En ce moment, j'enchaine les beaux moments de lecture. Disons que je ne m'attarde pas non plus dans les lectures que je ne sens pas : je les abandonne de plus en plus vite, quand le style ne me convient pas, quand je sens que le propos est mal barré, que l'adhésion ne va pas se faire.
Mais là, je n'ai pas été inquiète en abordant Plus loin qu'ailleurs grâce aux avis très convaincants de Jérôme et de Noukette. Et comment vous dire ? J'ai beaucoup aimé !
Chabouté nous présente un héros ordinaire, comme souvent chez cet auteur, me
direz-vous. Un qui ne prend jamais de vacances et qui se décide pour un
séjour en Alaska en version trek de groupe. Un héros du quotidien, qui
vit un rythme inverse de celui de ses contemporains : il se couche quand
d'autres se lèvent, il vit dans un quartier dont il ne connaît pas les
habitants, ne voit pas ou peu les magasins ouverts, son lieu de travail
se réduit à l'accueil en sous-sol d'un parking souterrain. Bref,
Alexandre Bouillot veut casser ce rythme et vivre au grand air : 15
jours de blanc, de frais, de vrai. Quinze jours qui vont bouleverser sa
vie et sa vision du quotidien. Let's go !
Plus loin qu'ailleurs est un titre magnifique qui prend tout son sens à la lecture de ce roman graphique fait de noir et blanc et d'un peu de couleurs (pour les idées, les réflexions, les résumés). Dès le départ,
Chabouté nous surprend et nous propose une plongée analytique, tantôt thématique, tantôt chromatique de ce voyage. Avec douceur, humour et poésie, l'auteur réussit son propos : celui de nous évader, de nous faire (re)découvrir, celui d'emprunter le lexique du voyage et de transposer chaque vison plus connue mais pas forcément mieux appréciée en une autre attendue mais revisitée, tout cela avec l'aide de guides hautement consultés. Avec
Chabouté, avec
Plus loin qu'ailleurs, on ouvre grands les yeux et on attend avec impatience ce que les quêtes du jour d'Alexandre vont donner, comment elles vont se conclure... toujours avec maestria ! Bref,
Plus loin qu'ailleurs est un roman graphique très réussi. Les couleurs rares et posées avec parcimonie pour éclairer un détail, relèvent le quotidien, permettent de faire bouger les lignes de dessin, de vie, de discours. J'ai aimé l'évolution de la relation avec l'ours, les animaux de papier, les messages imagés pour compléter un décor que plus personne ne voit, la conversation et les échanges muets entre Alexandre et une hôte par lectures interposées. J'ai aimé l'analyse des comportements des autochtones, leur aspiration des nouvelles technologies, le choix de leurs chaussures, les animaux environnants. Cette intrigue m'a rappelé la revisite du réel d'un personnage de
Tananarive de
Sylvain Vallée et
Mark Eacersall. Voilà, avec un scénario qu'on pourrait conclure d'ordinaire,
Chabouté en a fait un traitement bourré d'intelligence et de sensibilité, une belle acuité sur le monde qui nous entoure, à l'image de son œuvre magistrale. À lire (et à découvrir pour les personnes qui ne connaissent pas encore ce grand auteur de romans graphiques).
Édition Vents d'Ouest
Autres avis : Jérôme, Noukette,
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