Voilà, je n'avais pas prévu d'écrire une chronique sur cette œuvre magistrale mais deux éléments aujourd'hui m'ont fait changer d'avis :
1) Je viens d 'apprendre le décès de son auteur : Joseph Ponthus mort des suites d'un cancer à 42 ans, si jeune, si talentueux. Cette nouvelle m'a bouleversée et fait réagir au point que..
2) j'en parle au petit-déjeuner (9h45) de mon aînée (17 ans et demi) en lui disant : "Bichette, il faut que tu lises un manifeste en prose génial, une merveille sociologique, un écrit d'écorché vif, un pamphlet ouvrier, une œuvre solaire et très bien écrite, qui parle des travailleurs avec respect, du déclassement social, qui raconte le monde des Gilets Jaunes sans stigmatisation, qui écrit avec justesse et acuité sur les dérives sociétales, sur ce monde qui survit à coups de missions intérimaires lacunaires, qui étouffe aux conditions de travail rudes, humiliantes, déchirantes, parfois inhumaines et avec une très grande précarité, où la solidarité se compte en voyages routiers et en pauses "café-cigarette."
Ce à quoi ma fille a rétorqué : "Tu t'en souviens drôlement bien de ce roman !"
Et je lui ai répondu : "À la ligne est un livre qui a changé ma vie - je mange moins de viande grâce à lui et grâce à toi
aussi (chère fifille végétarienne)- parce que l'épisode de l'abattoir
m'a suffisamment traumatisée et fait prendre conscience de scènes
décrites sans pathos (où le respect des êtres -hommes, animaux- est dépassé et trop traumatique pour qu'on puisse oublier). Un poème sans ponctuation dont le style
fluide est à l'image de certains couplets : incisif, percutant,
touchant, profondément humain. Un écrit à la Zola ou la Aubenas, la poésie en plus. "
Voilà, par amour pour une femme, Joseph Ponthus a quitté un poste d'éducateur spécialisé après des études littéraires de haute voltige (deux années de classe préparatoire, des études universitaires ensuite) et a rejoint le monde des travailleurs précaires, qui accumule les missions d'intérimaire dans différentes usines (poissons, viandes).
À la ligne est un témoignage d'amour à cette femme qui l'a fait grandir, un héritage instruit (aux multiples références classiques) que nous laisse Joseph Ponthus : j'aurais tellement aimé qu'il écrive plus d'écrits, d'histoires. Il possède cette rage qui bouscule et dont je ne partage pas tout le contenu. Mais la confrontation de ses idées aux miennes fait cheminer le débat qui est nécessaire.
Le titre À la ligne bien choisi résume à la fois la forme (les retours à la ligne dans le texte servent de souffle) et le fond (les lignes de production des usines - travail à la chaîne)
Voilà, j'aurais aimé que Joseph Ponthus vive plus longtemps, j'espère que sa fin de vie aura été plus apaisée. J'ai une pensée pour ses proches, pour sa femme en particulier, pour ses amis, pour ses collègues (passés ou présents).
Le succès littéraire d'À la ligne est mérité. À la ligne est un livre exceptionnel, à étudier sans délai (parce que la vie est courte, parce que les voix d'une grande pertinence méritent être entendues et lues).
Je dois cette lecture à Geronimo qui en avait fait un coup de cœur : à juste titre. Merci cher ami !
Éditions Folio
Incisif et implacable |
Crevettes et proportionnalité |
Ras-le-bol et épuisement physique et mental |
Pause salutaire (même si cela aurait été mieux sans cigarette) |
autres avis : Geronimo, Aifelle, Clara, Alex, Cathulu, Comète,
J'avais beaucoup aimé ce livre aussi et j'ai été atterrée par l'annonce de cette triste nouvelle. Heureusement qu'il aura connu ce succès littéraire tout de même. Quelle belle revanche sur son expérience !
RépondreSupprimerOui, tu as raison.
SupprimerJ'ai beaucoup aimé son livre moi aussi, qui fait frémir plus d'une fois. Il avait trouvé une forme idéale pour ce qu'il voulait faire passer. On ne peut être qu'effondrée en entendant la nouvelle de sa mort, si jeune, à un moment où l'avenir s'ouvrait devant lui.
RépondreSupprimerOui, exactement une forme idéale dans laquelle il a fait passer plein de messages.
SupprimerJe venais vous remercier de votre passage d'hier et de votre commentaire. Et je découvre un auteur et son livre. J'aime ce genre d'échanges !
RépondreSupprimerBonne journée.
Merci à vous pour vos petits bonheurs du jour toujours attendrissants et bien écrits.
SupprimerJe vais courir acheter et lire ce livre. Par ailleurs moi aussi, dans une autre vie, j'étais traumatisé par des visites d'abattoirs. Ce qui était gênant : j'étais l'interprète des visites pour des groupes d'agriculteurs... la 1ère fois je me suis 'même' évanoui... toutefois je mange encore de la viande.... Beaux extraits. Merci
RépondreSupprimerJ'ai hâte de lire ce que tu en penses. Je pense que tu vas beaucoup l'apprécier (enfin je l'espère !).
SupprimerJoseph Ponthus laisse un seul livre derrière lui... mais quel livre ... je repense à son passage à la Grande Librairie, il était si touchant ...
RépondreSupprimerJe n'ai pas vu l'émission mais il avait cette puissance des gens modestes, des transparents, ceux qui font réellement bouger les lignes.
SupprimerTu en parles si bien. Un bel hommage, et un homme qui nous laisse un texte fort.
RépondreSupprimerMerci à toi pour ton très gentil mot. Il nous reste ce texte magnifique à la fois dans la forme et dans le fond.
SupprimerQuelle tristesse... J'avais beaucoup aimé ce livre. Tu rédiges un bel hommage et j'espère que ta fille le lira et l'appréciera !
RépondreSupprimerMerci Miss. Oui je lui montrerai mon écrit, si elle a envie de le lire.
SupprimerJe ne crois pas que j'accrocherais à ce genre de récit...
RépondreSupprimerEt la couverture ne m'attire pas du tout !
Bon weekend.
La première de couverture est explicite. Le contenu est tellement riche. Tu as le droit de passer ton chemin.
SupprimerLe meilleur livre lu l'année de sa sortie, un coup de foudre. Quelle triste nouvelle, et nous n'aurons pas l'occasion d'en lire un autre .... Pfff
RépondreSupprimerOui À la ligne est un grand coup de coeur partagé aussi par beaucoup de lecteurs.
SupprimerJe ne l'ai pas lu mais c'est une lacune, visiblement. Tu me donnes envie de la réparer.
RépondreSupprimerC'est un livre court mais percutant avec des extraits juste sublimes et vifs.
SupprimerBonsoir Philisine, un livre emprunté par hasard en bibliothèque et je ne l'ai pas regretté. Au début, l'écriture peut dérouter mais après c'est un vrai plaisir de lecture. Ponthus est parti trop tôt. Bonne soirée.
RépondreSupprimerJe suis vraiment ravie de lire ton ressenti. Merci beaucoup d'avoir pris le temps de l'écrire.
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