Né d'aucune femme - Franck Bouysse

C'est très bizarre mais lorsque j'ai fini Né d'aucune femme de Franck Bouysse, je n'ai pas été en mesure de dire si j'avais ou non aimé cette lecture, parce qu'il y a plein de choses qui m'ont bien plu et d'autres un peu moins. J'ai senti tout le long de ma lecture (et surtout à la fin) le gros travail de relecture, de rafistolage, d'élimination d'éléments secondaires, inutiles et qui auraient alourdi l'intrigue ; j'ai senti le coté bancal de l'intrigue, ce qui peut ou aurait pu la mettre en péril ; j'ai vu les qualités littéraires indéniables de l'auteur, sa capacité à nous faire ressentir les sentiments, à décrire les scènes (notamment les plus violentes), ses clins d’œil aux contes et aux romans d'autrefois, sa propension aussi à se disperser. J'aurais pu être hyper émue du devenir de l'héroïne (et je pourrais dire des héroïnes et héros). En fait, je suis restée un peu en retrait par le trop plein de coïncidences qui font que même si c'est un roman, parfois c'est too much !

Rose est l'aînée d'une sororité de quatre éléments dans une famille de fermiers pauvres. Son père Onesime a du mal à joindre les deux bouts. Aussi, après quelques verres en trop, il décide d'un avenir un peu moins rose à sa si jolie aînée susnommée.

Si j'avais à défendre Né d'aucune femme (après mon introduction moins engageante), je dirais de ce roman noir

  • qu'il a un titre obscur et d'enfer (qui ne doit surtout pas être changé, parce qu'il garde un mystère total sur le contenu et pourtant il résume tout !),
  • qu'il montre le talent brillant de son auteur à nourrir son intrigue de références du passé et du présent (présence d'un (ou de plusieurs) ogre(s), une héroïne abandonnée à son sort dans une demeure inquiétante, la place sociétale de l'enfant, la condition féminine, les femmes empêchées*, l'internement, la perversité, l'aliénation, la lutte des classes),
  • que l'alternance des témoignages (dans une polyphonie maîtrisée) donne un rythme et un souffle à une histoire qui se veut plutôt d'ossature classique. 
  • que l'écriture est belle (avec une volonté d'accrocher le regard du lecteur en ne distinguant pas les périodes parlées du texte d'origine, en distillant suffisamment de détails pour permettre la visualisation des scènes). Je suis moins fan du parler de Rose : je sais qu'il est de bon ton actuellement de mâcher les négations en faisant "populaire" mais je ne suis pas certaine que cela en devienne un trait spécifique de la classe sociale donnée, au regard de l'évolution de notre langue.

Qu'est-ce qui m'a éloignée de cette œuvre ? Je dirais un peu tout : la période des vacances se prêtant à la détente, je n'avais pas forcément envie de noir c'est noir. Je pense que j'ai été dérangée à la fois par la première partie (avec l'avalanche de violence de diverses natures : psychique, physique, mentale), par la seconde partie de l'histoire (celle de la rencontre des deux femmes, même si la présence de la seconde femme est indispensable à l'intrigue) et la fin qui m'a paru vraiment moins réussie et moins à la hauteur du reste (comme si l'auteur voulait rééquilibrer la balance avec une sorte de happy end qui m'a paru un peu cucul la praline et surtout peu plausible... d'ailleurs il a fallu rajouter moultes détails -l'ardoise, la tache corporelle- et coïncidences sur des personnages secondaires (voire parachutés) pour rendre le tout cohérent.... J'ai vraiment eu le sentiment, sûrement à tort, que ce n'était peut-être pas le choix initial de Franck Bouysse dont l'imagination très prolifique mérite d'être canalisée). 

Voilà, je partage cette lecture avec Ingannmic que je remercie pour ce choix. Je suis contente d'avoir enfin découvert et pris le temps de lire ce best-seller.

Éditions Le Livre de poche

* Voir ma précédente chronique

19 commentaires:

  1. Je n'ai pas du tout envie de lire ce livre, et pourtant j'en ai lu quelques-uns de l'auteur et je n'ai jamais retrouvé le plaisir de Grossir le ciel. De plus, je ne suis pas toujours très objective car je l'ai croisé plusieurs fois sur des salons et ce depuis le début et qu'est ce qu'il est sympa, intéressant et en même temps assez réservé, bref j'aime tellement sa manière d'être que j'ai peur d'être encore déçue....

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    1. Je note Grossir le ciel qui a l'air de plaire à beaucoup de lecteurs. J'ai envie de poursuivre avec cet auteur et je continuerai par ce livre-là.

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  2. J'en suis restée à "Grossir le ciel" que j'avais beaucoup aimé. Depuis, je trouve ses romans vraiment trop sombres et trop noirs. J'ai besoin d'autre chose, surtout en ce moment.

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    1. Ok. Je note que Grossir le ciel est à lire absolument et qu'il vaut mieux que j'évite les autres oeuvres pour le moment.

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  3. Sans doute a-t-on été trop enthousiaste avec ce roman (d'où l'impression de tout en savoir) et je n'ai pas réussi à en avoir vraiment envie. Toi tu scrutes le truc, j'aime bien.

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    1. Je ne suis pas sûre. Je pense que ce roman a répondu à une large audience de lecteurs car il propose un conte très noir pour adultes et c'est en cela sa différence par rapport à d'autres oeuvres actuelles. Et quelle différence d'ailleurs ! Après je regrette qu'il varie trop dans les extrêmes, surtout qu'il n'y avait pas besoin d'en rajouter. Il m'a manqué un certain dosage.

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  4. J'ai eu la même impression de too much ! Trop de violences peu crédibles, trop de glauque rattrapé en queue de poisson. J'ai apprécié les romans précédents de l'auteur, même si de textes en textes, cette montée en puissance du noir hystérique se sentait un peu ... Depuis Né d'aucune femme, je le laisse de côté.

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  5. J'aime beaucoup ton analyse, défauts versus qualités ! Je me suis attachée en ce qui me concerne à l'écriture, si belle, et à cette impression de lire un conte macabre. J'ai bien vu aussi les défauts, mais ils sont restés comme en périphérie, des éléments négligeables.

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    1. Oui je comprends parfaitement ton piknt de vue qui se justifie amplement. Merci en tout ça pour cette LC très chouette.

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  6. Si je n'ai pas été spécialement touché par les personnages, j'ai en revanche beaucoup aimé cette histoire sans en relever tous les défauts que tu soulignes. Je me suis laissé emporter par ce conte et son atmosphère sombre, même si, comme toi, j'ai été déçu par son happy end. C'était mon premier Bouysse et ça reste encore le seul à ce jour.

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    1. Je vais lire Grossir le ciel et après on verra. C'est un roman en tout cas qui donne matière à discussions et c'est le propre d'un roman réussi même avec ses imperfections.

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  7. J'ai vu ce livre partout sur les blogs et je n'ai jamais pu me décider à le lire, je ne saurais pas dire pourquoi. Juste un feeling qui ne se fait pas... Et ce n'est pas ton billet qui va déclencher ma lecture :-D

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    1. Oui, mais Ingannmic a bien aimé. Et d'autres avant elle comme tu le soulignés. Donc...

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    1. Oui je vais retenter l'univers de cet auteur avec un titre bien précis.

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  9. Un livre qui ne peut pas laisser indifférent. Pour ma part, c'est un coup de coeur, mais aussi un coup de poing que je déconseille aux personnes sensibles !
    Bon dimanche.

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    1. Tu as raison d'avertir le public de lecteurs. Bon dimanche aussi et merci de ton passage.

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  10. Je comprends ton ressenti, dû aux vacances sans aucun doute ;-)

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