Clara lit Proust - Stéphane Carlier ***

J'ai découvert la plume de Stéphane Carlier avec Les gens sont les gens (je ne suis pas fan du tout du titre - mais fort heureusement je ne me suis pas arrêtée à ce titre - pour une histoire sympatoche  qui mérite le détour). J'ai très envie de découvrir Le Chien de Madame Halberstadt (la rencontre devrait se faire incessamment sous peu) et en attendant je découvre une Clara qui lit Proust et franchement, c'est un bon moment de lecture qui aurait pu être un excellent moment de lecture si l'épilogue et la fin de l'intrigue avaient autant été travaillées que le reste (et cela me met en rogne qu'un auteur gâche en peu de pages un si beau travail de mise en scène et de mise en place des personnages !)

Clara lit Proust par Carlier 

Quand on ouvre Clara lit Proust (au titre explicite et impeccable), on a l'impression d'être dans le film Vénus Beauté (Institut) de Tonie Marshall mais en version coiffure [avec une atmosphère de bienveillance que ne renieraient ni Anna Gavalda (Ensemble c'est tout) ni Antoine Laurain (Le chapeau de Mitterand, La fille au carnet rouge)]. Même galerie de portraits (côté professionnels de la coiffure : Madame Habib - la propriétaire du magasin, Clara, Nolwenn et Patrick les coiffeurs ; côté clients ou visiteurs fréquents : Lorraine la tenancière du bar d'à côté, Claude Hansen en mal d'identité, etc). Le salon Cindy coiffure (du nom de la fille de l'ancienne propriétaire) est un lieu de vie(s), de rencontres, d'anecdotes (cela cancane dur), d'évolutions en tous genres.

La lecture de ce roman est super aisée : Stéphane Carlier fait le choix de paragraphes courts, alterne les scènes et est économe en mots : c'est bien et cela rend son texte très aéré. Du coup, Clara lit Proust est un roman idéal entre deux pavés ou des histoires bien noires.
Au niveau de la construction de l'intrigue, rien à redire sur les deux tiers du roman. On situe bien les lieux, on positionne parfaitement les personnages, on les distingue bien, les dialogues sont alertes. On comprend comment Clara tombe sous la coupe (littéraire) de Marcel, ce qu'il dit de sa vie à elle, de son intimité. S'il y a une énorme qualité à retenir de Clara lit Proust, c'est que c'est une excellente publicité d'À la recherche du temps perdu : clairement Stéphane Carlier a bossé une partie de cette œuvre majeure de la littérature française et nous propose même le podium des personnages et des tomes préférés de Clara en page 130 de cette édition. En citant à bon escient le délicat Marcel, Stéphane Carlier nous transmet qu'au-delà de la sensibilité et de l'extrême précision des détails avec une plume accessible et sans fioriture outrancière, Marcel Proust était avant tout un fin observateur de ses contemporains et un grand analyste sociétal. De façon plutôt pertinente et humble, Stéphane Carlier traduit l'univers proustien, ses idées principales, la transmission littéraire. De ce fait, Clara lit Proust sert l’œuvre de Marcel davantage qu'il ne s'en sert. Là encore un point fort. 

Non, mon unique regret est qu'après avoir tout installé et fait monter l'intrigue (et cela de façon intelligente), celle-ci retombe comme un soufflet : c'est comme ci Stéphane Carlier avait façonné une bonne recette de cuisine, qu'il avait préparé le four, suivi sa super recette, mais qu'il avait oublié de sortir le plat du four. Le goût final n'est pas cramé mais inachevé. C'est la fin qui pêche vraiment : on n'y croit pas et on n'y croit pas déjà avec la rencontre de Clara et des artistes de rue. Enfin, ce n'est que mon ressenti mais franchement achever de cette façon à la one shot une intrigue tant construite frustre la lectrice que je suis. 

Éditions Gallimard

autres avis : Gambadou

du même auteur : Les gens sont les gens

16 commentaires:

  1. Dommage pour la fin, mais j'ai envie de découvrir ce livre qui donne envie de découvrir Proust.

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    1. Et tu auras raison de te permettre un moment sympa de lecture
      C'est ce qu'offre ce livre qui mérite d'être ouvert.

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  2. On te sens impliquée dans ta lecture ;-) Il faudrait chercher à savoir pourquoi l'auteur a choisi une telle fin...

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    1. Je crois qu'il a voulu bazarder le truc. La fin n'a rien d'original et est vraiment en-dessous du reste. Dire qu'elle dénote du contexte global de l'histoire est faux : Stéphane Carlier ne fait pas de contre-sens mais c'est juste bof. J'étais prête à mettre un **** pour les deux premiers tiers du livre mais ne pas réussir à aboutir à une fin de qualité est rédhibitoire, surtout quand tout au long du roman on cite Proust. PS : je suis toujours à fond dans mes lectures (c'est mon côté passionné qui peut être aussi un gros défaut).

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  3. ça avait l'air bien parti, dommage! Je tenterai peut-être!

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    1. Toi qui aime Avignon (in et off), tu devrais trouver ton compte ... ou pas concernant la fin expéditive de l'œuvre. J'ai vraiment hâte de lire ce que tu en penses.

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  4. Je tenterai sans doute quand même. Est-ce que tu penses que je peux le recommander pour une bibliothèque qui a un public un peu âgé et classique dans ses choix ?

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    1. C'est un livre bonbon, vraiment, feel good avec des thématiques actuelles intelligemment abordées ( la question du genre en particulier, l'évolution d'un couple, la vie en société, notre relation à autrui). Si ton public de bibliothèque est exigeant et aime la littérature du terroir, ce ne sera pas son trip. J'ai offert mon exemplaire à la bibliothèque que je fréquente pour permettre à cette histoire d'avoir un public plus large que ma maison. Et le public de ma bibliothèque est très éclectique en âges et en choix de lectures. Cette histoire passe partout, et fait référence à Proust donc ton public de bibliothèque pourrait y trouver son compte. C'est une lecture facile et pas grandement profonde mais elle est sympa. Je reconnais que la première et très grande qualité de ce bouquin quand on a fini l'histoire est de vouloir découvrir l'oeuvre du grand Marcel. Stéphane Carlier a le mérite de susciter cette envie et d'éveiller à l'univers proustien.

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    2. Merci pour ta réponse très détaillée, je pense que ça devrait intéresser,, les questions de société "marchent" plutôt bien, et la référence à Proust devrait intéresser aussi.

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  5. Je tenterai quand même si je le trouve à la bibliothèque. Je saurai qu'il ne faut pas placer ses attentes trop haut.

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  6. Quel dommage que la fin ne soit pas à la hauteur.

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  7. Je suis moi aussi dans un Carlier, "L'enterrement de Serge". J'avais beaucoup aimé mes 3 lectures précédentes de l'auteur : "Le chien de Madame Halberstadt", "Grand amour" et "Amuse-bouche". Nul doute que je tenterai donc celui-ci également. Après, j'avoue que globalement je ne me souviens pas vraiment des fins de ses romans, c'est plus l'ambiance générale et le bon moment de lecture qui m'ont marquée.

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  8. Je l'ai pris comme une lecture assez légère, du coup la fin s'inscrivait dans ce domaine.

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  9. J'hésitais et je crois que j'hésite toujours. Je n'ai jamais lu l'auteur, ce serait peut-être l'occasion !

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  10. J'ai déjà vu passer ce livre plusieurs fois. Il t'a plu apparemment. Un jour peut-être...

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  11. Malgré tes réticences sur la fin, tu es la première à me donner envie de lire ce titre, sur lequel on voit passer pas mal de notes de lecture !

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