Maria Cristina Väätonen est une écrivaine de renom. Plébiscitée lors de la parution de son premier roman (une autofiction), elle connaît une vie intime assez mouvementée et secrète. Naviguant à vue entre son mentor-amant (le ténébreux et nobélisable Rafael Claramunt), son amie de fac (la fidèle Joanne) et ses multiples rendez-vous professionnels, elle s'est construit un cocon à Santa Monica, quartier de Los Angelès, loin de son antre familial originel (Lapérouse, dans le grand Nord). Son quotidien bascule le jour où elle reçoit un appel de sa mère soit-disant décédée, lui confiant ainsi une mission de la plus haute importance et occasionnant un violent retour au passé. Que la vérité se fasse !
La grâce des brigands porte bien son nom. En effet, Véronique Ovaldé présente des personnages pas francs du collier, à commencer par Maria Cristina, loin d'être claire avec son passé (elle invente le décès de certains membres de sa famille et provoque d'une certaine manière l'accident d'un autre), mais aussi Rafael Claramunt, omnipotent et arrogant (prêt à s'attribuer l’œuvre d'un auteur à des fins professionnelles et prestigieuses) ou enfin le chauffeur de ce dernier, sorti d'un gang d'enfer. Bref, que du beau monde prêt à travestir la réalité.
La grâce des brigands porte bien son nom. En effet, Véronique Ovaldé présente des personnages pas francs du collier, à commencer par Maria Cristina, loin d'être claire avec son passé (elle invente le décès de certains membres de sa famille et provoque d'une certaine manière l'accident d'un autre), mais aussi Rafael Claramunt, omnipotent et arrogant (prêt à s'attribuer l’œuvre d'un auteur à des fins professionnelles et prestigieuses) ou enfin le chauffeur de ce dernier, sorti d'un gang d'enfer. Bref, que du beau monde prêt à travestir la réalité.
Mais l'art de Véronique Ovaldé ne réside pas seulement dans la façon de diriger une intrigue, de placer un univers ou de manipuler ses personnages comme dans Des vies d'oiseaux ou dans Ce que je sais de Vera Candida (son chef d’œuvre, inégalé à ce jour). On retrouve bien sûr ses thèmes porteurs comme les relations familiales houleuses et la transmission, la folie (ici maternelle), le couple encore mis à mal (perturbé par une conjugalité brinquebalante, par une catastrophe naturelle ou sous l'emprise d'une secte), le sentiment de culpabilité et la violence faite aux femmes (avec un épisode aussi déroutant que choquant) ou l'éloignement du cocon familial pour prendre un envol salvateur. Elle y ajoute célébrité et équilibre intérieur.
Mais Véronique Ovaldé a aussi construit ce livre comme une parodie littéraire en jouant sur les emprunts :
Mais Véronique Ovaldé a aussi construit ce livre comme une parodie littéraire en jouant sur les emprunts :
1) d'abord en usant de pseudos connus -Judy Garland ou Oz (qui n'est pas magicien, ici) pour le chauffeur, Jean-Luc (Godart) pour le chat- et en féminisant au maximum l'univers des personnages masculins (vrai pour le chauffeur et pour Clara(munt), plus souvent nommé par son patronyme que par son prénom)
2) en faisant référence à des œuvres récentes :
a) d'abord La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert de Joël Dicker (avec la fameuse tentative de détournement d'un roman, le couple Maria Cristina-Claramunt comme prolongement de Nola-Harry)
b) puis un clin d’œil à Certaines n'avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka en page 110
«Au fond, son rêve état individualiste il n'y avait à sa connaissance pas de « nous » possible, elle ne pourrait jamais dire ou écrire, Nous étions des jeunes gens pleins d'espoir mais certains d'entre nous se donneraient la mort tandis que d'autres partiraient vivre à l'étranger, certains d'entre nous se marieraient avec des gens croisés une fois ou deux, certains deviendraient bouddhistes et d'autres deviendraient accros à l'alcool et au Prozac. Nous avons toujours pensé que demain serait meilleur qu'aujourd'hui, nous avons tous cherché à habiter ailleurs qu'à l'endroit où nous vivions, nous avons tous cherché une petite maison face à la plage et ç'aura été pour certains un rêve bourgeois et pour d'autres la meilleure façon de s'accommoder de leur nature périssable. Maria Cristina n'écrirait jamais cela, il lui manquerait toujours cette possibilité du pluriel, elle ne pourrait être autre chose qu'un être dignement solitaire.». Si Maria Cristina ne se permettra pas l'usage du « nous», sa créatrice en abuse lors de ce court passage.
c) et enfin, L'embellie de Audur Ava Olafsdottir avec l'intervention de Joanne, jeune mère célibataire en galère et le passage du road-movie en compagnie de Peeleete, le neveu de Maria Cristina.
Véronique Ovaldé a créé un livre à partir de romans à forte notoriété publique souvent primés (d'ailleurs la référence au Nobel de Littérature ne paraît pas fortuite), une sorte de plagiat artistique dans le sens où l’œuvre ainsi construite devient La fameuse grâce. Je la soupçonne même de s'être inspirée de l'histoire familiale de Sofi Oksanen pour composer le duo parental (Liam-Marguerite) dont la double nationalité pose des difficultés de compréhension et de communication, où le mal-être de Maria Cristina de n'appartenir à aucune communauté s'explique. C'est brillant et réussi, surtout qu'elle apporte sa touche personnelle en conservant sa prose unique et lyrique.
Éditions de l'Olivier
Rentrée littéraire 2013
SP reçu et lu dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire organisés par PriceMinister.
(merci pour ce beau cadeau)
Intéressants rapprochements ; j'avais bien pensé à Dicker mais n'ayant pas lu les deux autres romans, je n'ai pas vu ces possibles références. Merci pour ce point de vue original !
RépondreSupprimerMerci à vous de votre passage.
SupprimerUne auteur que je n'ai pas encore découverte malgré tous les éloges dont elle fait l'objet. Je ne suis pas sûre d'apprécier, mais pourquoi pas tenter...
RépondreSupprimerEssaie d'abord Ce que je sais de Vera Candida (la version audio est réussie). Après La grâce des brigands et ensuite Des vies d'oiseaux.
SupprimerTon billet est très intéressant. Je n'avais pas pensé aux rapprochements que tu évoques.
RépondreSupprimerJe pense comme toi que "ce que je sais de Vera Candida" est son chef-d'oeuvre.
Je me suis dit qu'une personne aussi intelligente que Véronique Ovaldé allait oser une arnaque littéraire et elle a heureusement laissé des détails assez visibles pour la démonstration. Bises
SupprimerJ'attendrai la parution en poche, mais j'aime bien l'idée de ce roman qui pique aux autres, c'est souvent, quand c'est bien fait exprès, plutôt amusant, je pense aux nouvelles de Quiriny, "Une collection particulière" ... Et d'accord avec toi, de ce que j'ai lu, " Ce que je sais de véra Candida" reste mon préféré de cette auteure.
RépondreSupprimerJe peux t'envoyer mon exemplaire disponible actuellement. Bises
SupprimerTu sais que tu es l'une des premières que je lis a être très emballée par ce roman. Je l'avais noté puis un peu oublié à cause de critiques peu élogieuses, mais tout ce que tu dis me réjouit je dois dire : l'imposture, les détournements d'identité, les livres dans le livre. Donc je le renote avec bonheur Phili. Des bises
RépondreSupprimerIl est plus subtil qu'il n'y paraît et c'est ce qui me plaît le plus dans son contenu. Bisous
SupprimerTon billet m'apporte un éclairage complètement nouveau : je n'avais pas du tout le roman sous l'angle de l'emprunt et de la parodie littéraire ! C'est très intéressant d'envisager nos différents points de vue ; c'est pour cela que j'aime les LC (quand on est dans les temps héhé) !
RépondreSupprimerOui, participer à une LC me manquait terriblement et je te remercie avec les copines d'avoir dit oui ! bises
SupprimerDésolée mais j'aurais un peu de retard.... Mais je ne connais pas le même emballement que pour Vera candida....
RépondreSupprimerPas de problème : nous guettons ton avis avec patience et gourmandise. Bisous
SupprimerVoilà un billet fort intéressant...merci pour cette lecture commune, bises.
RépondreSupprimerMerci, Nadael, d'avoir répondu de suite et de ce beau partage. Je te bise.
SupprimerJe vais déjà commencer par son "chef-d'oeuvre" et verrai ensuite...
RépondreSupprimertu l'as acheté récemment je n'ai pas oublié ! Bisous
SupprimerMerci pour ce billet Philisine, n'ayant pas tous ces repères, j'ai trouvé les personnages de Claramunt -, de Joanne et de Garland ainsi eu leurs liens avec Maria Cristina à peine traités. Mais cette notion de parodie et d'emprunts éclaire différemment ma lecture!
RépondreSupprimerJe l'ai faite peut-être à tort mais cela me paraît tellement évident que je ne pense pas me tromper. Il y a certainement d'autres emprunts mais ma culture littéraire n'est point vaste. Bises
SupprimerIl est dans mes "peut-être" et tu le fais remonter dans les "certainement"
RépondreSupprimeret je peux te l'envoyer "assurément".
SupprimerUn roman que j'aimerais trouver en bibli pour me faire une idée.
RépondreSupprimerou le recevoir par mon intermédiaire : il voyage !
SupprimerAhhh véronique ovaldé...
RépondreSupprimeroui, une grande auteure finalement qui essaie comme Valentine Goby (sa grande copine) à décloisonner les registres en appartenant à des maisons d'édition moins en vue que le Galligrami.
SupprimerTout comme Anne, il suffit d'être un peu patient, mais je ne manque pas de provisions en attendant ..
RépondreSupprimeret tout comme à Anne, je te propose le voyage !
SupprimerJe suis pleine d'admiration, Philisine, pour ton billet. Je crois bien que j'aurais été incapable de détecter tout cela, et d'autant moins que je n'ai lu que très peu des livres ciés, à l'excepion de "Certaines n'avaient jamais vu la mer" que j'avais beaucoup aimé.
RépondreSupprimerTrès bon dimanche à toi.
Je ne suis pas si méritante que cela : j'ai lu les trois livres cités. Je pense que sans cela, je n'y aurais vu que du feu !
SupprimerJamais lu Ovaldé mais je ne sais pas si je commencerais par celui-là.
RépondreSupprimerplutôt Ce que je ais de Vera Candida (et si possible en version audio : formidable !)
SupprimerJ'avais tenté de lire Vera candida et j'avais abandonné assez rapidement. A voir si celui-ci saura me réconcilier avec le style de madame Ovaldé.
RépondreSupprimerPas sûr car selon moi, Vera Candida est un niveau au dessus de La grâce : as-tu essayé la version audio de Vera Candida ? Cela vaut son pesant de cacahouètes.
SupprimerUne auteure qui sait créer un univers à part.
RépondreSupprimeroui et qui possède une très belle écriture.
SupprimerVéra Candida ne m'ait pas du tout convaincue ... alors pas trop tentée par cette auteure depuis !
RépondreSupprimercomme tu veux.
SupprimerEn tout cas, on peut dire que les avis sont très divergents. Elle ne fait pas l'unanimité.
RépondreSupprimerC'est vrai, je pense qu'il y a beaucoup d'attente sur elle. Mais j'ai été agréablement surprise après le moyen Des vies d'oiseaux.
SupprimerUn livre qui a l'air bien intéressant
RépondreSupprimeret qui te plairait, j'en suis certaine.
Supprimerje ne suis pas fan fan de l'auteur mais je lirai celui-ci, c'est sûr. La liste d'attente est longue pour le livre voyageur?
RépondreSupprimernon, elle debute par toi et je te l'envoie demain mais il me faut ton adresse (tu me l'envoies à l'adresse jemelivre[at]gmail.com ... il faut remplacer le [at] par l'arobase)
Supprimerj'ai tout aimé dans ce livre !
RépondreSupprimeroui, tu es une fan inconditionnelle : c'est bien !
SupprimerJ'aime beaucoup cette auteure, c'est une voix à part je trouve... Je lirai celui là, c'est certain !
RépondreSupprimerelle écrit bien, elle sait construire un univers totalement irréel. J'apprécie cette créatrice littéraire.
SupprimerJe n'ai encore rien lu de cette auteure. Encore une que je dois découvrir.
RépondreSupprimerPasse une bonne semaine.
toi également, Philippe ! Et merci de ton passage.
SupprimerJe suis revenue pour lire ton billet et te dire que j'ai publié le mien. Pour les références littéraires je ne les aies pas vu, c'est assez logique puisque je n'ai lu aucun des trois livres auquel tu fais allusion. Quand aux noms détournés j'ai beaucoup aimés aussi. Je suis moins convaincue que toi, un peu mitigée mais une lecture agréable tout de même. Merci pour cette lecture commune :0)
RépondreSupprimermerci à toi d'avoir suivi le groupe. Je te bise
SupprimerOh ton billet est très convaincant!! J'avais commencé "Ce que je sais de Vera Candida" mais je n'ai pas su le terminer malheureusement, je comptais le reprendre. Et les mots de Véronique Ovaldé m'avait bien plu... Où en est ton roman dans ses voyages? Je serais bien tentée de le découvrir à mon tour...
RépondreSupprimerJe peux te l'envoyer dès mardi, il est encore à la maison (Violette n'a pas laissé de courriel). Il fat que tu m'envoies ton adresse mail pour courriel (cf Contact)
SupprimerJe ne connais pas encore "Pilite" je suis à mi-chemin de ma lecture et je brûle de rencontrer le gamin. Je ne pense pas que cet opus détrônera "Vera Candida" chère à mon cœur!
RépondreSupprimerJe guette ton avis. Bises
Supprimereuh;;;; moi je serai bien tentée pour accueillir ce livre ...
RépondreSupprimeravec plaisir, je te note ! Bises
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