveille son écrit avec un brin d'humour et un sens indéniable de la répartie, produit un texte riche des recherches bibliographiques entreprises et un effort impressionnant sur la biographie aussi remarquable par la qualité des citations qu'il laisse sur son sillage. Très bien.
page 33
Lorsqu'il était ivre de vin, ou de laudanum, sa présence devenait plus dérangeante que celle d'un mort, parce qu'il accaparait toute la solitude.
page 36
Ils furent nombreux à relever le dénuement de cet étrange contemporain. On en était plus frappé, et pour tout dire, blessé, qu'il semblait volontaire ou pire, la conséquence d'une liberté. Les pauvres avaient au moins le tact d'avoir envie de toutes les choses dont ils étaient privés. Tandis que celui-là vous gâchait le plaisir par son indifférence, par ce ni chaud ni froid que lui faisait toute marchandise.
page 49
Et Marie eut envie de lui demander : pourquoi cracher, pourquoi toujours cette colère ? mais elle passa son bras dans le sien. L'aplomb des montagnes, en face, occupait le silence mais ne l'humiliait pas.
page 72
Courbet disait : « je peins ce que je vois », mais il a travaillé, lui aussi, à se rendre voyant. Vraiment, les opinions n'ont aucune importance. La pensée des hommes se tient dans ce qu'ils font, et peu importe si leurs bavardages énoncent tout le contraire.
page 73
..., le peintre laissa monter en lui un doux chagrin de peintre : l'espace ne s'ouvrait, ne se disposait qu'à l'oreille, au nez : la brise, le bruissement des feuilles, une barque dont les amarres grincent, un grillon qui se tait soudain à l'approche d'on ne sait quoi, d'un campagnol, d'un orvet, l'odeur des ifs, sur la gauche, l'odeur de la pierre qui fraîchit et, sous le pied, celle du pissenlit qu'on écrase ; par touches, par notes longues ou vives, le paysage se compose, laissant le peintre sans grand pouvoir de transposition. Courbet se prit à rêver d'une peinture au noir, sonore et odorante.
Éditions Verdier (106 pages consacrées au texte)
rentrée littéraire 2013
SP reçu et lu dans le cadre du prix Biblioblog 2014 : je remercie les éditions Verdier de cet envoi.
avis : Jérôme, Maryline, Anne,
SP reçu et lu dans le cadre du prix Biblioblog 2014 : je remercie les éditions Verdier de cet envoi.
avis : Jérôme, Maryline, Anne,
et un de plus pour les challenges de Shelbylee et d'Asphodèle (trois prix pour ce roman dont le Prix Marcel Aymé 2013)
J'ai lu cette biographie romancée grâce à l'avis de Jérôme et comme lui et comme toi, donc, j'en ai beaucoup aimé l'écriture. Ce qui est dit de la peinture, notamment, et surtout les évocations du rapport entre le peintre et ses tableaux, voire ses gestes de peintre.
RépondreSupprimerC'est un livre très bien écrit et c'est suffisamment rare pour le souligner !
SupprimerChez Verdier, il y a des pépites (j'en ai lu, et actuellement un livre attend dans la PAL, c'est dire!)
RépondreSupprimerC'est une maison d'édition exigeante sur la qualité linguistique. Et parfois, cela fait un bien fou !
SupprimerAh ! Un livre que j'ai repéré déjà il y a un moment ! Cela fait aussi un moment que je me dis que je devrait le lire ! Car j'aime beaucoup Courbet ;-)
RépondreSupprimerCe roman t'est destiné !
SupprimerC'est un roman très bien écrit... J'ai aimé, mais sur quelques pages seulement, et je trouve toujours les extraits superbes. Mais je n'ai pas envie de lire ça en ce moment, semblerait-il...
RépondreSupprimerIl n'est pas sombre, l'auteur a su relever la sauce avec ses magnifiques diatribes.
SupprimerBen moi j'ai adoré. C'est un écriture comme, travaillée sans être précieuse ou boursouflée. un régal !
RépondreSupprimerUne vrai et belle écriture, un style pur.
SupprimerTu as l'air d'avoir aimé.
RépondreSupprimeroui, il était mon Top 3 (il y avait deux ex-aequo numéro 1 et donc pas de numéro 2)
SupprimerComme Keisha, j'aime cet éditeur!
RépondreSupprimerLes éditions Verdier n'ont pas de souci à se faire : la blogo les soutient !
SupprimerJe l'ai noté chez Maryline, j'espère le lire un jour ..
RépondreSupprimerje te l'envoie si tu le souhaites !
SupprimerJ'aime Verdier ! Ce titre me tente beaucoup, tant par son sujet que par le style que l'on entrevoit à travers les extraits que tu cites. Je note !
RépondreSupprimerTu as raison, c'est rare que je trouve des citations mais là, je n'ai eu aucun problème avec ce livre tant elles paraissaient évidentes.
SupprimerJ'ai vraiment beaucoup beaucoup aimé ce roman moi aussi !
RépondreSupprimerlien trouvé et ajouté ! Bisous
SupprimerDéjà noté! Ce petit livre me tente beaucoup!
RépondreSupprimerJe le fais voyager, si tu veux ! bisous
SupprimerUn livre que j'ai commencé deux fois.
RépondreSupprimerah, et donc que tu as abandonné deux fois ?
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