Sur une idée de Blogosth
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dans un parc à VANCOUVER |
À l'instar de l'excellent Malgré tout, Je suis leur silence présente une héroïne exubérante, qui fait fi des conventions et des convenances, une psy qui a besoin de suivi parce que borderline est son second prénom.
Eva est psychiatre et sujette à des troubles de personnalité(s). Suite à des bavures, elle est suivi par un de ses confrères chargé d'évaluer sa santé mentale et sa capacité de discernement. À l'occasion d'une séance, elle raconte la semaine vécue, une semaine riche en événements (une invitation tragique qui se finit en enquête).
Bien entendu, Je suis leur silence présente une héroïne haute en couleur, complètement frappadingue et qui ne cesse de dépasser les limites, en particulier déontologiques et légales. Son trouble justifie une attitude déraisonnable mais Eva est attachante et intelligente, capable de se mettre dans des situations embarrassantes voire dangereuses, qu'on lui pardonne tout. L'histoire est agréable à découvrir. On sent le travail bibliographique de Jordi Lafebre pour rendre son propos consistant, sur l'univers du vin, la maladie mentale et le commerce. Il y a aussi l'intervention de trois voix à découvrir mais si indispensables pour comprendre Eva. L'enquête menée est bien introduite et construite : le scénario est solide. Comme dans Malgré tout, j'aime les couleurs et le graphisme de Jordi Lafevre et j'admire son intelligence et son application à élaborer un univers recherché et riche, qui instruit son lectorat tout en le divertissant. A lire pour passer un beau moment de littérature.
Éditions Dargaud
Traduction de Geneviève Maubille.
Du même auteur : l'exceptionnel Malgré tout
Pour le rendez-vous chanson en langue française du mois de septembre 2025 qu'on vous propose avec Anne, vous trouverez une chanson contemplative et descriptive de Francis Cabrel. Une chanson presque naturaliste, qui prône les doux moments de partage en duo, avec des enfants pas très loin non plus ("quelques dessins sur la buée des fenêtres.").
Je pense que je ne vais pas justifier le choix de cette chanson : son titre suffit !
J'adore Octobre qui date de 1994, issue du sublime album Samedi soir sur la Terre de Francis Cabrel. J'y suis très attachée parce que cette chanson illustre et sublime le mois d'anniversaire de trois lumières de ma vie, des "enfants du Nord".
Le vent fera craquer
les branches.
La brume viendra dans sa robe blanche.
Y'aura
des feuilles partout,
couchées sur les cailloux.
Octobre
tiendra sa revanche.
Le soleil sortira à
peine.
Nos corps se cacheront sous des bouts de laine.
Perdue
dans tes foulards,
tu croiseras le soir
Octobre endormi aux
fontaines.
Il y aura
certainement
sur les tables en fer blanc
quelques vases
vides et qui traînent,
et des nuages pris aux antennes.
Je t'offrirai
des fleurs
et des nappes en couleurs
pour ne pas qu'Octobre
nous prenne.
On ira tout en haut
des collines,
regarder tout ce qu'Octobre illumine,
mes
mains sur tes cheveux,
des écharpes pour deux,
devant le
monde qui s'incline.
Certainement appuyés
sur des bancs,
il y aura quelques hommes qui se souviennent,
et
des nuages pris sur les antennes.
Je t'offrirai
des fleurs
et des nappes en couleurs
pour ne pas qu'Octobre
nous prenne.
Et sans doute on
verra apparaître
quelques dessins sur la buée des fenêtres.
Vous, vous
jouerez dehors,
comme les enfants du Nord.
Octobre restera
peut-être.
Vous, vous jouerez
dehors,
comme les enfants du Nord.
Octobre restera
peut-être.
Jean-Marc Rochette propose un roman graphique de toute beauté, mêlant Histoire, art, écologie, mystique et féminisme. Si les premières planches montrent un léger tâtonnement de l'auteur dans le récit peut-être lié à différentes directions possibles à l'histoire, le chemin final choisi laisse la place à des humanités singulières et touchantes, humaines comme animales.
Au-delà des thèmes abordés (la reconstruction d'un homme dont le visage a été saccagé lors de la Première guerre mondiale, l'affirmation des femmes dans le monde artistique, le respect de la nature côté ours), Jean-Marc Rochette présente une œuvre graphique splendide aux couleurs sombres comme l'époque décrite. Il affirme aussi un discours politique par l'intermédiaire de ses héros (le traitement des gueules cassées, en particulier). Dans La dernière reine, on retrouve, comme dans Le loup, le respect d'un territoire et de ses occupants, on respire la nature, on découvre la volubilité du monde artistique parisien du XIXe siècle (l'effervescence, l’exubérance, le temps des découvertes et des confirmations). L'histoire présentée est solide, complète tant dans son scénario que dans les images et les nuances chromatiques. Comme toujours, le sublime trait de crayon davantage dans l'esquisse des formes suffit pour l'imagination et la description des scènes. Un bel ouvrage que voilà.
Éditions Casterman
Du même auteur : Le loup
Le dernier thé de maître Sohô présente une jeune femme bien décidée à devenir samouraï et qui fuit un destin tout tracé. Sa quête va lui permettre de vivre le quotidien d'un maître d'arme vieillissant et qui a choisi un autre art d'émerveillement.
Le dernier thé de maître Sohô est une histoire agréable à lire : on plonge dans l'atmosphère du Japon (période du XIXe siècle) mêlant contemplation et honneur, luttes de pouvoir et silence de la nature. J'ai apprécié de lire la confrontation de la modernité et des gestes ancestraux. J'ai bien visualisé les scènes, j'ai apprécié les silences et la complicité entre le maître et l'élève, les dissimulations et la détermination. Le rite du thé est si bien décrit qu'on a envie d'en boire tout le temps. L'écriture de Cyril Gély est poétique et fluide. Je reconnais que je n'ai pas complètement adhéré à cette histoire, peut-être parce que le code d'honneur des samouraïs se prête peu au repentir ni à la bienveillance. À vous de voir et de lire.
Éditions Points
Du même auteur : le fantastique La forêt aux violons