Édouard collectionne toutes les qualités humaines de la haine (raciste, xénophobe, frustré, phallocrate, raccourci du cerveau,...) avec quelques compléments (grossier, vulgaire, cynique.. Faut ce qu'il faut !). Il va connaître une nuit particulièrement agitée et ce n'est pas faute d'avoir voulu rendre service : pour une fois !
Ce qui est quand même impressionnant chez Chabouté est sa capacité à se renouveler constamment. J'ai lu ces dernières semaines, quatre albums de lui et tous sont différents même s'ils ont une thématique prégnante : celle de raconter notre société, d'avoir un regard singulier sur ce qu'elle est et ce qu'elle devient, sans amertume, juste par constat.
En lisant Pleine Lune, on adhère difficilement au discours de notre héros (ou plutôt anti-héros) Édouard assez détestable et on se dit qu'on va passer un long moment avec lui. Mais là, où Chabouté est très fort, c'est qu'au fil de cette fameuse nuit qui n'en finit pas, on se prend de pitié pour notre pépère et on lui souhaite bien du repos (qui aura du mal à arriver). Il faut dire que l'auteur n'y va pas de main morte pour le charger et toutes les (més)aventures ubuesques sont cohérentes.
Si j'avais trouvé que le scénario avait peiné dans Terre-Neuvas, il n'en est absolument rien dans Pleine Lune. Le rythme est d'enfer, notre héros casanier va bouger en une nuit tout ce qu'il n'a pas commis dans sa life et sincèrement, c'est extra même si c'est noir de chez noir (disons que je n'aimerais pas qu'il m'arrive la même chose). Ce qui impressionne aussi, c'est que cet haineux est incapable de résilience et de prendre en compte les expériences vécues pour changer de discours.
À travers ce périple haut en couleur (enfin, c'est une façon de parler car il n'y a que des images en noir et blanc), Chabouté explore différents horizons humains (une partie des laissez-pour-compte, clientèle régulière de notre Édouard à la langue très et trop fourchue, peu empathique pour les personnes qu'il sert ) et place en contradiction sa parole et son comportement.
Dire que Pleine lune est détendant serait un mensonge : on est bien dans la BD noire (à l'instar du roman noir). Mais l'intrigue se tient (n'oubliez pas les premières images, n'oubliez rien, tout compte) et comme diraient mes filles : il a pris cher, Édouard !
C'est peut-être l'unique bémol que j'émets pour cette lecture : c'est son côté exubérant, excessif. Cet argument n'est pas tant destiné aux fameuses rencontres nocturnes d'Édouard (très fantaisistes mais qui s'expliquent) mais plutôt au milieu professionnel du héros, où peu de fonctionnaires trouvent grâce aux yeux de Chabouté. Bien sûr, connaissant l'univers de ce dessinateur, on ne peut pas décemment taxer sa vision de certains services publics de "courte vue" mais je ne suis pas certaine qu'il eût fallu autant insister et enfoncer un tel clou (au risque de passer pour un extrémiste ou un sectaire), le caractère du héros à mon avis suffisait amplement.
C'est peut-être l'unique bémol que j'émets pour cette lecture : c'est son côté exubérant, excessif. Cet argument n'est pas tant destiné aux fameuses rencontres nocturnes d'Édouard (très fantaisistes mais qui s'expliquent) mais plutôt au milieu professionnel du héros, où peu de fonctionnaires trouvent grâce aux yeux de Chabouté. Bien sûr, connaissant l'univers de ce dessinateur, on ne peut pas décemment taxer sa vision de certains services publics de "courte vue" mais je ne suis pas certaine qu'il eût fallu autant insister et enfoncer un tel clou (au risque de passer pour un extrémiste ou un sectaire), le caractère du héros à mon avis suffisait amplement.
En résumé, vous l'aurez compris, j'ai beaucoup aimé Pleine lune et je vous conseille de découvrir cet album !
Éditions Vents d'Ouest
Du même auteur :
Construire un feu (non chroniqué)
Un peu de bois et d'acier
Depuis le début de tes billets, j'ai emprunté et lu "construire un feu" (billet à venir) et je vais continuer bien sûr.
RépondreSupprimerAifelle, ton petit mot et ta confiance m'honorent. Merci beaucoup et merci pour cet auteur qui le mérite.
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