La ligne de nage - Julie Otsuka ****

J'ai vraiment aimé le roman de Julie Otsuka : Certaines n'avaient jamais vu la mer. J'ai été émue par l'histoire de ces femmes japonaises débarquées aux États-Unis pleines d'espoir et finalement qui connaîtront pour une large partie d'entre elles la désillusion.

Je n'avais pas d'attente particulière pour La ligne de nage, sauf de ne pas retrouver le même contexte historique ou géopolitique, histoire de changer un peu. J'ai lu La ligne de nage et j'ai été happée, scotchée, et touchée (- coulée).

La ligne de nage débute par une série de portraits d'habitués d'une piscine : là où certains écrivains s'épanchent sur untel ou untel, Julie Otsuka fait le choix du groupe et identifie davantage les habitudes que les personnes. De cette exploration sociale, on retient surtout que ce haut lieu d'évasion et d'éveil sportif sert aussi à poser tout le monde sur un même pied d'égalité, à diminuer les effets esthétiques de l'apparence, à limiter le paraître et à valoriser davantage l'être dans les conversations de bassin et les communications à autrui. Parce que dans l'eau, tout le monde flotte, les bourrelets ne se voient pas ou peu, parce que les corps bougent et se mouvent au diapason, parce que l'eau ne distingue pas les catégorises sociales (contrairement souvent à l'habillement ou au matériel employé type smartphone, sac, montre), parce que dans l'eau on oublie tout et on se concentre sur l'essentiel : à savoir bien respirer, essentiel pour mieux nager, pour faciliter les mouvements de bras et de pieds, et pour se ménager physiquement. 

Sur toute une première partie, Julie Otsuka nous parle des rituels de chacun, perturbés par les pauses liées au nettoyage de la piscine ou les vacances, pauses vécues souvent comme des abandons. Et puis, il y a le choix de l'autrice d'une fissure qui achève de briser le collectif pour explorer une individualité ; d'une bascule vers une intimité, la plus fragile, celle qui oublie, celle pour qui ne plus avoir un rituel de piscine est une autre perte, et là l'autrice explore les liens de famille, de mère à fille, de fille à mère.

La ligne de nage est un très beau roman, écrit avec délicatesse et sensibilité, d'une autrice qui contemple notre monde et notre humanité. Si certains auteurs écrivent des essais ou des articles de journaux pour servir et décrire leurs observations de nos vies, de notre quotidien, Julie Otsuka a choisi la forme du roman : c'est tout aussi efficace et foncièrement intelligent. 

Éditions Gallimard
Traduction de Carine Chichereau

autres avis : ZazyCathuluTant qu'il y aura des livresJosteinAthalie,

de la même autrice : Certaines n'avaient jamais vu la mer.


15 commentaires:

  1. Une autrice que je n'ai pas encor lue. Je vais voir ce roman est à la bibliothèque.

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    1. Si tu ne le trouves pas, je t'envoie mon exemplaire, si tu veux.

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  2. Pas lue non plus, ce n'est pas faute d'en avoir entendu parler en bien. Le sujet n'est a priori pas très tentant, mais à te lire, c'est réussi.

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    1. Oui, j'ai bien aimé lire ce livre : il m'a transportée dans tous les sens du terme (j'ai nagé avec les sportifs du dimanche et j'ai plongé avec le couple familial).

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  3. Comme toi j'ai beaucoup aimé Certaines n'avaient jamais vu la mer, cette écriture en flux brossant un portrait collectif à partir d'un amalgame d'intimités.. je ne connaissais pas le sujet de celui-là, mais autant dire qu'en tant que nageuse régulière (bien que très amatrice !), je suis preneuse !

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    1. Je trouve que Julie Otsuka a une vraie patte littéraire avec une écriture vraiment qui me plaît beaucoup, une réelle justesse (une acuité du monde dans lequel on vit). Ce qu'elle écrit me touche. J'ai lu deux romans d'elle et à chaque fois, je suis scotchée.

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  4. Il me tentait moins que Certaines n'avaient jamais vu la mer en son temps, (lu et aimé) mais à te lire, je dois le noter pour l'emprunter en médiathèque ! (un de plus)

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  5. J'avais beaucoup aimé Certaines n'avaient jamais vu la mer. Alors pourquoi pas.

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  6. Bonsoir,
    Un livre bouleversant effectivement.
    Je n’ai toujours pas trouvé son 1er, Quand l’empereur était un dieu, il faut que je me mette en quête.
    Anne

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  7. Je garde un très bon souvenir de Certaines n'avaient pas vu la mer. Ce livre serait une belle occasion de revenir à cette autrice. Son sujet est original en tout cas.

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  8. j'ai bien aimé Certaines n'avaient jamais vu la mer, il faudrait que j'essaye!

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  9. Je l'ai "lu" en audio (ce qui n'est pas ce que je préfère) et j'ai abandonné !

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  10. J'ai beaucoup apprécié aussi "Certaines n'avaient jamais vu la mer" que j'ai lu, il y a un sacré bout de temps maintenant. J'en garde néanmoins un souvenir assez prégnant. Je note ce titre aussi.

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