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Les Pieds sur terre - Sonia Kronlund *****

Bon, ce n'est pas tout, quelques jours de farniente à buller, à lire, à commenter sur les blogs des copines et puis les livres en attente d'un avis s'amoncellent. Il est grand temps de revenir Les Pieds sur terre ... cela tombe bien, c'est ce que me propose son auteure Sonia Kronlund.
À l'origine, Les Pieds sur terre est une émission radiophonique sur France Culture produite par Sonia Kronlund. Ce livre est une transcription réussie de certains témoignages des habitants de cette France d'en bas, les laissés pour compte et d'autres comme vous et moi. Ces nouvelles du réel nous donnent des informations sur le vécu de chacun. Au fil des pages, on découvre le quotidien des uns, l'amertume des autres avec quelques réflexions sulfureuses, d'autres plus bling bling, exprimées à mots couverts ou affirmés. La grande réussite de cet ouvrage reste d'avoir su retranscrire à l'écrit la parole et l'émotion données à l'antenne. On peut s'affranchir de certains personnages, de certains mots mais on ne peut rester insensible à ce qui est écrit. Des phrases hachées, des anecdotes lourdes de sens, de la colère face à des plans de licenciement indignes, des moments magnifiques : on lit, on entend, on admire le splendide Alexandre qui a tout compris, les prostituées Sonia et Sylvie, les dignes Kahina, Franck, Nordine, Karim, Emilienne, Isabelle, Nadine, Mustafa et Christian, les valeureux Stéphane(s), les Pascal, les Contis, les Caterpillar, les glaneuses et puis les hussards de la République, ceux qui dénoncent l'injustice et les discriminations racistes au risque d'une carrière ralentie : le policier Eric Blondin, l'ancien proviseur-adjoint Yacouba Barry, les formidables Marie-Rose, Dominique et Loriane, les professeurs qui emmènent leurs élèves à Birkenau où la terre et le silence transmettent l'horreur absolue. Bien sûr, vous y rencontrerez d'autres figures, d'autres ghettos : ceux des immigrés sans papier, celui des prisonniers à longue peine, ceux des riches (voix affectée, vivant dans des quartiers ultra-protégés, emprisonnés par des codes sociaux où l'argent reste roi au prix d'une certaine liberté de mouvements et d'humeur), ceux que se forgent certains dans leur tête à force de ne plus aller au contact des autres, de cultures diverses, des différentes communautés.

Ce livre nous éclaire sur ces paroles dites en l'air, inaudibles mais qu'il faut considérer pour s'interroger : Comment a-t-on pu laisser faire ? Comment peut-on penser ainsi, après les génocides passés ? Comment a-t-on pu laisser l'argent nous pourrir à ce point la vie, là où le gain économique du «toujours plus» autorise certaines entreprises florissantes à délocaliser, tout en ayant auparavant empocher de substantiels dividendes et accessoirement des subventions publiques ? Restent toutes ces prisons dans nos cerveaux qui nous empêchent de grandir tout simplement.

Ce livre nous permet de nous apprécier davantage car il nous ouvre le cœur et nous oblige à voir pour mieux nous entendre, à considérer l'autre non plus comme un ennemi mais comme une personne différente de nous et riche de ses expériences : un premier pas vers l'amour et l'acceptation de son prochain comme entité !

Un très grand merci à Libfly et à Actes Sud pour ce partenariat qui m'a permis de recevoir ce livre formidable contre critique.



Dédicace personnelle : je sais que nous ne sommes pas le 12 du mois mais je voulais rendre hommage à travers cet avis aussi imparfait soit-il, à Monsieur Hubert Nissen, fondateur des éditions Actes Sud, un grand humaniste décédé le 12 novembre 2011. Je ne remercierai jamais assez sa maison d'éditions de m'avoir fait connaître deux auteurs qui comptent beaucoup pour moi : Nancy Huston et Laurent Gaudé.

Ripeur - Jeff Sourdin ***

Je dois cette lecture à mon Joli-Papa bien décidé à me faire découvrir des romans que je qualifierais de sociologiques et en particulier, ceux concernant la vie des gens simples, ceux qui n'ont pas forcément un métier reluisant mais néanmoins utile à notre société. Donc après la caissière d'Anna Sam et Louisette, la dame Pipi de Valérie Mazeau, je vous présente le Ripeur de Jeff Sourdin (pour les non-initiés, ripeur est un terme branché pour désigner la profession d'éboueur). Lui aussi, je crois que je vais l'aimer !
Dimitri, un bac littéraire en poche et deux années de fac à faire la bringue à refaire le monde tous les soirs, devient éboueur d'abord vacataire puis titulaire de sa tournée à force d'assiduité et de sérieux. Notre héros de vingt-sept ans dont on ne connaît que le prénom, nous narre son quotidien : ses levers à 2h20 du matin pour débuter la tournée à 3h, les petites pauses en cas de non-retard aux cafés du coin, les conversations entre collègues -Jean et Thierry en particulier-, les jours où tout va bien/mal, les gestes monotones et usuels en temps de pluie ou de gel, le bizutage des nouveaux pas correctement vêtus face aux intempéries, le monde taiseux des éboueurs éprouvés par un métier difficile, mal reconnu, mal estimé (sauf en cas de grève... les Marseillais vous l'expliqueront). Dimitri vit d'habitudes et cherche à améliorer son existence, en particulier affective, car Monsieur reste un homme très motivé à rencontrer la femme de sa vie, celle qui compte pour de bon. Nous aurons l'occasion de découvrir Nathalie, puis le premier amour, ... suspense, à vous de lire le livre , je ne vais pas vous mâcher le boulot, non plus !

Ce joli texte d'une sensibilité remarquable (d'autant plus touchante que le narrateur est masculin) nous parle d'une personne de tous les jours nourrie de rêves accessibles, la difficulté de se lier à partir d'un certain âge, de refaire confiance à autrui, de croire en une histoire d'amour, de lui laisser une petite chance, de savoir quitter une région, un métier, d'en choisir un pour survivre. Dans ce monde de silences, de fatigue et d'endurance, Ripeur demeure un magnifique témoignage du labeur, si indispensable, de ces hommes de peu, de la vie d'un homme, respectable tout simplement.


Éditions (rennaises : Yes, que vive la Bretagne !) La Part Commune

Voici l'avis de Clara qui a bien aimé aussi.

Mille mercis à mon Joli-Papa qui a décidément bon goût ! 

évasion musicale : It's about to get worse - I Blame Coco
 

Une petite culotte - Valérie Mazeau ****

J'ai la chance inouïe d'avoir un Joli-Papa : entendez mon beau-père, le papa extra de mon A. (si, si c'est possible). J'aime M.  ! (et là, je ne parle pas du chanteur, il faut suivre). Grâce à lui, j'ai découvert Valérie Mazeau et son super livre joli coeur ici chroniqué (d'où le surnom Joli-Papa de M., trouvé par l'auteure lors d'une séance de dédicaces). Comme M. a senti mon récent coup de mou (lié à une triste nouvelle), il m'a envoyé une petite culotte (et là,  je sens vos yeux écarquillés ... je vous parle du livre une petite culotte de Valérie Mazeau, qu'alliez-vous imaginer ? ).
Verdict : M. reste formidable et Valérie aussi !
Une couverture très explicite : celle du panneau annonçant des toilettes publiques dans un lieu public, scène principale de l'intrigue. Louisette est dame Pipi dans une gare. Un jour, elle découvre une fine culotte en soie noire abandonnée sur le sol du WC n°3 (le préféré de Madame Hortense, vieille habituée des lieux, même si elle ne prend jamais le train). Cet abandon perturbe Louisette, au point de confier son envie de retrouver la vraie propriétaire de la petite culotte, à Monsieur Henri, autre vieil habitué, septuagénaire distingué et en recherche de l'âme sœur (tout comme Louisette). Tous deux élaborent des pans d'explication : la promiscuité va leur permettre de se confier davantage, de se livrer. Parallèlement à l'enquête, l'auteure déroule le quotidien et le passé de la dame Pipi (on y découvre ses multiples facettes et secrets) ainsi que celle de la vraie propriétaire (narrée par la petite culotte). Car oui, dans ce livre, une culotte est capable d'exprimer des sentiments, de la passion ! Vous en doutiez, cette histoire va tâcher de vous convaincre !
Riche des thèmes qu'il aborde (le mal et l'envie d'amour, la décrépitude physique, la description d'un briseur de cœurs, notre solitude actuelle, le dénigrement social etc.), une petite culotte se lit d'une traite et on n'a pas du tout envie de l'abandonner dans une cuvette : malheureusement, on en vient autant à regretter son si peu de pages (61) qu'à apprécier son si juste et si raisonnable prix (4€), accessible à tout budget serré qui se respecte. J'ai aimé la prose de la petite culotte en italique, celle aussi de Louisette plus abrupte, moins fluide : le procédé favorise la distinction des deux discours. Voilà, il ne nous reste plus qu'à... tourner la page les pages.

Une de mes copinautes préférées, Une Comète, a bien aimé aussi et a rédigé un beau billet.

Un immense merci à mon joli-papa,  M., pour ce bienfait énorme !

Valérie Mazeau a publié à compte d'auteur : je vous communique l'adresse de son site nourri de ses réflexions, des librairies qui diffusent ses œuvres et aussi afin de la contacter si vous souhaitez vous procurer ses livres.

évasion musicale 9 crimes - Damien Rice accompagné par la voix magnifique de Lisa Hannigan
Grâce à mon comité de lecture, je découvre l'album 9 de Damien Rice : très bien ! Ce n'est pas gai mais j'adore vraiment. Le clip reste, pour le moins, surprenant.

Les tribulations d'une caissière - Anna Sam ***

Déjà un titre attirant, Les tribulations d'une caissière, et une expérience inédite : celle de l'auteure Anna Sam, hôtesse de caisse depuis 8 ans, décidant d'ouvrir un blog pour y narrer toutes les anecdotes quotidiennes qu'elle vit ou subit. Tout y passe : les conditions de travail affolantes (3 minutes de pause par heure de travail... soit 18 minutes pour une journée de 6 heures : impossible à tenir pour moi sous peine de cystite, d'ulcère à l'estomac ou de mal dorsal), les cadences infernales (où l'automatisation du geste amène une décérébration de la pensée), des clients pas piqués des vers (entre les pros des bons d'achat nommés les clients «Bonnes Affaires» qui exigent une facture par produit acheté, les emmerdeurs (oui, je suis grossière mais je ne trouve pas d'autre mot les résumant) de tout poil - ceux qui volent, ceux qui hurlent leur haine pour une broutille ou pour une frustration quelconque (attente à la caisse, prix onéreux, volonté de filouter), les retardataires systématiques de mauvaise foi, les crados, les amoureux et puis les gentils (là, bizarrement, on les compte mais sachez qu'ils embellissent la journée des caissières)) et puis les commentaires extraordinaires (sur la recherche des toilettes, sur le métier, sur l'ouverture ou non d'une caisse...) .
Riche de ces anecdotes éclairantes sur notre monde de l'urgence (où la politesse et le respect s'oublient parfois), Les tribulations d'une caissière reste un livre de chevet sympathique, éclairé par l'ironie saine d'Anna Sam, relativement bien construit malgré des erreurs évidentes de syntaxe et de lecture très aisée et pas prise de tête (ne vous attendez pas à une écriture fine et poétique mais le propos mérite qu'on s'y intéresse). Je profite de cette chronique pour remercier mes parents qui par leur éducation, m'ont inculqué cette doctrine que je pensais universelle :« il n'y a pas de sous-métier ; tout travail honnête mérite le respect ainsi que la personne qui l'effectue ».  Merci à vous, je vous aime !

Éditions Stock

emprunté à la biblio 

Bande-annonce de l'adaptation cinématographique du livre par Pierre Rambaldi