La Ballade de Lila K - Blandine Le Callet ****

Je vais être claire et nette : j'ai longtemps tourné autour de ce roman, et c'est sa sélection à mon prochain comité de lecture qui m'a incitée à le découvrir. Pourtant, je connaissais son succès populaire (j'ai même apprécié la première œuvre de Blandine Le Callet, Une pièce montée). Enfin, maintenant la lecture faite, je vais discourir sur ma notation, car il est évident que ce livre se scinde en deux parties : le fond et la forme. Le premier mérite largement les quatre étoiles, le second (avec un style moyen, peu de lyrisme dans l'écriture) ne dépasse guère le trois ! Bref le mieux pour vous reste de lire La Ballade de Lila K (au titre encore obscur pour moi : une référence musicale ? ou au refrain chanté par la mère de l'héroïne ? ou un jeu de mots subtil qui m'aurait échappé ? Je n'ose subodorer la confusion avec le mot balade qui aurait été plus approprié) pour vous faire votre propre opinion ou pas (c'est vous qui voyez !).
Lila est une adolescente intelligente, photosensible,  enlevée à sa mère toute petite et élevée dans un institut  hospitalier très attaché à ses progrès sanitaires et relationnels, à ses performances intellectuelles. La société dans laquelle elle évolue ne supporte aucun dysfonctionnement, chaque citoyen de l'intra muros est observé à la loupe, quand la Zone est laissée à l'abandon, dénigrée médiatiquement. Aidée par son mentor et thérapeute, le professeur Kauffmann, Lila est bien décidée à gagner son émancipation pour enfin retrouver sa mère et connaître son passé.

La Ballade de Lila K représente un roman d'anticipation. Tout y est décrit de façon naturelle : les codes de bonne conduite, les années 2100 etc, les rituels quotidiens à respecter sous peine d'enclencher l'alarme du Big Brother, une société où chacun agit en espion de son voisin, malade de prévention et de manipulations archivistes, ces thèmes déjà exploités en littérature (la SF s'en donne à cœur joie) ou au cinéma (Minority Report de Steven Spielberg par exemple). Blandine Le Callet a eu ce courage de changer de registre et le traitement final semble satisfaisant. Les personnages sont bien marqués, Lila, petite tête fragile attire la sympathie et l'empathie, les hommes ambivalents jouent avec nos nerfs. Mention spéciale à la race féline qui m'a enjouée (parce qu'elle est sûre de rester libre, quoiqu'il arrive) : toutes ces pelages bigarrés redonnent l'espoir !
Pourtant, je n'ai pas adhéré au style développé par Blandine Le Callet. Certes, elle fait parler une adolescente, mais n'oublions pas que celle-ci est surdouée et possède un vocabulaire élaboré. Il aurait été souhaitable que ses tournures de phrase le soient également. Je déplore l'absence de lyrisme dans les réflexions de l'héroïne, même si celles-ci interpellent le lecteur sur cette société sous pression. La fin aurait mérité un allègement d'une trentaine de pages sans que cela perturbe l'ossature globale des révélations. J'aurais aimé adorer ce roman, j'ai juste apprécié découvrir les souvenirs de Lila.

Éditions Stock

avis : Evalire, Laure, Nadael, Enna, Métaphore, Liliba, Clara, Nina, Aifelle, Alex, Antigone, Agathe, Mélo, EstelleCalim, Keisha,   il manque les liens vers les articles de Kathel et Clara, ceux trouvés étaient défectueux.

emprunté à la biblio 

évasion musicale (inspirée par les personnages L et M du roman)

La femme au carnet rouge - Antoine Laurain ****

Si vous lisez cet article, alors vous pouvez encenser ou enguirlander la blogueuse qui m'a motivée à l'écrire  : il s'agit de Mina ici et ). Bon, restons tout de même honnête, si vous trouvez ma chronique nullissime, ce n'est tout de même pas de sa faute !!!! C'est à l'occasion d'échanges électroniques sur toute autre chose que je tairai ici (top secrète), que je lui ai suggéré ce roman et elle m'a demandé d'en parler sur mon blog. Elle ne savait pas que cela allait donner ça !
Laure Valadier se fait voler son sac à main un soir devant l'immeuble parisien de son appartement : plus de clés pour entrer, un sérieux coup à la tête dû à sa résistance courageuse face à son agresseur, bref, la nuit promet d'être joyeuse. En se réfugiant à l'hôtel du coin, elle s'endort pour un temps certain. Le lendemain, un libraire parisien, Laurent Letellier, retrouve ledit sac abandonné sur une poubelle et recherche la propriétaire à l'aide du contenu restant : un livre de Modiano, un médaillon, du parfum, du rouge à lèvres, des clés etc. La chasse au trésor est ouverte !

Tout me plaît dans La femme au carnet rouge : les personnages sont dignes, l'histoire est très bien écrite, nourrie par des références multiples. La plume d'Antoine Laurain me touche : il ne surjoue pas, il manipule gentiment ses héros, les laisse hésiter, prendre des risques, oser et pleurer. Et puis, appeler un chat Belphégor ou mettre en scène Patrick Modiano en tant que personnage secondaire mais néanmoins essentiel à l'enquête, six mois avant sa distinction suédoise, me semblent des gages de haute qualité visionnaire ! Antoine Laurain s'amuse et nous prenons beaucoup de plaisir à le lire : tout est doux, fragile, tenu. Dans son monde, les adultes se disputent une recette du pot-au-feu, Poutine n'en fait qu'à sa tête (dans la réalité aussi, malheureusement), l'insupportable Chloé offre la plus jolie des ouvertures. Et les dernières phrases, dignes du film Le fabuleux destin d'Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet, placent la virgule finale au bon endroit ! 

C'est un livre qui fait un bien fou et que je vous encourage à déguster.

Éditions Flammarion

de cet auteur : Le chapeau de Mitterand (très bien aussi)

autres avis : Liliba, Deedoux, Bernhard,

emprunté à la biblio


La Trinité bantoue - Max Lobe ****

Mwána galère dans son Helvétie. Originaire du Bantouland, une contrée africaine, il subit de plein fouet la crise économique : congédié sans préavis, il cherche par tous les moyens à retrouver un job, histoire de vivre décemment avec son petit ami Ruedi du genre boulet qui ne se bouge pas, d'envoyer de l'argent à sa mère restée au pays, de s'intégrer au mieux. Partagé entre deux cultures, il va devoir combattre l'émergence d'un genre nouveau, plutôt suspect (les fossoyeurs des moutons noirs) et l'éruption d'un « machin » maternel.

On retrouve le style bien reconnaissable de Max Lobe : un peu d'humour, des thèmes graves, beaucoup de dérision et une écriture profondément lyrique. Les personnages dépeints sont hauts en couleur avec une mention particulière aux femmes extraordinaires : la frangine Kosambela, la mère de Mwána et puis Madame Bauer, véritable bulldozer social comme on en rêve. La Trinité bantoue exprime le lien entre deux cultures (européenne et africaine), fait vivre les coutumes et croyances ancestrales, celles qui plombent ou qui donnent de l'espoir. Via son héros-gueule cassée, Max Lobe donne à travers son texte, une belle leçon d'humanité, de courage et d'abnégation : il nous offre aussi  le temps de quelques pages une magnifique relation filiale. Forcément touchante.

 page 13
« Il y a deux mois, ma sœur Kosambela a décidé de montrer ses terres natales à ses fils, deux beaux métis aux longs cheveux crépus et aux lèvres charnues - 9 et 6 ans. Elle avait toujours eu ce projet en tête... C'est au Bantouland qu'elle allait faire de ces deux petites mauviettes occidentales des hommes. Des vrais hommes. Pas question qu'ils deviennent comme leur père machin-machin-là qui n'a pas de gêne à s'adonner aux tâches ménagères. Il lui est même arrivé de vouloir garder les enfants et de bénéficier, qui plus est, d'un congé paternité. »

SP des Éditions Zoé (194 pages consacrées au texte) : je remercie infiniment Emmanuelle Scordel pour sa patience !

Rentrée littéraire 2014

De Max Lobe, il y a aussi 39, rue de Berne

et un de plus pour les challenges de Denis et de Fabienne

 

Le jeudi, je me dis

Christophe Miossec forever !
image de Christophe Miossec (ici un peu mouillé : oui, je sais, c'était juste pour voir si vous lisez tout ce que j'écris) captée sur le site du chanteur

Non, amis internautes, je ne me clarafie pas : Clara restera notre Clara, unique et irremplaçable ! Je crie juste mon admiration pour cet interprète hors pair, ce poète des temps modernes, qui sait s'accompagner en concert de musiciens franchement talentueux.  

Pourtant, je me suis tâtée pour aller le voir en spectacle : la première fois m'avait enthousiasmée, j'avais peur d'être déçue par la seconde, je trouvais son dernier album Ici-bas, ici même certes réussi mais pas gai-gai. Mais d'un autre côté, comment peut-on être déçu(e) par ce mec si généreux, un taiseux si discret, qui tente des pointes d'humour avec son public fidèle, limite ses commentaires pour offrir à ses spectateurs le maximum de titres ?
Et là, on en prend plein la figure. Parce que Christophe Miossec offre tout ce que j'aime dans un concert : une réorchestration audacieuse de ses hits (passés, présents, en devenir) : je mets au défi les personnes qui ne sortiront pas bouleversées par Des touristes, Nos morts, Essayons (très très fort) ou A l'attaque. Leur résonance dans une salle restera longtemps dans ma mémoire. Oui, Christophe Miossec ne cherche pas les artifices visuels exceptionnels, ce qui compte pour lui se résume à la musicalité de ses textes et c'est énorme. Tous les musiciens se donnent à fond chacun à sa place, chacun indispensable. Alors bien sûr, je n'ai pas pleuré sur Je m'en vais (une gageure pour moi), mais sur Seul ce que j'ai perdu (m'appartient à jamais) et Brest ( je n'ai pas changé !)
Allez-le découvrir sur scène, il est juste magnifique !

un avis très bien documenté : ici

Portrait d'après blessure - Hélène Gestern *****

D'avance, si vous n'avez pas le moral ou de mauvaises idées en tête, je vous propose avant la lecture de cet article, deux liens revigorants qui rappellent les belles humanités bloguesques : c'est chez Galéa, ici, et chez Valérie, , que je remercie pour sa com' d'enfer ! 

Ensuite, je vais vous parler d'un livre qui me tient tellement à cœur que j'ai retardé le moment de concevoir la chronique. Parce que, lorsqu'un roman compte pour moi, je perds mes mots, j'ai peur de mal le défendre. Heureusement, Clara a boosté mon énergie grâce à son avis exemplaire. Je n'ai donc plus de pression, la perfection étant déjà atteinte !
Un homme, une femme, un acte terroriste, une photo volée, une intimité dévoilée et mal interprétée, des journalistes à l'affût, deux ruptures et une réparation.
 
Portrait d'après blessure mérite et porte bien son titre. À l'heure de l'information en continu, où les âmes réagissent trop souvent dans l'urgence et suivant l'émotion plutôt que la sagesse, Hélène Gestern profite de son intrigue pour poser les bonnes questions : quid des corps mutilés, jetés en pâture au reste du monde, sans aucun égard à l'intégrité et au respect des victimes ? Comment des journalistes, peu scrupuleux, peuvent inventer, interpréter des images sans qu'aucune loi ne les contraigne à une obligation de preuves ? Ce livre bouscule, enrichit, réveille :  jamais moralisateur, Portrait d'après blessure nous parle parce que les vecteurs de communication actuels que représentent Facebook, Tweeter et autres réseaux sociaux amplifient ou dénaturent les propos, les images, etc. 


Au-delà de ce couple fictif Héloïse-Olivier, doublement victime, (physiquement d'un attentat dans le métro parisien, psychologiquement en raison d'une longue lutte pour récupérer son droit à l'image), Portrait d'après blessure rappelle tous les scandales médiatiques qui rendent tout spectateur, sous couvert d'informations, pur voyeur d'une intimité mal/non négociée. C'est un livre important puisque que chacun de nous se souvient de victimes qui n'ont absolument pas demandé à être photographiées au moment de leur calvaire.
On pense bien sûr à Kim Phuc, la fillette brûlée au napalm en 1972 ou à Omayra Sanchez, petite Colombienne ensevelie sous la boue, incapable d'être secourue par les autorités de son pays mais bien entourée par des reporters internationaux aux aguets pour narrer heure par heure sa longue descente aux enfers. Le cliché concernant Kim, mondialement connu, fut une preuve physique de l'action américaine pendant la guerre contre le Vietnam. Considéré comme photographiquement parfait et narrativement percutant, il dévoile l'intimité d'enfants choqués par l'attaque chimique américaine dont ils sont les premières et principales victimes et dont ils fuient les retombées, de jeunes êtres humains qui, à mon avis, n'ont pas donné leur autorisation à être présentés ainsi nus à la  vue du monde entier.

Si le journaliste ne doit en aucun cas taire les massacres dont il est le témoin, il se doit d'informer avec éthique. Il est de notre devoir, en tant que spectateurs et lecteurs, de ne pas accepter la violence gratuite, induite sous couvert d'enseignement, mais toujours liée au sensationnel-poubelle.

Trop souvent, dans les journaux télévisés, on ne prévient plus de la violence de certaines images (ces rappels à l'ordre arrivent de temps en temps mais pas suffisamment à mon goût). Il y a quelques années, lors d'un reportage sur des élections africaines, on voyait un milicien toucher du pied un corps retourné : déjà à l'époque, assez choquée, je m'étais posé la question de l'intérêt de cette image (par rapport au sujet), du manque de respect du décédé (assimilé à un cadavre animal par son ennemi), tout cela filmé pour une chaine nationale française.
Ainsi, la clairvoyance se partage... entre diffuseurs et récepteurs !

Éditions Arléa
Collection 1er mille
Rentrée littéraire 2014
Merci à vous, Hélène, pour ce livre-cadeau.
Ce roman important voyage bien sûr ! 

Hélène Gestern écrit très bien et construit un univers littéraire où je me sens bien : Eux sur la photo, La part du feu et ici le petit troisième décrit.

 avis: Clara, Encres vagabondes

Le jeudi, je me dis

que le monde francophone possède de grands auteurs qui maîtrisent l'idiome français et ses usages, le respectent, acceptent ses modifications et ses ajustements, en jouent (Philippe Djian, en particulier) et parfois reçoivent les plus grands honneurs.  
image de Patrick Modiano, captée sur le site Le point.fr
D'un côté, donc, la simplicité, l'excellence, la justesse ; de l'autre, quelques hommes politiques qui auraient bien besoin de cours lexicaux. (oui, c'est bien là, l'ambivalence de mon pays : la cohabitation d'honnêtes gens instruits avec des élus peu respectueux des titres et des convenances, sauf quand il s'agit de préserver le diktat masculin ou bien de retrouver une immunité parlementaire). 

D'un côté donc, Patrick Modiano, Prix Nobel de Littérature 2014 décerné aujourd'hui même à Oslo et, écrivain le plus discret de la planète littéraire française, de l'autre un Monsieur La Députée * qui traite de façon récurrente une Madame Le Président ** (comme si le mot présidente n'existait pas au même titre que député. Que ceux et celles, choqué(e)s par la formulation *, le deviennent tout autant en entendant la ** régulièrement martelée dans le but de nier le genre de la personne qui occupe le poste en question, tout simplement parce qu'une position hiérarchique ne doit pas être sexualisée par un genre plutôt qu'un autre). 

Oui, la célébration de la modestie et de l'intelligence fait un bien fou parce qu'elle permet d'occulter, un temps, la crétinerie de basse-Cour !

Et les gagnantes sont ...

Bon, tout d'abord un grand bravo aux huit participantes de mon jeu-concours spécial troisième anniversaire de Jemelivre. 
Il fallait répondre :
1) Là-bas si j'y suis (honte à France-Inter d'avoir abandonné cette émission qui rendait justement cette radio "différente". La nouvelle grille me convient tellement peu - j'ai l'impression d'entendre RMC ou RTL et c'est insupportable- que je l'écoute de moins en moins.
2) Pascale Clark 
3) Charline Vanhoenacker

J'ai tiré au sort trois papiers
et voici les noms qui sont sortis (du chapeau)
Bravo, Mesdames, je vous contacte de suite pour connaître votre choix de livre ! Bonne journée à tous et à toutes.

Soirée de lancement de J'existe à peine de Michel Quint au Théâtre du Nord le jeudi 1er octobre 2014

Suite à l'entrevue avec l'auteur, je me dirige vers le Théâtre du Nord où sont disposées sur la scène des tables rondes : de gentilles hôtesses nous proposent un apéro (vin rouge, vin blanc) et de quoi nous substanter le temps de la (re)présentation.  Je m'installe, retrouve afbf (contributrice assidue de Libfly.com), écoute l'auteur de J'existe à peine (Éditions Héloïse d'Ormesson) et Gervais Robin, un comédien habitué à travailler avec Michel Quint. Les deux content quelques extraits bien choisis, pour donner envie, sans en dévoiler trop.
Michel Quint assis, devant un verre de vin rouge (excellent, d'ailleurs) et une grosse boîte de fraises Tagada (élément décisif de J'existe à peine)
Le premier morceau choisi présente le narrateur, Alexandre Sénéchal, peu ancré dans la réalité (du fait de son activité artistique qui le fait passer d'un personnage à un autre, en un temps record) et en difficulté existentielle.

Une spectatrice demande à Michel Quint s'il a voulu être comédien. Celui-ci précise que bien qu'inscrit, en son jeune temps, au conservatoire de Tourcoing, il ne s'est pas risqué à une carrière mais reste passionné par le théâtre qu'il a enseigné en lycée.

Puis arrive la présentation de Julius Braeme, prêtre de l'enfance d'Alexandre, celui qui l'a protégé, même si... Michel Quint parle de son absence d'éducation religieuse (même s'il précise facétieusement que ses parents profondément athées lui ont offert un repas de communion, sans la fête religieuse qui va avec, comme cela se fait beaucoup dans le Nord). Il a délibérément choisi ce curé tricheur à l'image de certains footballeurs : il se souvient de prêtres jouant au foot de rue avec des jeunes, cette image a façonné « son » diacre.

Le retour à l'enfance d'Alexandre ne représente en rien une nostalgie (la douleur du retour, en grec) mais une tentative de se reconnaître en l'enfant qu'il était. Avec toujours ce questionnement tragique de l'existence : quand la poisse a-t-elle commencé ? Quel fut l'élément déclencheur ? 
Michel Quint rappelle notre incapacité à maîtriser le destin.
Gervais Robin debout, Michel Quint assis
L'extrait suivant marque les repères physiques de l'enfance, le constat d'un monde disparu (la Lainière de Wattrelos) qui a laissé un désert architectural. Ce retour au pays de l'enfance totalement rasé est une façon de rendre hommage à tous ces métiers disparus.

Puis intervient l'élément Marion dans un marivaudage gastronomique : une des prétendantes d'Alexandre, déjà fiancée à Gaspard, un bidasse professionnel. Marion, sensuelle, voluptueuse, fortunée et au cerveau bien fait.  Elle va financer la reconstitution de la visite de la reine Élisabeth II en 1957.

Léonore arrive enfin : elle loue des chambres d'hôte, en propose une à Alexandre (et plus, si affinités). L'alternative amoureuse se met en place et le cœur d'Alexandre tangue dangereusement. Tout détail compte chez Michel Quint : ici des fraises Tagada, là un violon laissé à l'arrière d'une voiture, la fin de vie de Marcel Cerdan et de Ginette Neveu mise en scène malgré soi, comme une pirouette ultime du mauvais sort. C'est aussi ce qui fait que ce livre tient sur un fil, tel un équilibriste vertueux et assuré : la logique demeure implacable et respectée, aucun défaut n'est à noter, le verbe est haut et teinté aux couleurs locales (nordistes). La boucle est définitivement refermée.

Scène dans l'église où on réalise l'importance des absents : Jean-Marc et Chantal (les parents adoptifs), la mère biologique d'Alexandre, le père de Léonore mort déshonoré. Jamais ces disparitions ne pèsent autant qu'aux noces. Julius a un truc à se faire pardonner et mène sa propre rédemption. Tous les personnages sont liés, accrochés à une même toile d’araignée, qu'il est bon ou dangereux de démêler.

Partners
Et puis arrive en fin de parcours le thème de l'héritage des idéologies de mai 1968, par l'intermédiaire de deux témoins du braquage du tram. Et des questions se posent irrémédiablement : a-t-on gardé la même lucidité, le même esprit de combat ? Est-on devenu aussi pires que ceux vilipendés en 1968 ?

À vous de réfléchir, de répondre et de lire... 

J'existe à peine - Michel Quint **** (+ entrevue avec l'auteur)


Alexandre Sénéchal est un comédien des rues, qui a la particularité d'être transformiste, une espèce d'épigone de Frégoli, qui revient dans la métropole lilloise, en particulier à Wattrelos sur la frontière belge, après avoir vécu un accident dans sa petite troupe et en avoir été éjecté. Il revoit le curé de son enfance qui l'a protégé de parents adoptifs maltraitants. Avec ce retour, une des énigmes du passé va peut-être se résoudre, à savoir l'identité de sa mère biologique.

On retrouve les thèmes chers à Michel Quint : l'identité, la mémoire, le retour à l'enfance, le retour au pays où l'on n'arrive jamais (celui d'André Dhôtel). 

Cadre de l'entretien : il s'est fait sous la forme d'une conversation enregistrée, j'ai essayé de retranscrire le plus fidèlement possible les propos tenus par Michel Quint. (en italique, mon questionnement). J'ai obtenu ce rendez-vous avec Michel Quint grâce à l'étroite collaboration des éditions Héloïse d'Ormesson et le site Libfly.com que je représente ici. L'intégralité de cette interview et l'article de demain seront publiés sur ce site. L'entretien s'est déroulé cinquante minutes avant la soirée de lancement de J'existe à peine au Théâtre du Nord. Pour préparer ce rendez-vous, j'ai reçu en amont un SP de J'existe à peine : au moment de l'interview, il me restait quatre-vingt pages à lire, ce qui explique une analyse incomplète de ma part de l’œuvre. 

Partners

Votre  héros est un clown un peu triste, "orphelin", cassé physiquement (avec un dos douloureux symbole d'une ossature sociale mal aboutie) et issu d'une famille inexistante. Etait-ce un besoin de votre part de retravailler le thème de la famille ?

Michel Quint : C'est quelque chose que j'ai aggravé en quelque sorte, puisque vraiment Alexandre Sénéchal n'existe pas, il n'a pas de véritable identité (sauf une identité d'emprunt), il n'a pas d'empreinte sentimentale non plus parce qu'à chaque fois, il se fait jeter, il n'arrive pas à rester avec une nana, il n'a pas d'identité professionnelle puisque son identité professionnelle c'est d'être presque immédiatement l'autre, d'être certain de ne même pas rester dans un rôle (il est transformiste). Ce qui est transitoire même pendant deux heures pour les autres, représente sa vie : il est constamment dans le passage, dans la fulgurance ! Que peut bien être un homme qui a si peu d'attaches, si peu d'étiquette, si peu de possibilités de se raccrocher au réel ?

Pour le coup, Alexandre Sénéchal est l'archétype du héros pas de bol, parce qu'il a vécu l'abandon de sa mère, la maltraitance de ses parents adoptifs (un couple de pervers) : son enfance est bien sabordée.

Michel Quint : C'est aussi un enfant de remplacement, qui est là pour combler un vide. De toute façon, un enfant adoptif est forcément un enfant de remplacement, parce que c'est un enfant qu'on ne fait pas soi-même, qu'on emprunte, qu'on achète. Alexandre Sénéchal est un enfant d'emprunt.

Le titre, qui est aussi l'incipit du livre est J'existe à peine, parce que le héros emprunte plein de personnalités sans définir la sienne ou bien c'est "J'existe avec peine", c'est-à-dire j'essaie de faire avec ce que je peux.

Michel Quint : Il y a évidemment l'ambivalence. C'est "J'existe tout juste", en reprenant la réplique de Iago dans Othello : « je ne suis pas ce que je suis ».

C'est un personnage qui a du mal à se fixer, et même par rapport aux deux personnages féminins (Léonore et Marion), il tâtonne entre elles deux, il ne sait pas où il en est.

Michel Quint : Là aussi, il est dans l'entre-deux, dans le passage. 

Il est dans le passage et du coup, il ne se construit pas. Alexandre Sénéchal est un héros qui ne se projette pas.

Michel Quint : Il a des rêves déjà foutus, râpés.

Tous les personnages du roman sont bien marqués, on les repère. L'attitude du père Julius Braeme interroge : c'est à la fois le protecteur, le père de substitution, un prêtre particulier qui accepte que le transformiste saborde la scène de la nativité...

Michel Quint : non seulement, il accepte mais il provoque cela. Il est en effet entre le père-papa et le père-curé. C'est un personnage qui a pris Alexandre en affection, qui s'en est occupé. Mais on comprend à la fin pourquoi il s'en est tant occupé. Là, on passe dans le judéo-christianisme, la notion de rédemption, de pénitence. La vie de Julius Braeme est une pénitence. On le voit bien à la réaction de ses ouailles, de ses paroissiennes qui ferment leur gueule. 

Au niveau de l'intrigue, comme En dépit des étoiles, il y a la place à un fait divers (ici, un braquage dans un tram en mai 1968, fait inventé par l'auteur)...

Michel Quint :  J'ai besoin de cet ancrage dans un quotidien vécu par l'homme de la rue. Le fait divers qui se déroule dans les jardins de l'Elysée, même s'il est raconté par Valérie Trierweiler, ne m'intéresse pas, ce n'est pas quelque chose que tout le monde aurait pu vivre. Alors que ce fait divers-là, oui, a des témoins et cette anecdote structure complètement la vie de Léonore et en particulier, celle de Marion.

Ce livre, complètement ciblé dans la métropole lilloise (après En dépit des étoiles, situé à Lille), vous place dans le giron des auteurs du terroir, sans connotation péjorative ou littéraire.

Michel Quint : je déteste cette dénomination ! Je voulais ancrer l'intrigue historiquement, en faire une histoire économique, sociale et locale. Quand on voit que la Lainière n'est plus présente, à part son horloge sise à l'écomusée de Wattrelos, il ne peut pas y avoir de racines historico-économiques lorsque tout est rasé, démoli, enfoui ou transformé. Même les boulots qu'exerçaient les parents adoptifs d'Alexandre, n'existent plus. Comment voulez-vous qu'il soit quelqu'un, ce mec-là ?  

Avant d'arriver dans ces deux projets (reconstitution de la scène de la nativité et celle de la visite de la reine Elisabeth d'Angleterre en 1957), Alexandre Sénéchal est jusqu'au-boutiste. Il bazarde tout, c'est comme si il appuyait sur reset pour renaître en  fait, pour une sorte de re-naissance et re-connaissance.

Michel Quint : Oui, mais c'est toujours dans l'image, dans le papier mince, il n'est pas une femme, il n'est ni la reine d'Angleterre, ni qui que ce soit.

Quand il va voir sa mère, il n'y va pas en tant que lui, il se déguise. Il a peur

Michel Quint :  Il a peur d'exister, il a peur de basculer dans le réel et de devoir montrer une responsabilité dans le réel, parce qu'il faudrait commencer à vivre vraiment, et là on arriverait dans des choses qui durent et cela, c'est paniquant pour lui.

Il ne se projette pas, mais il arrive à trouver un clan qui le protège. 

Michel Quint : oui, mais c'est une entreprise, en plus une entreprise de mirage, qui fonctionne même pas sur un objet fini, parce que ce qu'il recrée, c'est pas La Grande Illusion, mais le tournage de la Grande Illusion.  On est dans la mise en abyme (l'objet s'éloigne, et l'objet, c'est lui).

Comment vous est venu le synopsis de J'existe à peine ?

Michel Quint : J'ai lu les mémoires de Frégoli adaptées par Patrick Rambaud. Et puis, je me suis souvenu de Patrick Sébastien, faisant un gag à sa mère, l'arrêtant en tant que flic et elle ne le reconnait pas. Sébastien/Frégoli, c'est cette capacité à être non-identifiable par son père ou sa mère. Alors si en plus, tu n'as ni père ni mère, alors là, t'es tranquille ! 

Votre écriture est profondément littéraire, vous possédez un style reconnaissable. Particulièrement, dans ce roman, on entend les gens du Nord parler.

Michel Quint : je n'ai pas travaillé mon style, cela fait partie de ma culture profonde. 

Il y a un extrait particulièrement touchant (page 38)

« En scène, je peux écouter les personnages se raconter à moi. Oui, au fond, je ne fais que cela,être disponible pour qu'un type dont l'existence est composée de mots, de souffle disparu aussitôt qu'exhalé, vienne habiter mon corps un petit moment. Je suis une maison à locataires sans bail, une qui en a vu, et qui n'est plus de première jeunesse. Pas lourd de vie, mais ma respiration comme unique bien. »

ou bien lorsque Marion résume Alexandre en "magnifique paumé, écorché, gueule cassée du sentiment"

Michel Quint :  Là encore, il n'y arrive pas. 

J'existe à peine : c'est vous qui avez choisi le titre ?

Michel Quint : Pendant longtemps, le titre était « Alexandre Sénéchal, forain ». J'en ai discuté avec une copine qui ne le trouvait pas fameux. Et elle m'a demandé: "Mais qu'est ce que tu veux dire  avec ta première phrase (J'existe à peine) ? » Ben, il existe à peine, il n'existe pas ! Elle m'a conseillé de la mettre comme titre. C'est aussi simple que cela. 

Et pour la première de couverture ?

Michel Quint : j'ai eu le choix entre quatre projets. J'ai préféré un truc qui attire l'oeil. Il y en avait deux autres qui étaient très jolis, avec des dégradés, des échelles de corde (pour rappeler le cirque) mais qui ne se seraient pas démarqués dans les salons littéraires ou les librairies. 

Celle d'En dépit des étoiles était splendide, elle représentait bien l'élément (l'eau de la Deûle). Là aussi... 

Michel Quint : Mais en même temps, il ne faut pas que la couverture soit une redondance. Le prochain livre s'appellera Fox-trot, un roman noir.

C'est quoi votre fréquence d'écriture ?

Michel Quint : Entre deux romans, il faut compter un an et demi. Mais entre deux, je publie aussi un roman noir. J'écris tout le temps.

Et comment va se dérouler la soirée de lancement de J'existe à peine au Théâtre du Nord ?

Michel Quint : avec Gervais Robin (comédien), on va lire des extraits et on parle du thème qui transparaît à chaque fois, voir les réactions de l'auditoire.
                                                                                                               Fin de l'entretien
                                                                                                             (la suite, demain !)

J'existe à peine
Michel Quint
Éditions Héloïse d'Ormesson
Rentrée littéraire 2014

Tag défi positif #3

Après le numéro 1 et le numéro 2, voici le numéro 3 (et donc le dernier ! J'adresse un énorme merci à Emma car se prêter à l'exercice est vraiment très très sympa et fait du bien)
image captée sur le site http://www.patrickfontaine.org/tag/bonheur/
Journée d'hier (vendredi donc)

1) Accompagner la classe de mon aînée à une réunion de sensibilisation sur le handicap et découvrir l'empathie et le questionnement touchant du groupe m'ont ravie. Je me dis que ma fille est bien dans ce collège public qui accueille des élèves en situation de handicap, qu'elle va s'ouvrir à toutes les formes de différence pour ne pas devenir indifférente (ou du moins, le plus tard possible, je croise les doigts). 

2) Sur les conseils de Syl, j'ai mangé cinq capucines (après les avoir bien nettoyées !) pour la première fois de ma vie et j'ai été assez surprise par le goût fort qui s'en dégageait. Comme quoi, on peut être toute mignonnette et avoir une sacrée poigne !

3) J'ai pratiqué quatre séances de zumba cet été et au moment de la relaxation, on a eu le droit à cette splendeur que vous connaissez sûrement. Je l'écoute en boucle, je ne m'en lasse pas : ce son me parle, cette histoire m'a concernée une fois dans ma vie, j'aime tout !

Bonne journée à tous et à toutes !

Je vais faire une entorse au règlement de ce tag : je sais que Jérôme ne souhaite pas désigner de personnes (même si il a parfaitement joué le jeu et je l'en remercie) et j'ai la conviction que Sylire, qui semble attachée à la transmission de ce tag (au vu des commentaires qu'elle a laissés chez les uns et les autres), taguera avec ardeur et joie : aussi je te désigne, Sylire, pour mener à bien cette mission !!!!!

piqûre de rappel #3 : un livre en format poche à gagner (celui que vous voulez) et ce, jusqu'à demain inclus : c'est ici que cela se passe. 

Tag défi positif #2

Après le numéro 1, voici le numéro 2 !

image captée sur le site http://www.patrickfontaine.org/tag/bonheur/
Journée d'hier (jeudi, donc)

1) Retrouver mes petits bacheliers de juin à l'occasion de la remise de leur diplôme me met en joie : c'est une soirée que je ne manquerais pour rien au monde (surtout quand le contact fut vraiment chaleureux tout au long de l'année passée). Savoir ce qu'ils deviennent après le lycée, connaître leurs premières semaines en prépa (médecine, scientifique, littéraire ou économique), à l'université, en BTS ou en DUT. Les (re)garder une heure ou deux et puis se redire au-revoir sans serrement au cœur cette fois, parce qu'on a pris le temps de se quitter.

2) Boucler ma recherche sur mon devoir du lundi en deux heures et demi (bon, pour être tout à fait honnête, je ne suis pas totalement satisfaite d'une de mes réponses à la première question donc je vais sûrement retravailler mon raisonnement), là où au début de ma reprise d'études, il me fallait cinq heures ! Franchement, je progresse et j'en suis ravie.

3) Revenir de l'école avec la trottinette de ma cadette : je ne savais pas en faire en septembre et je stabilise nettement mieux !!!!   


Bonne journée à tous et à toutes !

piqûre de rappel #2 : un livre en format poche à gagner (celui que vous voulez) et ce, jusqu'à ce dimanche inclus : c'est ici que cela se passe. 

Tag défi positif #1

Taguée par Dame Emma, je suis ravie de me lancer ce défi : citer trois choses positives de ma journée, et ce trois jours de suite !
image captée sur le site http://www.patrickfontaine.org/tag/bonheur/

Je commence par ma journée d'hier (mercredi)

1) Rencontrer Michel Quint, parler de son dernier livre paru (J'existe à peine), le questionner dessus et l'entendre conter certains extraits (avec un verre de rouge à la main) : franchement, j'ai connu des soirées pires que celle-là !

2) Faire la course avec les chenilles qui bouffent mes capucines (celles de Syl). Comme je respecte la nature et ses cycles, je les déplace une à une et le lendemain, rebelote ! Vous allez me considérer comme fada, mais j'adore ce moment-là : je les vois grossir, j'espère bien qu'elles vont devenir de splendides papillons !

3) Je vais à la fac à vélo tous les jours, il fait beau, il fait bon, j'en ai pour quinze minutes sans stress et sans polluer : que du bonheur !

Je continue l'exercice demain et après-demain et j'en profite pour taguer à mon tour Syl, Une Comète et Jérôme. Des bises à tous/toutes.

piqûre de rappel #1 : un livre en format poche à gagner (celui que vous voulez) et ce, jusqu'à dimanche inclus : c'est ici que cela se passe.