Théâtre : Le conte d'hiver - William Shakespeare

Présenté par le Théâtre du Nord pour la saison 2013-2014, Le Conte d'hiver de William Shakespeare découvre une seconde jeunesse avec la mise en scène de Patrick Pineau (avis aux amateurs des pièces de théâtre courtes : ce spectacle dure trois heures ! ). Quand on aime, on ne compte conte pas (ou peu).
photo issue du carnet de présentation de l’œuvre fait par le th'N
Léonte, roi de Sicile, a tout pour être heureux : Hermione, sa femme splendide qu'il aime et qui partage ses sentiments, un fils Mamillius et un bébé qui s'annonce sous les meilleurs auspices. Enfin, cela, c'est vite dit car à l'occasion d'un séjour sicilien de Polixène, roi de Bohème et frère de sang de Léonte, ce dernier doute de la fidélité d'Hermione et par conséquent de sa propre paternité vis-à-vis de l'enfant qu'elle porte. Malgré l'assurance de tous (Hermione et Polixène outragés, la cour qui défend le comportement exemplaire de la reine, les Dieux et en particulier Apollon par l'intermédiaire de l'oracle de Delphes), Léonte s'enfonce dans une jalousie furieuse qui bien sûr détruit l'équilibre familial sur son passage. Mais parfois des miracles arrivent (mais ne règlent pas toutes les morts).

Scindée en deux étapes, cette pièce montre une grande modernité de la part de William Shakespeare : critique d'une royauté despotique (ici, Léonte "bousculé" et retranché dans ses convictions par ses courtisans), dérapage du début tragique en fin comique (avec retournement de situation digne de Feydeau), union d'un héritier royal avec une pseudo-roturière, intervention du Temps qui montre et résume son action en seize ans, humour et légèreté dans ce texte à début sombre etc. Il n'empêche que j'adhère moins à la fin qui m'a paru invraisemblable : c'est vrai qu'on vit dans un conte mystique, philosophique aussi. Dire que l'histoire s'achève dans le bonheur le plus total oublierait bien vite le deuil d'un petit garçon. 

Quant à la mise en scène de Patrick Pineau, il y a plusieurs éléments notables :
 -  des décors sobres et des costumes élégants, un jeu d'acteurs inégal ( avec parfois des aboiements qui rappellent le théâtre d'antan : il me semble qu'on peut jouer la menace sans hurler. Une très bonne Paulina- Aline Le Berre sauf lorsqu'elle incarne le Temps )
 - un usage abusif du micro-Temps très sonore (soit Patrick Pineau considère son audience  composée de personnes à l’ouïe endommagée, soit il entend mal), idem pour la partie Voici-Closer (oui, oui, la presse people s'invite aux retrouvailles) : la vidéo m'a semblé surexploitée. Passée la surprise (qui a le don de réveiller l'auditoire et de le faire rire), les témoignages filmés appesantissent le récit.
 - des intermèdes rock sympas mais là encore inaudibles (sauf avec des boules quiès : pensez à vos oreilles !)
 - l'écran central n'a d'intérêt qu'au moment des interventions de Mamillius, lors de la promenade de Hermione en compagnie de Polixène ou la revue de presse. Le reste du temps, il me semble inutile et inapproprié (l'image télévisée détourne l'attention sur la scène), sauf pour montrer au public que le metteur en scène connaît d'autres vecteurs de communication, comme s'il voulait concentrer toutes les techniques en une seule pièce : un tremplin trop-plein !
 - un choix audacieux de burlesque et de bouffonnerie en seconde partie, qui a pu plaire au public : je suis restée insensible. Non pas que rire m'indispose (au contraire : j'ai aimé cette façon de Shakespeare d'avoir su détourner le rythme de la tragédie), mais la prestation proposée m'a paru too much  (exceptée l'apparition de la famille ourse bien venue) : les acteurs surjouent lors de l'anniversaire de Perdita ou la découverte du mausolée d'Hermione.

En résumé : du très bon, du moins bon, des éléments intéressants dans la mise en scène et d'autres dont on pourrait se passer sans rien enlever au rythme, ni à la fantaisie.
Théâtre
Le conte d'hiver
deWilliam Shakespeare
metteur en scène : Patrick Pineau
nouvelle traduction : Daniel Loayza

durée du spectacle (au moins trois heures )  : 1h25 + 15-20 m d'entracte + 1h25

et un de plus pour le challenge d'Eimelle  


10 commentaires:

  1. Je n'apprécie pas non plus quand c'est surjoué.

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    1. Le jeu est inégal : certains sont très bons. J'ai passé quand même un bon moment avec eux et la pièce. Je ne pense pas que ce Conte soit la meilleure des pièces de Shakespeare.

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  2. Je ne suis pas trop théâtre, moi, même si c'est du Shakespeare.
    Passe une bonne semaine.

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    1. j'aime beaucoup le théâtre vivant : c'est toujours un bonheur de voir les textes lus et de découvrir ce qu'en font les acteurs et les metteurs en scène. Il ya une vraie symbiose à ce moment-là.

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  3. Je viens voir ton billet sur les Plumes et je tombe sur celui-ci ! Comme je fais un challenge sur Shakespeare et que j'aime beaucoup le Conte d'hiver, je me suis intéressée à ton compte rendu de spectacle. Tu as raison de dire que la pièce est assez invraisemblable et que l'intérêt est ailleurs dans la portée philosophique et l'exploration des mythes.
    je vois que la mise en scène de Pineau laisse à désirer et ne fais pas dans la dentelle!! Moi aussi je l'ai vue dans une mise en scène inintéressante.
    Ce que j'aimerais pouvoir assister à une mise en scène de cette pièce digne de ce nom! A la lecture, je suis très sensible aussi à la poésie de la nature et des changements de saison d'où l'intérêt de Perdita.

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    1. Je me demande si cette pièce de Shakespeare n'est pas trop casse-gueule pour la mettre en scène : Pineau a d'excellentes idées et sait relever l'attention du public sur ce texte long, mais il n'évite pas quelques maladresses. La poésie de Shakespeare est la vraie découverte de ma soirée : la nouvelle traduction de Daniel Loayza y est pour quelque chose ! Celle qui m'a marquée au niveau de son rôle dans cette mise en scène-là est Paulina : elle est remarquable, on ne voit qu'elle.

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  4. Ca devait être un peu long quand même... Je n'ai jamais vu jouer du Shakespeare.

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    1. la première partie, absolument pas. La seconde a mal démarré pour moi (je n'aime pas la bouffonnerie) et la fin (qui n'est pas de la responsabilité de Pineau mais de Shakespeare) m'a paru peu crédible. C'est comme cela.

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  5. je ne connais pas du tout cette pièce, merci pour ta participation au challenge!

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