Cendrillon - Joël Pommerat ****

Après avoir vu la pièce il y a fort longtemps (mais quel souvenir, quel souvenir !) et avoir chroniqué cet instant magique de théâtre ici même, je découvre le texte de cette masterpièce de théâtre grâce à Enna

Et c'est là que je me rends compte d'une chose : lire une pièce de théâtre et la voir incarnée au théâtre sont bien deux fabriques d'émotion différentes (bon, là j'ai aussi conscience d'enfoncer une porte déjà grand ouverte !). Et je me sens très chanceuse d'avoir pu les approcher.


Que dire de cette pièce géniale que je n'ai pas déjà dit. D'abord je comprends mieux les vociférations de la comédienne incarnant la belle-mère, future femme du père de la toute petite fille (Sandra, dite Cendrier, et accessoirement notre Cendrillon) dans la pièce de théâtre vue, parce qu'on peut dire que ce personnage ne cesse d'aboyer sur tout le monde qui n'est pas elle. Sa communication et son attitude sont violentes, grossières et vulgaires (oui, elle cumule.). Bref un personnage qui collectionne tout le pire complété du fait que le père de la toute petite fille se laisse mener par le bout du nez, sans réagir à part fumer en cachette : et cela reste un mystère pour moi, ce défaut de courage ! Ensuite j'ai retrouvé l'ambiance de la composition théâtrale et j'ai aimé lire l'œuvre originelle parce que je me suis fait mon propre film. 

Alors oui, cette redécouverte du texte est une belle surprise complémentaire de la représentation théâtrale. Parce qu'on y trouve une petite héroïne très chouette, à la fois trop naïve pour supporter tout ce qu'on lui demande de faire, et très futée sur les choses de la vie (quand elle a elle-même cheminé). J'ai aimé voir la faiblesse du prince, l'enthousiasme du roi, la douce folie de la fée (dont les pouvoirs ont faibli avec son grand âge). J'ai apprécié de lire la présence discrète quoique bête de Soeur la Grande et de Soeur la Petite. J'avais oublié l'absence d'identité de ces diverses personnalités définies uniquement par leur statut familial. Et oui, la pièce de théâtre actée a réservé l'équilibre attendu entre la belle-mère et la toute petite fille. Comme lors du spectacle j'ai vraiment apprécié la déconstruction et la revisite du conte de Charles Perrault par Joël Pommerat en gardant tous les éléments et en les associant à d'autres moments, d'autres personnages : la chaussure, la robe (de la mère), les travaux ménagers, les vitres. La chaussure et la robe deviennent alors des objets transitionnels pour rencontrer l'inconnu.e et se défaire d'habitudes liées à une absence non assumée. C'est moderne et réussi. Lire Cendrillon est vraiment accessible par le lexique moderne employé, compréhensible par tous : le langage et le discours emploient des tournures actuelles, non pompeuses. C'est aussi ce qui rend cette œuvre populaire, aussi intelligible dans sa construction qu'accessible dans son discours : elle y parle de deuil et de réserve mais aussi de tyrannie domestique et de harcèlement, elle y montre la violence et le jeu de pouvoir, comme dans le conte originel. Bref, du bel art (écrit et scénographique).

Éditions Babel

Emprunté à la bibliothèque

Merci Enna pour cette LC et pour ton excellent avis sur cette oeuvre !

et mon article sur Cendrillon de Joël Pommerat versus représentation théâtrale !

Et ma participation (catégorie Personnes célèbres : CENDRILLON) pour ma ligne du Petit Bac 2025 d'Enna