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[Audiolivre] Riquet à la houppe - Amélie Nothomb ****

Je crois que j'ai trouvé le bon moment et le bon endroit pour découvrir par les oreilles l’œuvre Riquet à la houppe d'Amélie Nothomb : balades en bord de mer avec le soleil sur le visage et parfois un peu le vent pour le côté fraîcheur. Je crois aussi que ce conte revisité par l'autrice belge met en valeur ses mots corrosifs à souhait, son humour fantastique, sa façon de contourner et de tacler avec précision et délicatesse les âmes grincheuses, malveillantes et malfaisantes. Je crois surtout que cette histoire permet d'apprécier la plume de cette autrice prolifique, peut-être plus que d'habitude, et d'une même intensité que lors de Hygiène de l'assassin (qui à ce jour est le livre que j'apprécie le plus d'elle).

Du conte de Charles Perrault, Amélie Nothomb a gardé le titre, le héros (Déodat) bossu et laid à l'intellectuel et au phrasé exceptionnels, une héroïne (Trémière) aussi belle que contemplative et naïve : deux âmes pures ébranlées par un monde cruel dans sa réalité, ébranlées mais fortes. Et c'est toute la puissance de ce récit : sa bienveillance à l'égard de ces deux héros entourés d'amour par leurs proches, la foi persistante en leurs capacités à surmonter les chagrins, les sobriquets et les mesquineries des plus petits qu'eux, leur résilience à dépasser chaque épisode traumatique avec plus ou moins d'aide extérieure. 

Dans Riquet à la houppe, Amélie Nothomb quitte le monde des princes et des princesses, pour celui des oiseaux et des bijoux, mais garde la magicienne-sorcière. Comme toujours chez elle, les personnages ont des prénoms insolites : Déodat, Trémière, Lierre, Passerose, Enide, Honorat...avec toujours cette acuité de jouer avec les mots (déo, crémière). Le phrasé est impeccable et le tout est absolument cohérent.

Le choix d'Amélie Nothomb de réserver un temps certain et unique à Déodat et à Trémière et d'alterner les scènes concernant leur évolution à la fois spirituelle et sociale renforce l'urgence de leur rencontre. Par ce roman, l'autrice aborde aussi les premiers émois amoureux mais également le choc des cultures (entre les environnements familiaux de Déo et de Trémière et ceux de leurs congénères.).

La version audio de ce Riquet à la houppe sert parfaitement l’œuvre. La lectrice, Anne Kessler, incarne la lecture, use des respirations, du souffle pour appuyer les temps de conjugaison, pour mettre en valeur les saillies verbales très fines de Déodat et respecter les silences de Trémière. J'ai ri, j'ai souri, je me suis attachée à ces deux héros distants de notre monde mais dont la particularité, l'innocence et la poésie, leur questionnement et leur recul pertinent, les rendent d'autant plus précieux. J'ai apprécié le chapitre 12 des notes de l'autrice qui prolongent la lecture et rendent la fin un peu moins brutale. 

Je verrai très bien le metteur en scène Joël Pommerat réinterpréter et réincarner le conte nothombien de Riquet à la Houppe et je pense que ce serait également une réussite et une plus-value artistique : je pense même que ce metteur en scène en ferait une petite perle scénographique. Parce qu'Amélie Nohomb a profondément modernisé le conte originel sans minorer la portée ni défaire le discours initial. Et cette réincarnation est intéressante et s'inscrit aussi dans ce que peut proposer Joël Pommerat au théâtre. Du bel art.

Des images à retenir : un cercle de craie effroyable, une table de kinésie sportive, des oiseaux modélisants. 

Éditions Audiolib

Lecture par Anne Kessler

Emprunté à la bibliothèque.

 Ma participation pour le mois de mai 2024 au super challenge Écoutons un livre de Sylire

 de la même autrice : Frappe-toi le coeur - Les aérostats Soif 

[Audiolivre] Tant que le café est encore chaud - Toshikazu Kawagushi ***

Dans un café de Tokyo, il y a une place réservée qui permet de revenir dans le passé sans perturber le présent, et à condition de commander un café et de ne pas attendre que celui-ci refroidisse, à condition aussi que la place soit libérée par une personnalité hors du commun. Dans ce café donc connu pour cette place de choix, plusieurs personnes vont montrer un intérêt à régler quelque part de leur histoire.  

Tant que le café est encore chaud est une histoire charmante qui connaît un succès public important!. La version audio de ce roman le rappelle en quatrième de couverture  : plus d'un million d'exemplaires vendus au Japon, je n'ose imaginer ce qu'il en est ici en France et dans les autres pays libres du monde. Parce que finalement cette histoire est transposable à tout sol respectant le droit des femmes à disposer de leur corps, à exercer une profession, à être autonome : dans ce récit, il n'y est pas question de culture purement japonaise. Ainsi l'auteur Toshikazu Kawagushi accède d'une certaine façon à l'universalité de son histoire et renforce l'envie toujours présente pour un humain de revivre une scène passée pour la compléter, d'oser dire ce qui a été tu. Ici, la contrainte imposée porte la frustration à son comble : on a le droit de revenir sur un moment vécu dans ce café, on a le droit de compléter ou de questionner, mais à condition de ne rien perturber du futur de ce passé, c'est-à-dire du présent. Alors on pourrait se dire : à quoi bon cela sert-il de revenir sur ce qui fut ? Le roman répond en partie à cette question fort judicieuse.

Dans Tant que le café est encore chaud, on y découvre de personnalités féminines intéressantes qui font des choix affirmés ou les subissent, mais montrent aussi une ouverture d'esprit, un cheminement. Sans rien dévoiler de cette intrigue, Tant que le café est encore chaud explore les relations de couple amoureux et/ou installé en proie à une forte évolution, de filiation, de sororité. C'est un récit classe, délicat où la relation humaine est apaisée, malgré les divergences. 

Voilà j'aurais pu être enthousiaste, j'ai passé un moment sympa de lecture, mais j'ai été stupéfaite par la version audio de cette œuvre originelle. Je n'ai pas compris le choix éditorial d'un lecteur pour un roman à fortes expressions féminines. Philippe Spiteri a une bonne diction et défend le texte avec conviction et engagement mais ses "aigus féminins" m'ont paru dérailler un peu et j'ai trouvé qu'il manquait des nuances entre les différentes interventions féminines. Bref je n'ai pas été convaincue par l'oral et je précise bien l'oral parce qu'heureusement le texte rappelle régulièrement le nom de chaque protagoniste pour qu'on ne s'emmêle pas les pinceaux. 


Tant que le café est encore chaud a une suite. Mais je vais en rester là. 

Éditions Audiolib

Traduction de Miyako Siocombe

Lecture de Philippe Spiteri

Emprunté à la bibliothèque


[Audiolivre] Les aérostats - Amélie Nothomb ***

Les aérostats propose une rencontre entre un adolescent dyslexique et malaimé (Pie) en proie au décrochage scolaire, et une jeune étudiante en philologie (Ange) qui lui assure des cours particuliers de littérature. Ange va ouvrir la culture de Pie et lui proposer de sortir de l'ornière et accessoirement du domicile familial, par la fréquentation de grands classiques et autres musées. Mais le père de Pie veille et voit d'un mauvais œil l'émancipation intellectuelle et physique de son rejeton.


Comme dans de nombreux livres chez Amélie Nothomb, il réside dans Les aérostats une ambiance assez malsaine : elle n'est pas palpable au début mais se découvre au fur et à mesure. Personne n'est épargné, personne n'est une oie blanche. Les aérostats est une œuvre parmi tant d'autres de cette écrivaine prolifique : on y retrouve son intérêt pour l'abject et la folie. Dans de nombreuses œuvres d'Amélie Nothomb, les valeurs sont inversées, tout est excusable (même les pires horreurs) quand un contexte de tension et de pression le justifie. Et cela me dérange profondément. 

Malgré tout, j'ai apprécié de découvrir ce roman par les oreilles, pour cette rencontre dont j'espérais peut-être plus d'étincelles : il y en a quand même, le duo Ange - Pie vaut son pesant de cacahouètes. Mais j'ai été déçue par la fin que j'ai trouvée peu plausible car pas assez travaillée. Je pense que, sans la version audio et la voix de la lectrice Françoise Gillard, je ne serai pas allée au bout de l'histoire. 

Une lecture en demi-teinte donc, et je le regrette vraiment profondément parce que j'aime l'inventivité d'Amélie Nothomb, sa capacité à me transporter dans un univers (elle y arrive bien) avec des dialogues souvent savoureux. Le scénario de Les aérostats manque de robustesse et de consistance : l'entame d'histoire tient la route, le milieu est mou, la fin est faible. Dommage, vraiment dommage !

Éditions Audiolib

Lectrice : François Gillard

Emprunté à la bibliothèque

 Ma participation pour le mois de février 2024 au super challenge Écoutons un livre de Sylire

[Audiolivre] La tresse - Laetitia Colombani ****

La tresse est un livre que j'ai beaucoup offert avant même de le lire. Cela ne m'arrive pas souvent, mais il est clair que le succès public de ce roman et la représentation que j'en avais (lecture accessible pour un plus grand nombre et qui permet de s'évader) m'ont bien motivée à l'offrir en cadeau. Bizarrement, j'ai aussi tourné longtemps autour sans me décider à le découvrir par moi-même, je n'avais pas une franche envie de le lire par les yeux et je ne m'explique pas cet état de fait. Heureusement, ma bibliothèque préférée a proposé cette histoire en version audio et là, ma réticence a complètement flanché. 

Verdict : lecture très sympa, qui mérite son succès large et d'estime.   

La tresse dresse le portrait de trois femmes (et une petite quatrième en devenir) : Sarah, working girl dans un bureau d'avocats canadiens, qui mise tout sur sa carrière ; Smita indienne intouchable qui rêve d'un autre avenir pour sa fille que celui de torcher les toilettes de plus riches qu'elle, et Giulia héritière italienne d'une entreprise familiale de confection de perruques. 

Trois destins avec en commun la lutte, l'envie d'en découdre face au mutisme et au corporatisme, d'innover une activité brinquebalante, pour acquérir l'émancipation tout court, le droit de penser par soi-même, le droit de maîtriser son destin. Écrit comme cela, on pourrait y lire une bluette gentillette et on pourrait complètement rester sur cette idée-là. 

Mais ce que soulève le récit de Laetitia Colombani est l'ode aux résistantes, aux femmes qui ont fait bouger les lignes pour elles-mêmes mais souvent pour d'autres femmes par sacrifice (parce qu'elles n'ont pas eu le temps de voir évoluer les choses, les choses évoluant très lentement par rapport aux cerveaux de ces précurseuses et à leurs aspirations), et tout cela à leurs risques et périls. 

Ce que relève également subtilement l'autrice, c'est que l'état de malade chronique est davantage renvoyé et amplifié par le comportement des autres, de l'environnement, souvent sans volonté de nuire (mais plutôt par souci de bienveillance et d'inquiétude partagée sur l'état de santé). Mais l'hyperprotection qui s'opère maintient alors le malade dans sa condition de malade sans que celui-ci puisse espérer être vu autrement - malgré son courage, sa volonté de dépasser la douleur des traitements -, et conditionne une succession de comportements négatifs : dépréciation de sa valeur professionnelle, impossibilité d'accéder à une revalorisation ou une augmentation hiérarchique,... Aussi, il n'est pas surprenant que certains hésitent à annoncer être atteints d'une maladie lourde. Non pas parce qu'ils en ont honte (comment pourrait-on se reprocher quelque chose qu'on subit ?) mais parce qu'ils ne supporteraient pas de vivre le regard d'apitoiement, de subir l'attention constante et le rattachement systématique à sa santé de la part de proches (ou de moins proches), voire de subir une discrimination professionnelle honteuse et injuste. 

La tresse est un beau roman féminin et féministe : il y montre des femmes maîtresses de leur destin, épaulées parfois par des hommes qui ont tout compris. J'ai aimé y découvrir ces trois guerrières : la première qui va sauver une entreprise familiale grâce à une collaboration improbable, désavouée au départ mais salutaire, la seconde va faire preuve d'un courage immense et se battre sur plusieurs fronts (la maladie, le procès), la dernière va montrer la voie du savoir et des chemins de traverse à une petite fille, son héritière.

Séquençant son récit en alternant les voix et les itinéraires, Laetitia Colombani propose un dernier personnage en interlude : celui d'une tisseuse qui m'a rappelée singulièrement et peut-être à tort, les Parques romaines, celles qui décident du destin d'autrui. 

Une image retenue : celui d'un vélo abandonné au bord du chemin.

Un bémol : j'ai mois aimé l'image du don de cheveux qui se monnaye ensuite. Mais c'est certainement une question culturelle et aussi de redistribution de richesse. 

Les trois lectrices font très bien le job : Laetitia Colombani (l'autrice elle-même), Rebecca Malder et Estelle Vincent. C'était essentiel de prendre trois voix différentes pour représenter ces trois belles voies féminines. 

Le roman La Tresse a été adapté au cinéma.

Éditions Audiolib

Lecture par Laetitia Colombani, Rebecca Malder et Estelle Vincent

 Emprunté à la bibliothèque

Autres avisAlex, Eimelle ,Gambadou

 Ma première participation pour le mois de janvier 2024 au super challenge Écoutons un livre de Sylire


[Audiolivre] Dîner à Montréal - Philippe Besson ***

Dîner à Montréal est le second roman que je lis de Philippe Besson, second livre après L'arrière saison dont je n'ai plus aucun souvenir (à part la première de couverture qui reprend un bout de l'œuvre Nighthawks d'Edward Hopper que j'aime bien).

Comme son titre l'indique, Dîner à Montréal, est un huis clos à quatre personnes le temps d'un repas, un quatuor amoureux policé et digne, au cours duquel certains sentiments insuffisamment dits dans le passé peuvent enfin s'exprimer.

Ce qui ressort de cette lecture de mon côté est mon admiration du style d'écriture de Philippe Besson, précis, authentique et à découvert. C'est appréciable même si la partie de l'attirance de son personnage principal pour les jeunes corps m'est difficile à entendre même si Philippe Besson n'y décrit pas de situations choquantes ou amorales dans ce texte : c'est ainsi, je n'y peux rien, c'est une question de goût, de principes et de valeurs : j'ai du mal à ne pas y voir un certain égoïsme, une captation d'une jeunesse en devenir par un vieux loup qui n'arrive pas à accepter le vieillissement, qui rêve de jouvence, de revivre les premiers émois à travers le regard de l'autre plus jeune, tout en emportant cet autre dans une relation pépère qui va forcément l'empêcher de vivre des instants légers et anecdotiques.  

Philippe Besson écrit bien, je le reconnais, mais je n'ai pas été chamboulée par l'histoire : l'analyse des sentiments est correctement menée mais ce côté d'entre soi m'a paru nombriliste et restreint sans atteindre l'universalité. Je ne me suis pas projetée hors de cette intrigue, j'y ai vu deux couples et des hommes qui s'auto dissèquent, un temps de retour sur une rupture qui n'a pas dit son dernier mot ; j'ai lu des dialogues qui étaient le passé commun de deux personnages (un écrivain, un businessman), leurs émotions, leur évolution, leurs prises de tête. Le style est là, le scénario tient la route, l'analyse du sentiment amoureux, la formation d'un couple, son impact sociologique et l'intrusion du lecteur dans cette intimité sont clairement et bien exploités. Mais je suis restée complètement à côté des sentiments des héros, j'ai manqué d'empathie et d'intérêt à leur égard. Sûrement une question de timing de lecture et d'un ennui qui s'est installé au fur et à mesure d'une soirée qui s'éternise. Tant pis !

Je ne regrette en rien la version audio de cette œuvre. Il est très probable qu'elle ait participé à ma poursuite de la découverte de Dîner à Montréal : je ne suis pas certaine que j'aurais eu la même patience à poursuivre la lecture écrite. La voix du lecteur Patrick Donnay y est pour beaucoup : classe, distinctive, elle module les tons des différents personnages (les deux hommes précités, une femme, un autre homme) et transmet les émotions étouffées.

Editions Lizzie

Lecteur : Patrick Donnay

Emprunté à la bibliothèque

 Ma troisième participation pour le mois de novembre 2023 au super challenge Écoutons un livre de Sylire

[Audiolivre] Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier - Patrick Modiano ****

Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier de Patrick Modiano s'inscrit dans la lignée thématique de ce qu'il écrit, avec une trame intéressante : avec un démarrage en roman noir, il se redéfinit en simple enquête ; une recherche d'un nom oublié devient l'occasion d'un retour sur le passé. 

Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier offre deux compréhensions : celle d'une narration linéaire (un homme sommé par un couple un peu louche qui a récupéré son carnet oublié de retrouver l'itinéraire d'un enfant), la métaphorique (la conscience d'un homme qui remet les choses à plat sur son passé et son identité propre, sur un pan oublié de son enfance qu'il a occulté mais qui l'a forgé). 

Comme toujours chez Patrick Modiano, les personnages montrent une certaine ambiguïté, un caractère un peu louche, difficilement cernable. Comme d'habitude, l'auteur retranscrit une atmosphère du mystère et des silences, des non-dits et des secrets, des fêtes et transactions de natures diverses, d'une femme qui se découvre maternelle, d'un enfant qui n'attend qu'à être aimé et chouchouté. 

J'ai bien aimé entendre ce livre, de découvrir le revirement de l'histoire à la fois dans sa forme littéraire et dans la bascule de la chronologie (une plongée du présent dans le passé), avec une plume sincère, sensible, délicate et précise, avec toujours cette générosité et cette simplicité qui la caractérisent.

Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier présente une dernière scène d'une grande sensibilité, juste magnifique de réconfort et de réconciliation à soi-même, un abandon très beau. 

Du bon, du très bon Modiano.

Editions Gallimard - Ecoutez lire

Lecteur : Jean-Pierre Lorit 

Emprunté à la bibliothèque

 Ma seconde participation pour le mois de novembre 2023 au super challenge Écoutons un livre de Sylire

Du même auteur : Catherine Certitude - Dora Bruder -  Encre sympathique - Rue des boutiques obscures - Souvenirs dormants - Un pedigree - Villa triste 

[Audiolivre] Marie Curie prend un amant - Irène Frain (entre **** et *****)

Marie Curie prend un amant offre une lecture salutaire. À travers cette biographie romancée mais ô combien documentée par une bibliographie riche et par une enquête minutieuse des correspondances épistolaires, Irène Frain informe son lectorat, l'immerge dans la France parisienne des années 1910, à la fois conservatrice et violente dans certaines mœurs sociales mais aussi innovatrice (en sciences et en arts, notamment). Une France du qu'en-dira-t-on qui scrute son prochain (d'autant plus s'il a des origines étrangères), qui vilipende les comportements qu'elle ne juge pas dans la norme lâchant et autorisant les chiens à salir la réputation d'autres, une France qui dissèque l'intimité mais dans laquelle vivent aussi des communautés resserrées et bienveillantes d'intellectuels (littéraires, scientifiques, parfois les deux). Une capitale multiple, à haut potentiel intellectuel et culturel, en perpétuel mouvement, en effervescence nationale et internationale, au gré des découvertes majeures qui s'opèrent en ce temps-là. Une France où tout est possible, même le pire.

Comme son titre l'indique, l'opus d'Irène Frain nous propose une version romancée mais certainement très proche de la réalité marie-curienne, de sa vie de chercheuse, de sa vie d'amante (de son mari et puis d'un autre). Quoi dire d'autre sur l'excellence de cet écrit, riche, très bien rédigé, qui redit la haute lutte qu'a menée Marie Curie comme scientifique femme à s'imposer malgré son immense talent, malgré les insultes et les humiliations subies dont la non-reconnaissance de l'Académie des Sciences (au profit d'un homme Édouard Branly), une académie qui aura raté le coche de la modernité (en refusant l'élection de membre à cette femme, et quelle femme, double prix Nobel, excusez du peu.). Cette femme intelligente, Marie Curie, a vécu entourée de gens qui l'ont aimée, l'ont estimée, a fondé une famille et a subi une presse rageuse (fort heureusement, pas si unanime).

De cette lecture, je suis sortie bouleversée par le parcours, le sillon large que Marie Curie a construit tout au long de sa vie (pour elle, pour d'autres femmes), consciente de cette autonomie qu'elle a su imposer à ses deux filles en matière éducative, de cet amour éternel qu'elle a voué d'abord à Pierre et puis à l'autre dont je tairai volontairement le nom. Marie Curie prend un amant parle d'une femme unique qui a fait évoluer la cause féminine à ses dépens, par respect des valeurs qu'elle a toujours incarnées au quotidien : liberté, égalité et fraternité. 

Écrit subtile et instruit, Marie Curie prend un amant mérite d'être lu ou entendu (comme ce fut mon cas). J'ai apprécié l'écriture fine d'Irène Frain, ses précisions, ses interprétations, ses hypothèses, sa volonté de rendre hommage sans paraître hagiographe. Le choix aussi d'aborder en courts chapitres sans suivre une progression linéaire rythme la narration et motive la concentration. La lectrice Hélène Lausseur à la diction impeccable sait appuyer les moments de tension : l'écoute a été très agréable. 

Juste deux mots : Formidable et essentiel.

Éditions Sixtrid

Lectrice : Hélène Lausseur

Emprunté à la bibliothèque

 Ma participation pour le mois de novembre 2023 au super challenge Écoutons un livre de Sylire

Audiolivre : Marx et la poupée - Maryam Madjidi *****

Marx et la poupée est une plongée fantastique dans l'histoire iranienne, l'arrivée en France d'expatriés communistes, au gré d'anecdotes d'ici et d'ailleurs, sous le regard d'une petite fille qui grandit entre deux pays, tiraillée par la dualité puis complète de ces deux origines.

 

J'ai choisi d'écouter cette histoire racontée par l'autrice elle-même. Lorsque je l'ai débutée, je me suis fait la remarque que cela n'allait pas le faire du tout. Et pourtant, bien m'en a pris de persévérer. La lenteur de la diction, sa façon de marquer chaque mot et chaque intonation comme des respirations, qui au départ m'ont laissée indifférente, ont fait un effet fantastique : entendre la sublime langue persane, apprécier chaque anecdote, écouter le discours sur la vie et le recul sur l'allophonie et son traitement en France. Comme si le détachement vocal exprimait aussi le détachement littéraire d'une histoire intime pour atteindre l'universalité.  Surtout que cette version audio propose aussi une interview de l'autrice et cet entretien phonique marque la différence indéniable entre la voix qui raconte et la voix de l'ordinaire.

Marx et la poupée est un livre à la fois qui évade et cultive, serti par une langue française recherchée, poétique et belle, accompagnée du persan aux poèmes magnifiques. Maryam Madjiji relate l'histoire familiale, l'histoire de ses deux pays (l'Iran et la France), le communisme de ses parents, son évolution de petite fille expatriée, partagée entre deux cultures, deux langues, deux identités. avant de construire la sienne, universelle au service d'autres. Très beau.

Quelques images : un bébé agent double transmetteur qui connaît un saut dans le vide avant de naître et échange de parents au gré de missions, des couches ultra secrètes, des livres enterrés pour ne pas être découverts, des poupées données pour apprendre au forceps la générosité, le rappel d'une résistance iranienne éternelle et tenace qui mérite toute notre admiration et notre soutien, les premiers mots en français en salve bienvenue et attendue, le courage des parents porteurs de valeurs fortes de vie, l'opposition entre intégration et assimilation culturelles, les conflits politiques intergénérationnels.

Éditions Audiolib

Lecture faire par l'autrice elle-même

emprunté à la bibliothèque

 autres avis : Sylire, Alex, Eimelle, Luociné, Zazy, Antigone, À propos des livres


Ma première participation au challenge Écoutons un livre de Sylire

Audiolivre : Un soir de décembre - Delphine de Vigan ****

J'ai lu Un soir de décembre par l'écoute et franchement, j'ai emprunté l'audiolivre sans conviction, pas par hasard parce que je suis de près (ou de loin) Delphine de Vigan une autrice qui ne me laisse jamais (JAMAIS) indifférente (et c'est une grande qualité). Eh bien aussi bizarre que cela puisse paraître, Un soir de décembre est très certainement un de mes récits préférés de Delphine de Vigan : je confirme ainsi le propos du lecteur François Busnel qui aime beaucoup Un soir de décembre (et le défend très bien). Grâce à cette histoire, j'ai (re)découvert la justesse du propos de cette écrivaine sur le couple et sur les relations amoureuses, sa capacité à incarner chaque personnage sans jugement et avec une acuité du monde réel saisissante. 

Restant sur un fil d'équilibriste, Delphine de Vigan laisse parler trois personnages : un homme écrivain dépassé par le succès d'une première œuvre et en proie à la conception du fameux second roman (toujours un cap difficile à dépasser), sa femme qui sent son mari la fuir (pour quoi ? pour qui ?), une trentenaire en cristallisation stendhalienne qui dure, qui dure. On pourrait avoir envie de remuer le popotin de tout ce petit monde et pourtant on les regarde évoluer tels des boules d'un même flipper, se percutant, s'ignorant, et pourtant constamment attirées par un centre obscur, un trou noir qui absorbe toute la lumière. 

Je suis ravie d'avoir découvert Un soir de décembre par l'écoute et il est clair que François Busnel met en valeur chaque mot de Delphine de Vigan. Il sert le texte à la perfection, posant sa voix et les intonations en articulant les mots écrits et en renforçant sans excès les propos de l'écrivaine. Je ne suis pas certaine que mon ressenti aurait été aussi favorable si j'avais découvert cette œuvre avec la lecture par les yeux. 

Editions Audiolib

Emprunté à la bibliothèque 


  ma première participation pour le mois de novembre 2022 au chouette challenge de ma copine Sylire



De la même autrice :   Les gratitudes  - Les Heures souterraines  -  Rien ne s'oppose à la nuit

J'ai lu aussi No et moi (très bien)



Évocation musicale : À cause de toi - Léa Castel


 

Audiolivre : Fendre l'armure - Anna Gavalda ***

Je le reconnais, j'éprouve une vraie tendresse pour l’œuvre d'Anna Gavalda. Grâce à elle, j'ai vécu plein de beaux moments littéraires, des moments doux et qui m'ont fait du bien. Mes best : Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part fait partie de mes recueils de nouvelles préférés (assurément dans mon trio de tête), Ensemble c'est tout (adoré), La Consolante et Je l'aimais (aimés) et sa super traduction de Stoner de John Williams (adoré). J'ai été un peu refroidie par Billie. J'ai mis du temps à me décider à découvrir Fendre l'armure et j'ai choisi la version audio, parce que je n'avais pas envie de lire par les yeux Fendre l'armure mais de découvrir ce recueil de nouvelles autrement, par l'écoute. Verdict : mitigée encore (décidément !) mais dans le bon sens ! Je m'explique : au sortir de l'écoute, un peu déçue mais après quelques jours je réalise que 

1) je suis sensible aux voix

2) certaines nouvelles qui m'ont paru anodines ont eu un retentissement chez moi

3) ma petite Anna doit continuer à bosser son style littéraire parce qu'il y a du laisser-aller et que franchement ça le fait moins ! 

4) ma petite Anna doit continuer à écrire parce que sa voix me manque ! 

Dans Fendre l'armure, on découvre une galerie de portraits d'humains du quotidien, pas des super héros, juste des êtres, comme nos voisins. Tous ont en commun de se dévoiler le temps d'une conversation. Un recueil, sept nouvelles, sept témoignages, quatre voix pour cette écoute (j'y reviendrai).

Dans Fendre l'armure, vous découvrirez une commerciale en croquettes pour animaux en mal de poésie (L'amour courtois ***), une amitié féminine éphémère ou l'art d'accepter d'être toujours en second plan (La maquisarde ****), un enterrement qui appelle des souvenirs plus lointains et déchirants (Mon chien va mourir ****), un repas de haute voltige avec une chute impeccable quoique attendue (Happy Meal ****), la loyauté façon écolière (Mes points de vie *****  - assurément ma préférée parce qu'elle dépasse les tabous et qu'elle nous apprend le vivre ensemble, le respect sans la pitié), un chemin de traverse pour découvrir une amitié masculine déroutante (et on peut dire que là Anna Gavalda m'a bien égarée avec Le fantassin **, une nouvelle pourtant très fouillée), l'itinéraire d'un jeune homme invité au mariage d'amis (je n'ai pas été convaincue par Un garçon *).  

Donc un recueil qui montre le talent de son autrice à constituer des nouvelles percutantes et qui a tout compris de l'exercice (avec des chutes redoutables d'efficacité). Sa faiblesse dans certaines histoires se résume à la construction d'un scénario bancal ou creux ou ou emberlificoté à souhait ou inutilement, avec un langage poussif qui m'a particulièrement surprise (dans le mauvais sens du terme). Et c'est bien dommage, car Anna Gavalda a du talent à revendre. 

Place aux voix au nombre de quatre : Rachel Arditi, Gregori Baquet, Stéphane Bouchet et Chloé Lambert. Rien à dire au niveau de l'interprétation et de leur engagement dans les textes : je reconnais que mon cerveau a moins imprégné les variations de voix de Stéphane Bouchet que celles de ses comparses : c'est peut-être lié aussi au contenu des histoires racontées ou à sa tonalité (ou peut-être ai-je été moins attentive lors de ses interventions.)

Editions Audiolib

Emprunté à ma super bibliothèque (qui a un choix conséquent de lectures audio et de romans graphiques extras)

autres avis : Cathulu, Sylire, Tant qu'il y aura des livres, Comète,

  ma troisième participation pour le mois d'octobre 2022 au chouette challenge de ma copine Sylire (on ne m'arrête plus !)

Audiolivre : La commode aux tiroirs de couleurs - Olivia Ruiz ***

J'ai là encore longtemps tourné autour de ce roman qui a très vite trouvé son public et je suis ravie de l'avoir découvert sous sa forme audio. Je trouve que ce format se prête très bien à la narration, mis à part mon manque d'attention à l'intitulé de chaque partie c'est-à-dire à la nature de l'objet découvert dans la fameuse commode, qui déclenche une pelletée de souvenirs.

Quand on débute l'histoire, on entend une femme décédée raconter une histoire à une jeune femme par l'intermédiaire d'objets. Si le lien de parenté entre elles deux est vite annoncé, celui des protagonistes de l'histoire racontée se découvre et fait partie des révélations.

Pour être tout à fait honnête, j'ai vécu plusieurs sentiments au travers de cette écoute. Tout d'abord, je n'ai pas été si emballée par le style d'Olivia Ruiz même si je lui reconnais un talent de narratrice.  Il m'a manqué du fond, du vrai fond. Je veux dire par là que si l'autrice aborde des thèmes forts (l'exil, la condition d'apatride, la guerre intestine d'un peuple - celle d'Espagne-, la perte d'un être aimé -et cet être aimé prend malheureusement beaucoup de formes-, le désir), le traitement a manqué de relief : je n'ai pas réussi à m'émouvoir parce qu'il m'a manqué l'émotion, du contenu, quelque chose de plus profond, de plus costaud : certaines anecdotes m'ont paru survolées à la façon "tout cela pour cela." Je n'ai pas non plus compris comment une femme aussi forte que passionnée puisse vivre autant de temps avec un homme qui ne l'a plus aimée. 

Pourtant, je reconnais qu'Olivia Ruiz a su me faire voyager, qu'elle a réussi à me faire prendre conscience de la lutte fratricide espagnole et le rejet que certains ont subi de chaque côté de la frontière. Je suis allée au bout de l'intrigue, non pas parce que j'y étais obligée mais parce que j'avais envie de connaître tout. Parce que j'ai été happée le temps de cette écoute, parce que je sens que cette autrice avec son univers bien à elle et malgré quelques maladresses a construit un truc authentique, et j'aime l’honnêteté et l'authenticité en littérature. Elle s'est mise à nu dans cette histoire et même si les effets ne sont pas aussi forts et profonds qu'ils auraient dû être, ils ont le mérite d'exister quand même, même à plus faible intensité. 

L'autrice Olivia Ruiz est également la lectrice de cette version audio, donne du corps à son texte, qu'elle lit avec passion et enthousiasme, à l'accent chantant. Elle y met de l'humour et une forme de tendresse. Il m'a manqué quelques variations dans la voix pour saisir la beauté des mots.

Quelques images retenues : celle d'une rencontre passionnée à Toulouse scellée par une balade à pied, celle d'un séjour final à l'hôpital, celle d'une vengeance impossible à tenir sous peine de basculer dans le côté obscur. 

Éditions Audiolib

Emprunté à ma bibliothèque préférée !

  ma deuxième participation pour le mois d'octobre 2022 au chouette challenge de ma copine Sylire

autres avis : Alex, EimelleViolette

Quand le requin dort- Milena Agus *** (livre audio)

Mon dieu que ce roman est barré de chez barré ! J'ai rarement vu et entendu un truc pareil. Clairement on ne peut pas reprocher le côté déjanté et sacrément fêlée de l'auteure. Et pourtant tout se tient, aussi cruelles que soient certaines images, aussi tarée et déstructurante que soit cette famille-là !
Il est clair que le support audio m'a permise de poursuivre la découverte de Quand le requin dort. Je pense que j'aurais abandonné le format livre, malgré l'écriture (et j'aurais eu tort).

Dans la famille des Sevilla-Mendoza, je demande le père (continuellement en vadrouille, aux penchants religieux chaotiques et à la fidélité discutable), je demande la mère (toujours à côté de ses pompes et un brin mélancolique), je demande le frère (élève brutalisé aux doigts de fée sur un piano), je demande la tante (une femme pulpeuse dont les relations amoureuses atteignent difficilement trois heures d'affilée), je demande la grand-mère maternelle (qui distribue les reproches comme d'autres les bisous) et enfin je demande l'héroïne (adolescence candide à la sexualité quelque peu atypique et déséquilibrée). 
Tout ce petit monde navigue au gré de rencontres avec les amants de la tante, de silence et de ruptures, d'éloignement géographique (fuite du père) ou d'absences (celle physique de la mère) et de calme (apporté par l'intrusion du vétérinaire, du juge ou de Maoro) : tantôt on croit en leur bonheur (on l'espère, histoire de souffler un peu), tantôt le requin se réveille (et là, rebelote, on découvre l'enfer sur terre). L'intrigue pourrait partir en vrille et c'est là, l'art de cette auteure : savoir s'arrêter dans les descriptions scabreuses, savoir insuffler de l'humour et un peu de poésie, dire la réalité crue et rude (sans passer par quatre chemins), proposer une galerie de portraits inhabituels et dégingandés. Plus elle ose, plus je me dis : Mais elle est tarée, complètement tarée ! Et j'adore cette prise de risque.

Honnêtement, je ne pense pas que ce roman fasse l'unanimité : rien à signaler sur la forme (chapitres courts et bien scandés, chutes fréquentes et réussies), le fond peut heurter les âmes sensibles (ou peu habituées à ce genre de littérature) : description d'une relation sado-maso, la lumière parmi tout ce désespoir (personne n'est épargné dans cette tribu et la fin demeure impeccable).

Quand le requin dort marque la plume ingénieuse d'une vraie écrivaine, d'une femme qui n'hésite pas à bousculer : Milena Agus  

Traduction de Françoise Brun
Éditions Audiolib 

texte lu par Audrey D'Hulstère

emprunté à la bibliothèque

avis : Une Comète, Alex, Hélène Choco, Clara, Leiloona, Mango, Syl (qui n'a pas du tout aimé), Anis (déménagement de l'avis en cours sur le nouveau blog)

et un de plus pour les challenges de Sharon et d'aproposdeslivres
Voisins Voisines 2014

Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates - Mary Ann Shaffer et Annie Barrows **** (livre audio)

Longtemps, j'ai tourné autour du best-seller Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates sans tenter l'emprunt en bibliothèque. Et c'est par l'intermédiaire de mon futur comité de lecture qui innove en proposant la découverte de ce livre audio, que je me suis finalement décidée. Ma réticence provenait essentiellement du titre car il faut vraiment détester les bouquins pour proposer un en-tête pareil qui n'a aucun sens, surtout lorsque le titre anglais Le cercle d'amateurs de littérature et de tourte aux épluchures de patates de Guernesey présente plus de panache. 
Moralité (conseil aux éditeurs) : pour donner envie, soit on garde l'intitulé original, soit on le change complètement, mais surtout on ne le réduit pas en une bouillie insipide !
Janvier 1946. Londres se remet d'une guerre douloureuse, coûteuse en humains et chargée en destructions massives de bâtiments. Juliet Ashton, chroniqueuse journalistique reconnue, cherche à "sortir" de son héros récurrent, le soldat Izzy Birkerstaff. Entourée par son éditeur Sidney Stark, sa sœur Sophie Stark et par son amie Susan, elle profite de la promotion de son recueil Izzy Birkerstaff s'en va-t-en guerre afin de s'échapper de la morose capitale anglaise. Une lettre d'un certain Dawsey, habitant de Guernesey, va relancer son inspiration.

Huit mois de la vie de Juliet vont se dérouler sous nos yeux, à coups de correspondance épistolaire. Car il ne faut pas s'attendre à un récit linéaire : l'intrigue se constitue de courriers entre les Londoniens (Juliet, Sidney, Susan, Mark, Sophie) et les iliens (Dawsey, Isola, Eben, Amelia, John et Will, sans oublier l'inoubliable Adélaïde et l'ingénieuse Kit). Bien sûr, quand on écoute l'histoire, il arrive souvent qu'on ne comprenne pas de suite ce qui est dit  (surtout au début) car le récit se complète au fur et à mesure, tel un puzzle éclaté dont on possède la plupart des pièces mais dont le corpus reste à définir. D'un côté, les citadins branchés à la vie sociale aussi festive qu'hypocrite, de l'autre une population simple de paysans, d'institutrice, d'enquêtrice originale, d'alcoolique notoire, de baron usurpé, de personnes lettrées à l'intelligence du cœur ultra-développée. Très vite, se dessine non pas la confrontation de ces deux sociétés (au contraire, elles paraissent bien complémentaires et solidaires) mais le portrait de deux belles héroïnes : Juliet, trentenaire toujours célibataire et Elizabeth McKenna, l'absente, la fédératrice du Cercle, l'immense résistante, celle qui a porté l'amour au-delà des frontières et des divergences. 

Le si mal nommé Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates décrit la vie après-guerre, l'occupation allemande sous Guernesey, les cancans villageois, les entourloupes éditoriales, le retour des déportés, la survie et l'espoir. C'est un roman foncièrement réjouissant et facétieux, plein d'humour qui m'a tenue en haleine pendant mes courts trajets maison-boulot, au point de m'inciter à rester dans la voiture, afin de découvrir la suite des aventures de Juliet, toujours en recherche d'un Roméo.  Je ne sais pas s'il m'en restera quelque chose mais en tout cas je ne peux nier le fait que j'ai passé un excellent moment avec tous ces héros de la vie. Le choix des lettres me semble parfaitement cohérent et judicieux avec la coexistence des deux auteures Mary Ann Shaffer et Annie Barrows  (la première est décédée avant la parution du livre) : pas de dissonance dans le rythme, personnages bien marqués  à la personnalité propre, intrigue sympa et bien écrite.

Mention spéciale aux voix de Cachou Kirsch (gaie, dynamique) et à Philippe Résimont (top classe, suave). Les autres n'ont pas démérité et ont le droit à la citation : Nathalie Hons, Nathalie Hugo et Thierry Janssens.

Traduction d'Aline Azoulay
 
Éditions Audiolib

avis très contrastés : Alex, Anis, Valérie, Cathulu, EvalireDasola, Sylire, LilibaSharon, YvMiss G, aproposdeslivres, Faelis, ClaudialuciaTari, Melopee, Violette,

emprunté à la bibliothèque

et un de plus pour les challenges de Philippe (GN+GN), de Daniel, d'Asphodèle (prix du meilleur livre du Washington Post en 2008), de Heide et de Miss G

ContraintePremier roman 2014Romancières américainesA tous prixEn toutes lettres

L'embellie - Audur Ava Olafsdottir *** (Livre audio)

D'abord je tiens à remercier Sylire pour ce livre audio voyageur. Sans elle, je n'aurais pas découvert cette histoire et je ne l'aurais pas lue (ou bien aurais refermé le livre après quelques pages). C'est dire.
Une correctrice littéraire de 33 ans voit son petit quotidien chamboulé : son mari Tursten (orthographe approximative, c'est le problème des livres audio : on n'a pas l'écriture des prénoms !) lui annonce l'existence d'une maîtresse arrondie ; son amie Audur lui confie son aîné de 4 ans très myope, très malentendant et surtout très charmant, Tumi, le temps d'une grossesse gémellaire plus ou moins prolongée, plus ou moins alcoolisée au cognac ; un amant-client illettré mais à la poigne ferme ; une voyante lui assure un gain, trois hommes dans sa vie et trois accidents mineurs, trois animaux inactifs et enfin, un séjour dans un cabanon estival sur une île en plein mois de novembre assez pluvieux. En route pour l'aventure !

Si je reprenais le portrait chinois de Malika, alors le mot qui caractériserait L'embellie serait sans conteste digressions ou divagations (Finalement, deux termes suffisent). Entre le quotidien peu routinier -accessoirement routier- (la vie avec Tumi), les souvenirs avec Tursten ou avec sa mère et les communications avec Audur ou les hommes rencontrés, la description de chaque moment occasionne une longue fuite du récit. Résultat : je m'y perds et surtout je me noie (avec toute cette eau, je m'adapte parfaitement au texte). Bien sûr, cette façon de procéder permet au lecteur de cerner l'héroïne de toutes parts, personnage central et intéressant par sa logique inattendue, son humour fantasque et ses réactions quasi-autistiques. Néanmoins, l'ennui guette et l'impression d'une intrigue plutôt plate, étirée à l'infini (un peu comme lors d'un test d'un élastique, la patience du lecteur remplaçant le dit objet) s'insinue inexorablement.

Pourquoi *** alors ? Tout simplement, parce qu'Audur Ava Olafsdottir fait preuve d'une très belle prose et possède cette maîtrise rare des descriptions (très précises), des relations humaines confortées (rapprochement entre Tumi et sa protectrice) et ces temps de l'intimité. La réussite de Rosa Candida n'est pas usurpée. Il a fallu L'embellie, un joli brouillon avant l'éclosion d'une splendide rose.

texte lu par Melodie Richard (dont le timbre de voix islandophone se prête à l'évasion)
Éditions Thélème
                                                        
avis : Sylire (que je remercie infiniment pour le prêt de ce LV), Nadael, Clara, Cathulu, Kathel, Nina, Liliba, Theoma, Christie, Hélène

et un de plus pour les challenges de Laure (Prix de Littérature de la Ville de Reykjavík), d'Anne et de Nadael (un mois de Novembre et un automne pluvieux, bien présents dans l'intrigue)

Ce que je sais de Vera Candida - Véronique Ovaldé ***** (livre audio)

Avant Des vies d'oiseaux, Véronique Ovaldé  a écrit Ce que je sais de Vera Candida, son roman portant le numéro 6 (vous verrez à quel point ce chiffre intervient dans l'histoire). J'ai longtemps tourné autour et puis, l'avis de ma Comète préférée et l'emprunt de ce livre audio (depuis Zola, on ne m'arrête plus) en bibliothèque ont emporté mon adhésion : j'ai bien fait !
Rose Bustamente habite chichement un cabanon à l'amorce d'une colline, vit de ses pêches dont elle revend les fruits et n'embête personne. Sur cette ile de Vatapuna, la population cohabite harmonieusement avec la nature, sans luxe débordant non plus. Malheureusement ce calme est fragilisé par l'arrivée impromptue d'un riche propriétaire Jeronimo, décidé à déloger quiconque gênant sa vue de la colline et offrant à tous, certains signes distinctifs de richesse (grosse voiture, somptueuse demeure), dissimulant une petite faiblesse morphologique en usant et abusant de chair fraîche : en bref, un sombre connard ! Rose va en faire les frais.   

Suivant parfaitement l'égalité mathématique 4 + 2 = 1 * 2 * 3 (le fameux 6), Véronique Ovaldé nous offre un roman féminin magnifique tout en respectant la parité sexuelle. En présence, quatre femmes aux prénoms fleuris (Rose Bustamente, Violette, Vera Candida et Monica Rose) versus deux hommes antinomiques (Jeronimo et Ixtaga, journaliste de l'Indépendant de Lahoméria), un géniteur trouble et double, deux unités géographiques (l'ile de Vatapuna et la cité de Lahoméria - lieu d'exil), trois naissances inattendues et peu désirées.

Ce que je sais de Vera Candida décrit la vie de deux femmes courageuses (Rosa Bustamente et Vera Candida) conscientes de subir le sort mais dévoilant une volonté d'enfer pour s'affranchir des qu'en dira-t-on et des mauvais esprits. Gravitent autour d'elles, les thèmes de la féminité, de la maternité, de l'envie de s'en sortir, de l'aspiration à l'amour, quoiqu'il en coûte. Oublier Ixtaga, Violette, Jeronimo ou Monica Rose serait une erreur tant ces éléments secondaires participent à l'intrigue, l'équilibrent et la dynamisent. 

Plus fort que Des vies d'oiseaux, Ce que je sais de Vera Candida raconte l'universalité par l'intermédiaire de cette histoire singulière, savamment dosée entre humour (fréquent) et satire (rappel sur la répression des reporters, sur la cache de nazis en Amérique de Sud, sur la violence domestique faite aux jeunes femmes, etc). Ce roman très bien écrit voit son propos renforcé par la voie audiophonique :  Catherine Falgayrac sert ce roman de façon brillante, module ses cordes vocales en fonction des dialogues et des scènes, donne du corps au texte : très beau, comme le reste !

Voix de Catherine Falgayrac
Éditions Audiolib

emprunté en bibliothèque


et un de plus pour les challenges de Sharon, de Laure (prix du roman France Télévisions 2009, prix Renaudot des lycéens 2009), 

Pour une nuit d'amour - Émile Zola *** (livre audio)

Attention, jour à marquer d'une croix sur le calendrier : ceci est ma première chronique d'un livre audio et tant qu'à faire, j'ai choisi une valeur sûre : Émile Zola
Unique piège : le titre ! Ne vous attendez pas à une histoire mièvre et pleine de bons sentiments. Que nenni !  Ce cher Émile décrit une vraie mante religieuse (et là me revient une réflexion d'Anis sur le post d'Hélène Choco, concernant la vision bien particulière de cet auteur sur la gente féminine) incapable d'affection, sournoise et machiavélique, mystérieuse parfois, psychopathe tout le temps : bref, que du bonheur !
Trois hommes pour une seule femme : équation complexe, nécessitant quelques éliminations. Thèrèse de Marsanne, châtelaine fine en calcul mental, va s'employer à la résoudre. Cette charmeuse manipule son petit monde comme bon lui semble, en particulier le mari promis (accessoirement comte de Vetheuil), le frère de lait (le petit Colombel, clerc de notaire, compagnon de jeux en tout genre) et le voisin, Julien Michon, expéditionnaire de service, flûtiste à ses heures. Tous vont succomber : le compte-à-rebours commence.

Récit noir, Pour une nuit d'amour dépeint une noblesse puissante, dominatrice et altière, affichant son mépris pour les petites gens, soucieuse de son apparence, appauvrie de l'intérieur. Une nuit d'amour, tel est le prix à payer pour assumer la plus vile besogne, telle est la promesse de Thérèse - incapable de la tenir, faute de générosité et d'abandon-. Émile Zola excelle dans le côté sombre de la conscience humaine : en peu de pages, il calibre son texte, pose ses personnages, décrit une microsociété bourgeoise et provinciale, débute avec la rivière le Chanteclair, y revient avec toujours une prose aussi fraîche et limpide. Thérèse de Marsanne prend la pose, se joue de tous, ne cherche qu'à assouvir sa soif de puissance : difficile à aimer, difficile de s'y intéresser. Les hommes, véritables pantins de cette mégère, deviennent soit violents soit lymphatiques du cerveau : le paradis sur Terre !
En résumé, un texte nourri, à proposer aux lecteurs en pleine forme !

Editions Audiolib
histoire racontée par Robin Renucci (voix sobre, parfaite)
environ 1h30 (expérience intéressante mais mon manque d'attention a exigé une deuxième écoute pour parfaitement intégrer l'histoire)

emprunté à la bibliothèque