On est en Afghanistan, en guerre avec l'Union soviétique. Des représailles russes sur la population locale sont sujets à une barbarie sans nom. Un vieil homme, Dastaguir, accompagné de son petit fils, Yassin, souhaite informer son fils Mourad (également père du petit), du drame qui concerne leur famille. Leur périple dans un no man's land et en attente d'une voiture qui tarde à arriver, est sujet à des rencontres et à des divagations.
J'avais lu et adoré Synghé Sabour du même auteur, j'avais apprécié la plume sèche et lyrique d'Atik Rahimi. J'ai retrouvé ici son art de raconter avec précision mais sans s'étendre, à faire vivre ses personnages, à nous permettre de comprendre leur cheminement de pensées (à la fois dans la forme avec l'usage régulier du "tu" qui fait participer de façon implicite le lecteur, et dans le fond, où le récit est ponctué de dialogues, de monologues, de descriptions courtes). L'intrigue est efficace, surtout en un nombre réduit de pages (93), le rythme ne ralentit pas, même si tout est pesant. Atik Rahimi a cette délicatesse d'éviter un gore inutile : la tension qu'il impose dans son récit réside dans les rencontres de son héros (déboussolé, vieillissant mais absolument pas résigné à assurer sa mission) avec des hommes parfois fréquentables, d'autres moins. On retrouve l'atmosphère de La route de Cormac McCarthy ou de La nuit tombée d'Antoine Choplin, celle d'avoir ou non confiance en ses compagnons de route, celle de résilience après des chocs traumatiques à la pelle avec un quotidien forcément bouleversé, celle de transmettre par tous les moyens (et parfois un objet suffit à tout révéler ou tout confirmer).
Atik Rahimi offre là un très joli texte avec Terre et cendres : son héros infiniment brave est attachant d'humanité, le petit-fils du haut de son jeune âge (cinq ans ?) avec ses questions existentielles et métaphoriques renvoie les humains à leurs contradictions lors d'un conflit armé. Le phrasé court est percutant. Terre et cendres questionne le lecteur et se lit très bien. J'ai tout visualisé, j'ai accompagné cet honorable aïeul et le petit bonhomme (j'aurais bien nettoyé la pomme, je leur aurais bien évité de mordre la poussière, j'aurais aussi bien tapé du poing sur la table devant un notable minier, au risque de me faire fusiller). Il m'a juste manqué un tout petit supplément de Synghé sabour, ce quelque chose qui me bouscule et me retranche, ce quelque chose qui m'aspire définitivement.
Éditions P.O.L
Traduction touchante et réussie de Sabrina Nouri dont le prologue est empreint d'une profonde humilité.
Emprunté à la bibliothèque.
La pierre de patience lu il y a quelques années ne m’a laissé aucune trace j’étais passée à côté... je vais me repencher sur cet auteur, grâce à toi !
RépondreSupprimerSi tu as modérément apprécié La pierre de patience (Synghé sabour), alors il est possible que tu passes à côté de Terre et cendres si tu le lis, même si j'ai bien aimé ce texte. À voir... Ou pas.
SupprimerJe le tenterais en bibliothèque, pour découvrir.
RépondreSupprimerJe lirai ta chronique avec plaisir.
SupprimerJe ne connais ni le titre ni l'auteur, mais ce livre me semble intéressant...
RépondreSupprimerBonne semaine.
Je pense que tu pourrais être sensible à l'écriture d'Atik Rahimi.
Supprimermais ça donne très très envie! Je n'ai jamais lu l'auteur mais j'avais déjà noté son nom. Le thème du périple me tente beaucoup.
RépondreSupprimerC'est plus un périple dans la tête et des échanges épars. Mais on retrouve l'atmosphère tendue de La route.
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