RL2016 #3 : Un paquebot dans les arbres – Valentine Goby ***

Comment se construire fille lorsqu'on « remplace » un frère décédé au sein de la famille ? C'est le challenge de toute une vie, celui de Mathilde Blanc, l'éternel « petit garçon » de son père. Du déni, elle va compenser en devenant le socle du clan, celle qui supporte tout au risque de sacrifier sa santé, son alimentation, son amour et même son existence.

Valentine Goby a construit une magnifique héroïne de son cru, une « guerrière » de la vie, la générosité en plus, au point de s 'oublier. Un paquebot dans les arbres représente le sanatorium dans lequel les parents de Mathilde vont passer quelque temps, tuberculeux et contagieux, sans couverture sociale parce que d'abord commerçants, puis artisans mais plus du tout cotisants. Mathilde supporte tout : le quotidien difficile où se nourrir devient impossible faute de moyens, l'envie de s'élever socialement par le diplôme (à l'époque, garant d'un métier stable), les week-ends réglés à la minute près des visites au couple parental, la nécessité de retrouver sa fratrie éclatée (même si la sœur aînée Annie semble perdue à jamais, la loyauté en moins). Valentine Goby profite de cette œuvre pour raconter la France rurale des années 1950, clivée entre ceux qui possédaient le sésame (les droits à la Sécurité Sociale) – les ouvriers et les nantis- et les autres – les nécessiteux, les commerçants non prévoyants-. Il y a du Annie Ernaux dans Un paquebot dans les arbres : l'art de raconter notre pays du passé, d'analyser plutôt que de juger. Néanmoins, la comparaison s'arrête là parce que leurs proses diffèrent. L'une use de l'écriture plate, l'autre fracture ses phrases au point de rendre la lecture moins aisée mais module ainsi, par la forme, l'état d'âme de l'héroïne.

Un paquebot dans les arbres est un bon roman, touchant et accessible mais n'est pas un coup de cœur. Il m'a manqué ce petit quelque chose, ce serrement que j'ai éprouvé dans Kinderzimmer par exemple. Il y a également cette dispersion en fin d'ouvrage, lié à l'élargissement sur la guerre franco-algérienne qui a freiné mon enthousiasme. J'ai trouvé le parallèle surfait et mal exploité même s'il justifiait la présence d'un personnage (Antoine) : il aurait mérité une plus grande place mieux amenée.

Éditions Actes Sud (remarque : une première de couverture splendide, qui montre une petite fille insouciante, tout ce que n'a pu être Mathilde)
A vos nombres 2016

De la même autrice :
         Banquises
         Des corps en silence 
         Kinderzimmer 
         L'échappée 
         La note sensible
         Petit éloge des grandes villes 
         Un paquebot dans les arbres 

et un de plus pour les challenges de Sophie Hérisson (3/6 dans la catégorie Découvreur 1%) , de Piplo
 et de Philippe Dester
challenge Lire sous la contrainte

16 commentaires:

  1. Instinctivement, j savais que ce roman ne pourrait tenir la comparaison avec Kinderzimmer donc pas encore envie de le lire.

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  2. Impossible en effet d'arriver au niveau de Kinderzimmer. Mais quand même, quelle écriture (bon ok, je ne suis jamais objectif avec Valentine, j'assume^^).

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  3. Désormais, on fait toujours la la comparaison ( consciemment ou non ) avec Kinderzimmer.

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  4. Je n'ai pas lu Kinderzimmer, pourtant j'aurais pu... mais je lirai sans doute ce dernier roman.

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  5. Je n'arrive pas à avancer dans ce roman. Comme toi, il me manque quelque chose par rapport à Kinderzimmer. Difficile de faire aussi fort apparemment.

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  6. Enfin un avis moins élogieux. Ayant été déçu par le style de l'auteure dans un de ses précédents roman, j'hésite à le lire.

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  7. Comme je n'ai pas aimé "Kinderzimmer" à cause du style de l'auteure, je ne pense pas que j'en lirai un autre...
    Bonne fin de soirée.

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  8. Bon ben définitivement non pour ce roman après avoir lu Banquises et n'avoir pas été trop emballé, et gêné par le style mais tu t'en souviens. Par contre, peut-être un jour Kinderzimmer...
    Bisous

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  9. J'aime tellement la plume de cette auteure...! Coup de coeur !

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  10. Dur dur quand on aime une (une auteur(e) d'être déçu par un opus... Je ne l'ai toujours pas lue mais bon, je vais encore attendre...:)

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  11. Un des plus beaux romans de cette rentrée littéraire, assurément.

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  12. Suis contente de lire ton avis en demi-teinte car il m'a manqué aussi un petit quelque chose pour faire un coup de coeur de ce roman d'un auteur que j'aime pourtant beaucoup. Bises de Sandrion !

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  13. Merci pour ce billet et cette découverte Philisine!

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  14. Comme toi, je n'ai pas éprouvé ce "serrement" de Kinderzimmer

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