Temps - Wadji Mouawad ***

Oh, la la, the big deception !!! (amis blogonautes, n'ayez crainte, mon blog restera francophone, je suis incapable d'aligner plus de trois mots dans la langue shakespearienne). Mais revenons à mon désarroi (quoique je vais nuancer mon propos de suite, histoire de vendre ce qui reste présentable). Tout d'abord, je hurle : Argh ! (voilà c'est fait) et vous préviens : « Ne regardez pas la quatrième de couverture, sans avoir lu les trois quarts du livre, sinon vous ratez la découverte de tous les secrets » . Certaines quatrièmes de couverture me fatiguent, pressentant le lecteur/ la lectrice potentiel/le comme suffisamment demeuré(e) à ne pas comprendre l'intrigue immédiatement (mais non, ma journée fut bonne, je ne suis point énervée ! ). Heureusement pour moi, je n'ai découvert celle de Temps qu'après avoir fini le livre !
A part cela, j'aime bien Wadji Mouawad et lui resterai infiniment reconnaissante d'avoir écrit un des plus grands livres qu'il m'ait été donné à lire : Incendies une autre pièce de théâtre contemporain extraordinaire (mon coup de cœur 2011). Alors je suis prête à lui pardonner une contreperformance, comme Temps.
L'intrigue se déroule à Fermont, un no man's land proche d'une mine, où subsiste une horde de rats effrayants et envahissants. Au cœur de cette cité mi-prophétique mi-antique, réside la famille de la Forge : Napier le père un soixantenaire fêlé au passé monstrueux, sa fille Noëlla sourde accompagnée de sa traductrice en lsq (langue des signes québécoise) Meredith-Rose, la compagne de dix ans de Napier, Blanche Leblanc, tous en attente d'une expulsion prochaine, liée à une enquête sanitaire et sociale du fait de la proximité ratine. Arrivent deux hommes tous deux alertés par voie postale : le Major Edward Ferland et le Russe Arkadiy Tatarine. L'heure des règlements de compte a sonné.

La prose de Wadji Mouawad reste riche et nourrie par les champs lexicaux russe, anglais et lsq : là, je fais entièrement confiance à l'auteur sur les traductions ! Les dialogues me paraissent percutants, inventifs et intrigants. Mais je suis juste restée en rade, incapable d'être éblouie une seconde fois, mesurant le manque de recul et de discernement de l'auteur, lié aux contraintes qu'il s'est imposées pour cette création : page 4 en avant-propos « ne rien savoir au premier jour des répétitions, temps des répétitions très court, durée du spectacle n'excédant pas deux heures, budget minimal » (car Wadji Mouawad compose son œuvre en direct grâce à sa troupe théâtrale). Sa grande réussite fut d'imposer cette ambiance apocalyptique, son échec devient ce qui faisait auparavant son succès: l'analyse des personnages, leurs tourments, leur passé et les secrets infâmes. Ici, on tombe dans le nauséabond : j'imagine certaines scènes jouées et la réaction probable du public (comme lors de Phaedra's love de Sara Kane : les initiés me comprendront). On reconnait les thèmes de prédilection de l'auteur : l'inceste, la guerre, la violence, la mort omniprésente, la vengeance. Voilà, j'ai apprécié de lire cette œuvre, je reste attachée à l'écriture de ce libano-québécois toujours à l'avant-garde mais pour l'intrigue, il me semble que le coup fut raté !

Livre reçu et lu grâce à une opération de Libfly avec la co-édition Leméac/ Actes Sud Papiers, que je remercie pour cet envoi.

Conversation très intéressante entre Wadji Mouawad et Marie-Thérèse Fortin : il parle d'une création à venir. D'après les dates affichées, je pense à Temps..


4 commentaires:

  1. J'ai beaucoup aimé le film et j'ai découvert ensuite la pièce de théâtre mais je la lirai un jour car cette histoire était d'une force incroyable, la tragédie d'une femme portée par une comédienne immense. Malgré la violence et l'horreur, je reste habité par la profondeur et la beauté de cette femme.

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    1. Merci pour ton avis, Anis, différent du mien. J'en profite pour rappeler l'anecdote suivante: Wadji Mouawad a convié Bertrand Cantat à participer à Temps. A l'époque (l'an passé) cette intronisation fut loin d'être appréciée par tous. Après avoir lu l’œuvre, je comprends mieux les positions diverses.

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  2. Je ne suis pas sûre d'avoir envie de découvrir ce texte.

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    1. Si tu en éprouves le besoin, je pourrais te l'envoyer : je suis bien consciente (du fait de ma réticence) de ne pas motiver grand monde. Mon amie A-L le lit en ce moment pour se faire sa propre idée et surtout pour l'acheter ou non au nom de ma biblio préférée (dont elle assure avec I. et S. le bon déroulement).

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