BD : Belle-île en père - Weber & Nicoby (entre ** et ***)
L'heure des olives - Claude Donnay **
Dans L'heure des olives, le héros Nathan Rivière simule un burn-out pour changer de vie. Son quotidien ne l'épanouit plus : son métier ne lui donne aucun sens, sa femme à qui tout réussit s'éloigne de lui petit à petit mais sûrement. Bref, il est temps de prendre le large et de méditer sur tout cela. Une retraite s'annonce et elle va bousculer ses certitudes et ses valeurs.
L'heure des olives offre deux histoires en une : la première concerne le quotidien de Nathan, la seconde celui des créatures littéraires de son père, écrivain à ses heures qui a construit un roman sur l'exil et l'immigration.
Le concept de livre dans le livre (si cher à Nathalie Sarraute dans Les fruits d'or) aurait pu me plaire, celui de l'usurpation dans la vie également.
En fait, le traitement m'a laissée complètement de marbre mais vraiment. Je n'ai accroché à rien: ni au héros, ni à son histoire et je ne parle même pas de l’œuvre du père : là, j'ai complètement zappé les extraits parce que le style m'a laissée indifférente.
Pourtant, je ne peux pas dire que Claude Donnay a sabordé son intrigue : il a construit un scénario qui se tient, a peaufiné des personnages de la vie courante. Les scènes sont structurées et décrites. On voit tout ce petit monde se mouvoir ; les dialogues sont incisifs. Il n'y a pas non plus de surenchère dans son écriture.
Mais je n'y ai tout simplement pas cru : j'ai eu du mal à visualiser un héros trentenaire qui déjeune de saucisson, de pain et de vin rouge, qui a une épouse au prénom bien marqué de Nicole. Je l'ai plutôt jugé à l'aube de ses 60 ans et forcément, cela le fait moins (par rapport au contexte). Je n'ai pas cru au scandale littéraire, je n'ai pas cru aux fuites, ni au parallèle entre ce que Nathan vit et ce que les héros paternels subissent. J'ai été très énervée voire choquée par la légèreté de traitement de "l'épisode de Noirmoutier" réduit à un "incident" ou "accident" qui s'apparente pourtant davantage à un crime. Oui, là on peut dire que je me suis réveillée et que c'est ce genre de détail qui m'a décrochée de l'histoire, mais alors complètement.
Bref, je suis complètement passée à côté de L'heure des olives.
Bref à vous de voir et de lire si le cœur vous en dit.
Éditions MÉO
Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions MÉO que je remercie.
Cycle Alexandre Seurat # 2 : Un funambule **
Bon, c'est clair et net : j'ai nettement moins accroché à Un funambule qu'à La maladroite du même auteur. Pourtant le pitch m'a bien intéressée et le début de traitement de l'histoire laissait présager une très bonne suite. J'espérais que l'auteur laisserait planer un doute notamment dans l'interprétation du personnage principal et en fait, malheureusement il n'en a rien été. Résultat : je sors de cette lecture un peu déçue, je ne suis pas certaine d'en retenir quoi que ce soit et surtout j'aurais tellement aimé autre chose de plus novateur, de plus consistant. Là encore, je suis passée complètement à côté de cette intrigue (oui, en ce moment je cumule les déconvenues, c'est comme cela, question de timing).
Un funambule présente un jeune homme en mal-être (dépression) qui à l'occasion d'une fête des mères, se remémore quelques épisodes marquants de sa vie : sa relation avec Solenne, les échanges et les incompréhensions avec ses parents.
Alexandre Seurat propose un héros à la dérive, à côté de sa vie, qui essaie de se raccrocher aux anecdotes, aux faits, un jeune homme qui communique peu, qui n'a jamais cru en lui malgré des qualités intellectuelles indéniables, un être humain qui, donc, rayonne peu.
J'ai bien aimé la capacité de l'auteur à nous rendre attachant cet anti-héros, en manque permanent de confiance en lui, dont l'éducation parentale et le cercle familial proche (sœur, parrain) l'ont d'une certaine façon infantilisé, l'ont peu mis en valeur aussi, en le réduisant au statut de "petit garçon". Et j'aurais aimé qu'Alexandre Seurat joue sur d'autres registres en parallèle, peut-être plus difficiles à tenir : celui d'adapter la compréhension de son histoire en fonction du vécu du lecteur. Il aurait en effet très bien pu construire une intrigue à multiples interprétations (du côté parental, du côté du héros), il en avait les moyens et j'ai longtemps pensé à ce virage.
La linéarité des événements m'a laissée de marbre. J'ai lu à distance cette intrigue : je n'ai rien à redire sur le style propre de l'auteur, celui-ci cherchant à fondre la forme avec le fond. C'est davantage la profondeur du propos qui m'a manquée. Je n'ai pas accroché du tout : j'espérais un autre traitement au final, une mise en abîme complète, peut-être aussi un éclairage plus profond de ce cercle familial pour appréhender en totalité la personnalité de ce héros. Mais peut-être que j'en demande trop parce que le brouillard fait partie de l'intrigue.
Éditions du Rouergue.
Du même auteur : La maladroite
Toni - Line Papin (entre ** et ***)
Dans Toni, Line Papin compose une cousinade très forte : celle d'Ezra et d'Anton dit Toni. Deux garçons que les rituels estivaux et le destin familial ont rapproché, deux garçons de nature bien différente : Toni dans ses rêves et son monde, toujours à imaginer et à projeter ; Ezra plus suiveur et souvent emballé par les projets de son compère.
Line Papin profite du récit de Toni pour glisser du monde de l'enfance à celui de l'adolescence et de l'âge adulte tous propices à des expériences plus ou moins réussies, à des mises en abîme aussi. Dans Toni, on navigue de la campagne profonde, un cocon sûr, vers un monde citadin empli de lumière, de strass, de faste, de fêtes, où le monde de la nuit côtoie le clair-obscur, propice à diverses expériences. Notre binôme apprend ensemble, se soude, s'agrège à d'autres personnes pour former une entité mouvante et dansante. L'envers du décor est pour demain.
Dans Toni, on retrouve la plume honnête de Line Papin, un univers à la Vernon Subutex de Virginie Despentes (sans le côté enquête) pour le côté festif out et indoor.
Je reconnais que Line Papin m'a déroutée : son style à la fois linéaire et irrégulier m'a moins accrochée que dans Les os des filles. Pourtant ce serait malhonnête de dire que Toni ne se lit pas : c'est faux. L'intrigue tient la route de bout en bout, l'écriture présente des saillies redoutablement efficaces, des moments de grande sensibilité. Des images fortes restent en tête (en particulier, le destin d'un petit chat ; les descriptions des fêtes nocturnes). Mais je pense qu'il a manqué un discours à ce récit, une âme, un squelette qui fait qu'on sait où on va et pourquoi on y va. Là, j'ai eu le sentiment que Line Papin a hésité entre plusieurs options, a changé d'avis en cours de route, a ouvert une voie à la place d'une autre, sans complètement l'assumer. Ce qui fait aussi que la naïveté finale du héros Ezra sur les secrets de Toni m'a surprise, décontenancée avec le sentiment de "tout cela pour cela". Je n'ai pas non plus été emballée par les héros : aucun ne m'a touchée. Je suis restée à côté de l'histoire, en regardant évoluer ce beau monde à distance, sans rejet mais sans passion non plus. C'est étonnant mais c'est ainsi.
Éditions Le livre de Poche.
de la même autrice : Les os des filles
Jeunesse : D'Or et d'Oreillers - Flore Vesco (entre ** pour le sentiment et **** pour l'écriture et la construction du récit)
Je dois cette lecture après l'avis motivé et motivant de Mokamilla. Et je l'en remercie.
J'ai lu cette histoire avec une grande attention. Même si ma lecture a été agréable, je n'ai pas cessé d'être dérangée par l'entame du scénario : la quête de jeunes filles à passer une nuit dans une chambre obscure, où il se passe des choses qui pourraient toucher à leur intégrité physique, avec l'espoir de plaire à un homme. Cet implicite (qui s'explique parfaitement dans l'histoire) m'a mise mal à l'aise au point que, prévu au départ comme cadeau pour ma cadette, j'ai décidé de garder D'Or et d'oreillers momentanément pour moi et je ne l'offrirai pas. C'est une réaction idiote et déraisonnable de ma part mais je n'arrive pas à m'en défaire. Réaction idiote et déraisonnable puisqu'en des temps reculés, les contes narraient des abandons familiaux, des empoisonnements et des homicides, notre époque actuelle dévoile combien la violence évolue vers d'autres formes. Mais c'est ainsi, l'implicite de base m'a heurtée et je n'ai pas réussi à réfréner ce sentiment (déjà dit).
Bien entendu, D'Or et d'Oreillers a les mêmes qualités d'écriture que De Cape et de Mots : une épopée romanesque fournie et riche, une héroïne courageuse et fine, une vraie anti-princesse, des dialogues savoureux, des références precises aux contes (La Princesse au petit pois dont cette histoire est une réinterprétation-réadaptation contemporaine, Cendrillon, avec un petit côté Blanche Neige - sans les sept nains mais avec la magie et le règlement de compte familial, La Belle et la Bête pour le côté isolé du prince, le côté transformation physique et le timing à respecter). Le scénario est parfaitement huilé, construit avec des personnalités bien marquées comme les positions sociales d'ailleurs : les trois frangines de la noblesse locale, la servante (fille légitime d'un couple mixte de serviteurs), le prince qui n'y connaît pas grand chose aux choses de la vie et fait preuve de maladresse et de curiosité. On retrouve le même rythme des imprévus de De Cape & de Mots. L'écriture de Flore Vesco est impeccable. Il y a des rebondissements, on ne s'ennuie pas. D'Or et d'Oreillers s'appuie sur un standard classique mais c'est exactement l'intérêt de ce roman (ce qui se passe la nuit) qui a produit l'effet inverse chez moi : mon éloignement !
Donc en résumé : à vous de voir et de le lire pour vous faire votre propre opinion (j'ai bien conscience d'être passée complètement à côté de ce conte et d'avoir éprouvé une surréaction psychologique épidermique).
Autres avis : Mokamilla, Antigone,
De la même autrice : De Cape & de Mots
BD : Entrechats - Philippe Geluck **
Entrechats est peut-être la BD de Philippe Geluck que j'ai le moins apprécié de lire. Pourtant, on y retrouve l'humour potache de notre dessinateur belge avec des bulles toujours sympas à lire. Mais j'y ai trouvé une forme de gravité, des chutes qui tombaient un peu l'eau et des blagues avec un humour plus douteux, si rare chez cet esthète des jeux littéraires et au verbe affûté. Bref, Entrechats m'a moins embarquée : un comble, vu son titre !
Alors oui, je me suis posée la question de l'humeur chagrine de l'auteur, si rare dans ses autres albums et si présente dans Entrechats. Plus incisif à l'égard de ses contemporains, plus "caca prout", un humour qui manquait parfois de finesse (un comble chez Philippe Geluck, qui est pour moi un comique dont j'apprécie le trait d'humour souvent raffiné). Bref un Geluck en demi-teinte. Peut-être étais-je aussi dans une humeur à ne pas apprécier le type d'humour déployé ici ? Toutefois, j'ai eu le sentiment peut-être à tort que Philippe Geluck avait choisi les planches de cet album dans un moment plus sombre de sa vie : l'ensemble (les situations, le fond, les phrases, les chutes) manque du peps habituel de l'auteur. Je suis passée complètement à côté de ce best-of !
Restent quelques planches savoureuses comme je les aime, des qui piquent gentillement et avec finesse, des autocentrées rigolotes.
À vous de voir et de lire ... ou pas
Éditions Casterman
Emprunté à la bibliothèque
et ma quatrième participation au défi belge d'Anne (dans la catégorie À suivre)
Du même auteur : Le succulent du Chat