[BD] Musée - Chabouté ****

C'est fou d'imaginer une telle vie nocturne dans un musée parisien comme le fabuleux musée d'Orsay. C'est fou et c'est qu'a fait le sieur Chabouté dans le très bel opus Musée si joliment nommé ! 

Alors oui, le musée vit la nuit et il s'en passe des choses : des querelles à n'en plus finir, des tests d'un espace usager bien énigmatique, des moments pour se raconter la journée, des retrouvailles touchantes le temps de quelques heures, une quête du regard de nuit comme de jour, des gossips aussi... Et puis, il y a le jour, avec les visiteurs et leur pratique toute personnelle d'observer l'art, leur étonnement, leur surprise, leur rejet, leur questionnement. Il y a parfois des détails de cadre qui préoccupent davantage que l’œuvre cernée. Tout ce microcosme foisonnant de jour comme de nuit fait de ce musée une mosaïque humaine et artistique.

Clairement quand on referme ce livre, on a surtout envie de découvrir ou de retourner voir le musée d'Orsay qui vaut pour son cadre d'exposition et bien entendu, pour la richesse des œuvres qu'il expose : je ne suis pas objective, j'adore ce musée (sa collection fantastique de toiles impressionnistes, les autres œuvres, son horloge, ...), j'aime y déambuler et l'imaginer avant lors de son autre usage (dédié aux transports). 

Chabouté a su sublimer ce lieu, le raconter et décrire son appropriation par la foule curieuse de visiteurs, et nous propose une immersion toute douce en noir et blanc. Il ne s'essaie pas à la copie, il suggère et met en mouvement. C'est bien et intéressant.

Je dois cette lecture grâce à l'avis d'Enna : merci, Enna

Éditions Vents d'Ouest

Autres avis : Enna, Violette, 

Du même auteur : Construire un feuFables amères - De tout petits riens - Pleine lune - Plus loin qu'ailleursQuelques jours d'été - Terre-Neuvas - Tout seul - Un peu de bois et d'acier  

 

[BD] Astérix en Lusitanie - Fabcaro (scénariste ) et Didier Conrad (dessinateur) [entre *** et ****]

J'ai passé un bon moment à découvrir Astérix en Lusitanie. J'y ai grandement apprécié les noms et prénoms des nouveaux personnages (et de nombreuses fois, j'ai gloussé à les lire, c'est dire !). J'ai redécouvert notre Obélix qui révèle un talent de comique que je ne lui connaissais pas : merci, Obélix, d'être toi, avec ta naïveté si chouette, ton sens de la répartie, ta mauvaise foi(e de morue). 

Voilà, après un début un peu light et un scénario qui aurait mérité un peu plus de consistance au niveau de l'intrigue principale, Astérix en Lusitanie prend son envol portugais et suit un mythe relevé par les jeux de mots et les clins d'oeil dynamiques : certains sont datés et font référence à des métiers qui n'existent plus (comme celui de présentatrice de programmes de télévision par exemple) mais la plupart sont accessibles à tout public. Les pirates ont un petit rôle, le fado devient une arme de guerre, la mélancolie propose de belles envolées lyriques (n'en déplaise à Assurancetourix, qui n'est pas là pour le voir ni l'entendre.), les délicieux pastels de nata sont des armes de destruction/gustation massive. Le régime alimentaire de morues ne convient pas à notre Obélix qui vit mal cette mission top secret de sauver Mavubès, injustement accusé d'empoisonnement, surtout s'il faut toucher un peu à ses tresses. On voit l'effort sur le vocable, j'aurais bien aimé un jeu de mots sur le "merci" portugais si typique de cet idiome. Les dessins sont chouettes et dans la continuité des précédents Astérix. Bien sûr, on n'évite pas les clichés pour mieux s'en moquer et les dégommer : tout cela est bienveillant sans être irrévérencieux.
 

Bref, Astérix en Lusitanie est sympa à découvrir : cet album m'a fait du bien et c'est bien là, le principal, surtout en ces temps de morosité ambiante. Alors un grand merci à Fabcaro qui a relevé le défi du second tour et à Didier Conrad de faire perdurer cette série qui est ma madeleine de Proust.

Éditions Hachette

Autres avis : Dasola

Des deux auteurs réunis (Fabcaro et Didier Conrad) :  le très bon album d'Astérix L'iris blanc 

De Fabcaro tout seul :  Le discours, Zaï zaï zaï zaï

Tant mieux - Amélie Nothomb ****

J'ai apprécié de lire Tant mieux, le dernier roman d'Amélie Nothomb et j'ai apprécié de le lire sans saisir le contexte d'écriture (et pourtant, ce n'est pas faute de la part de l'autrice de ne rien cacher de sa genèse, au nombre d'interviews effectuées lors de la promotion de ce nouvel opus.). J'ai apprécié de découvrir cette histoire riche et nourrie, cohérente dans son ensemble. J'ai trouvé les personnages creusés, j'ai apprécié les ambivalences et les secrets, les double vies et les non-dits. J'ai apprécié aussi de ne pas aimer tous ces personnages décrits, de ne pas être attendrie (et qui pourrait l'être face à certaines monstruosités ?). Parce qu'Amélie Nothomb nous montre déjà un problème initial de taille : celle d'une mère qui laisse une jeune enfant (4 ans) en garde estivale à sa propre mère non reconnue pour son talent de bienfaitrice et mère aimante. Et déjà ce nœud sert à la fois d'entrée et d'introduction dans un univers malsain. J'ai apprécié le travail scénaristique de l'autrice pour aborder toutes les facettes de ses personnages essentiellement féminins, pour raconter une histoire dans l'intimité d'une famille meurtrie et délétère, sous fond d'une guerre qui a détruit les âmes sur les champs de bataille et dans la cité. En fermant Tant mieux, je n'ai qu'un regret : le choix d'Amélie Nothomb d'avoir édulcoré la relation de couple Astrid-Donatien. Avec Tant mieux, je ne regarde plus les cuillères en bois comme simples ustensiles de cuisine.

 

Grâce à Tant mieux, on comprend mieux l’œuvre globale d'Amélie Nothomb, son attirance (attraction) à parler du morbide et de monstres, à les créer et à les analyser, sa fascination et sa répulsion face à la nourriture (son manque d'équilibre aussi). Certains traumas à défaut de réparations sont supportés à force de thérapies et de médicaments, plus ou moins bien, plus ou moins mal ; d'autres sont supportés et deviennent résilients à travers la création artistique qui peut prendre différentes formes (littéraire, picturale, cinématographique etc.) Amélie Nothomb a fait le choix de psychanalyser son essence et ses troubles familiaux par la création littéraire, par son effervescente production : qu'elle continue !

Éditions Albin Michel. 

De la même autrice : Frappe-toi le coeur - Les aérostats - Le livre des soeursRiquet à la houppe Soif -  

[Jeunesse - Théâtre] Cosimo - Jean-Yves Ruf ***

Suite à une dispute familiale, le jeune Cosimo prend la décision de la hauteur : celle de vivre dans les arbres, pour s'éloigner d'une brute de père et d'une famille défaillante, et d'une voisine malveillante. Raconté par Biagio (le frère, celui qui encaisse pour soulager son frère) et Viola (la voisine au défi improbable, Cosimo s'adapte à sa nouvelle vie, étend son territoire, osculte la nature, adopte un nouveau langage. Les semaines passent et tout le retient. 

 

Cette pièce de théâtre présente un langage familier, accessible pour tous. Largement inspiré de Le Baron perché d'Italo Calvino, Cosimo fait preuve de modernité. On sent bien que le héros (même si on entend peu ses sentiments et ses émotions) a choisi l'isolement comme protection, malgré un entourage fraternel attentif (du moins du côté du frère). J'ai apprécié les étapes d'appropriation du nouvel environnement, l'état contemplatif de Cosimo des arbres et des autres "habitants". J'ai été un peu moins fan de l'atmosphère oppressante et malveillante à son égard que ce soit de la part de la famille et de Viola (tout au moins au début), même si cela peut se comprendre, car cette histoire relève bien d'un conte, souvent cruel pour son héros ou son héroïne. L'auteur Jean-Yves Ruf indique s'être largement inspiré des improvisations des comédiens et comédienne qui ont incarné les rôles. J'ai trouvé le traitement intéressant et cohérent. Toutefois, l'âge cible "à partir de 9 ans" me paraît un peu prématuré.  

Éditions Lansman Jeunesse 

Service de presse lu grâce à la Masse critique Littérature de Babelio en partenariat avec les éditions Lansman Jeunesse : je les remercie pour cet envoi et de cette découverte très intéressante, qui m'a sortie de ma zone de confort.

Et ma participation (catégorie PRÉNOM : COSIMO) pour ma ligne du Petit Bac 2025 d'Enna

 

 

DJ Bambi - Audur Ava Olafsdottir (entre **** et *****)

DJ Bambi est une oeuvre importante d'Audur Ava Olafsdottir, certainement la plus politique, celle où l'autrice réussit avec talent à nous faire vivre les émois, les questionnements, la souffrance continuelle de vivre dans un corps - celui de naissance - qui ne correspond pas à son genre le plus intime, à son identité. Dans DJ Bambi, on écoute la voix de Logn, né V., ses tourments, sa vie, ses espoirs d'opération. Par son prisme, on découvre son itinéraire familial et amoureux, la déflagration dans son cercle le plus intime de son identité réelle, le rejet d'un grand nombre (mère, sœurs, fils, ex-femme) et l'affection continuelle du jumeau (celui qui a tout compris depuis le début). 

 

DJ Bambi est un livre inspirant sur l'identité de genre, sans tomber dans le grotesque, ni dans la mièvrerie. Avec délicatesse et intelligence (comme toujours), Audur Ava Olafsdottir dresse un beau portrait d'une femme née avec les attributs d'homme, qui n'aspire qu'à être elle et à être reconnue comme telle. Beau et essentiel. 

Éditions Zulma 

Excellente traduction de l'islandais d'Éric Boury

Autres avis : Cathulu, Jostein

De la même autrice

Et ma participation (catégorie MÉTIER : DJ Bambi) pour ma ligne du Petit Bac 2025 d'Enna