Les solidarités mystérieuses - Pascal Quignard ****

Qui, un jour, aurait pu penser que je lirais un «Quignard» ? Je pensais à tort cet auteur inaccessible et trop intellectuel pour la lectrice que je suis. Grâce à une chronique de Leiloona sur ce livre, j'ai dépassé cette impression négative : j'ai bien fait !

Les solidarités mystérieuses concernent la magnifique relation entre Claire Methuen, une dame de 47 ans et Paul, son frère cadet de 5 ans. Bretons de naissance, tous deux ont survécu à un deuil familial abominable, orphelins très jeunes de père et mère : Claire a subi le quotidien de la famille de leur tante (seule protectrice de la jeune fille, mère d'odieux et imbéciles «cousins» ) pendant que Paul a très tôt connu le pensionnat et les retrouvailles aoûtiennes avec sa frangine et leurs tyrans. A l'occasion du mariage d'une nièce à Dinard, la Parisienne d'adoption décide de tout plaquer et de retourner vivre au bercail, de revoir ses amies, son fiancé d'alors Simon Quelen (l'unique, le grand amour).
Rien ne la retient à Paris : femme délaissante, mère peu concernée, elle a laissé la garde des ses deux filles (bien adultes à présent) à son ex-mari. Près de Saint-Malo, Claire retrouve son ancienne professeur de piano, Madame Ladon (un des rares rayons de soleil de son enfance) et noue une relation quasi-filiale avec elle. Elle adopte les lieux (splendides, où l'élément marin se tape l'incruste continuellement), les gens et redécouvre Simon (marié et père d'un garçonnet). Parallèlement, arrive Paul, le frangin, l'ancien souffre-douleur estival de Claire. Entre eux, beaucoup de non-dits, de silence, d'amour aussi. Cette nouvelle région va les rapprocher, les aider à grandir pour eux-mêmes, à s'épauler, à s'affirmer.
Écrit à plusieurs voix, Les solidarités mystérieuses se lit d'une traite : on reste ému(e) par la beauté des liens, malgré les événements terribles, les rencontres magiques (avec Madame Ladon et le Père Calève en particulier) et les thèmes de l'amour absolu (entre Claire et Simon, entre Paul et Jean, entre Claire et Paul), de la folie latente et de l'absorption humaine face à son environnement écologique. Chacun se succède, même ceux (celles) qu'on n'attend pas (plus). L'écriture est surprenante : au départ, il y a pléthore de verbes au présent malgré le récit mais on s'habitue et on se laisse enivrer par les mots de Pascal. Surtout on ne s'ennuie pas. Finalement, je vais peut-être ouvrir un autre «Quignard» !

Éditions Gallimard

emprunté à ma biblio chérie

évasion musicale : (spéciale dédicace à Anis : je n'ai pas arrêté de fredonner l'air de cette chanson au cours de ma lecture : inexplicable, pour le coup vous avez le droit à deux versions : l'originale et celle de The Rambling Wheels enregistrée au cours de l'émission Les affranchis sur France Inter)  

   Video Games - The Rambling Wheels (interprétation magistrale)

   Video Games - Lana Del Rey  (version originale)

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