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Nous et les oiseaux - Carino Bucciarelli (entre *** et ****)

Sincèrement je ne m'attendais pas à grand chose en ouvrant Nous et les oiseaux. A priori un polar d'après la quatrième de couverture. Et quand j'ai refermé le bouquin, ma première réaction a été : mais quelle prise de tête, mes amis, mais quelle prise de tête ! Mais le pire dans cette histoire est que j'en redemande et que je recommande ! Parce qu'être bluffée à ce niveau-là, tout déconstruire, tout rassembler pour tout reconstruire ... il faut un sacré talent littéraire pour amener le lecteur à une telle expérience intellectuelle. Et visiblement, Carino Bucciarelli en a à revendre !

C'est l'histoire d'un homme, Stéphane Delatour, qui embarque sa petite famille (Olga sa femme et ses deux enfants Irina et Gabriel) sous une route enneigée. Et pas de bol : la voiture dévisse. Résultat : Stéphane Delatour va chercher des secours et là sur le chemin, où il n'y a pas âme qui vive, il croise un anorak rouge et se dépêche de s'en éloigner pour contacter au plus vite une dépanneuse qui arrive, le récupère... Sauf que la voiture avec femme et enfants à bord entre temps a disparu. 

Et là on embarque dans un univers complètement barré de chez barré. Comme je l'ai déjà dit, résumer Nous et les oiseaux n'est pas simple. Pourtant je vous conseille cette lecture étonnante, qui sort des sentiers battus, précieuse dont la forme de narration qui se veut linéaire mais ne l'est pas complètement, est suffisamment rare pour être découverte. 

Dans Nous et les oiseaux, j'ai trouvé d'énormes similitudes avec l'univers de David Lynch : le même côté barré, les mêmes éléments qui reviennent (l'anorak rouge, les mésanges, le côté obscur et sombre, le nom de famille qui se duplique à l'envi, l'espace-temps qui se construit en parallèle et se déconstruit,  les silences et les personnages étranges souvent seuls : une commissaire suspicieuse, un dépanneur qui dépanne pas uniquement les voitures, un inspecteur qui veut comprendre, une sœur spéciale et très complice. 

Comme un scénario réussi lynchien, Nous et les oiseaux pose autant voire plus de questions après visionnage/lecture qu'avant : c'est ce qui fait la richesse et la prouesse de la création, sa longévité aussi.

En tout cas, chapeau bas à l'auteur Carino Bucciarelli qui a su m'embarquer complètement : Nous et les hommes était un pari littéraire très risqué qui a été relevé avec maestria ! J'espère qu'il y trouvera son public parce qu'il le mérite vraiment.

Éditions MEO

Lu en service de presse : je remercie la maison d'édition MEO pour cet envoi.

et ma première participation au défi belge d'Anne dans la catégorie Noir corbeau

Nymphéas noirs - Michel Bussi *****

Voilà un livre offert de multiples fois sans l'avoir lu, avec le retour enthousiaste de mes proches gâtés et ravis du cadeau. Après un désert littéraire lié à des déconvenues successives, je me suis dit qu'il n'y avait pas de raison que je me prive d'un tel joyau, qu'après tout, moi aussi, je méritais une lecture simple, efficace, pas prise de tête, un bon gros polar frenchy, un succès qui collectionne les prix... 

Mais que n'avais-je pas imaginé ? Parce que sous son allure "d'enquête un peu barrée avec une vieille sorcière, une petite artiste en herbe, une instit' qui met le feu avec ses yeux", j'avais osé supputer un fait divers simplet, une histoire rectiligne, qui ne demande à aucun de mes neurones de fonctionner (surtout en vacances). J'ai même pensé un temps, perfide : "eh, eh, ce personnage ne sert à rien" ou bien "cette scène n'est pas possible dans la vraie vie parce qu'on ne peut pas pas consulter les dossiers comme cela, surtout maintenant. Monsieur Bussi, vous vous plantez !" (oui, oui, je peux vraiment être mesquine) avant que la connection cérébrale (plutôt longue, en ce moment) perturbe mes railleries et me plonge dans un total désarroi : "non, Phili, c'est toi, Cocotte, qui commence à comprendre... Seulement, cinquante pages avant la fin !"  Oui, ce n'est pas glorieux !
Bref, j'ai eu tort sur toute la ligne (comme cela m'arrive rarement : si, si je vous assure !) et j'en suis ravie (comme mes potes).
Un ophtalmologue pas du genre fidèle est retrouvé mort à Giverny, village par excellence du peintre Claude Monet, dont il était un fervent passionné. L'enquête piétine et se scinde rapidement en trois parties : les rendez-vous galants, les enfants et la peinture (les chers Nymphéas). Tout y est mais dans des espaces-temps parallèles au cours desquels le chien Neptune et des rubans d'argent servent de passerelles.

Sans trop en dire, et là clairement on peut me taxer de taiseuse, Nymphéas noirs est un policier grandiose. Si, si, j'emploie rarement cet adjectif mais là, il est totalement mérité et justifié. Je pense même, qu'à l'instar de Pierre Lemaitre, Michel Bussi possède une écriture et une ingéniosité qui le mèneront au prix Goncourt un jour (ce roman frise l'intelligence tout du long). Il y a un souffle épique dans ce texte, une référence aux mythes, une poésie dans la prose, la capacité à rompre continument mais sans fracture. Il y a une façon d'émouvoir sur cette "réparation"Nymphéas noirs représente un lent mais juste cheminement d'une femme vers la liberté et le bonheur amoureux, aidée en cela par une vieille camarade qui a apprécié et remercié son honnêteté. 
L'art dans tous ses états 
Tout est beau dans cette œuvre de Michel Bussi : les mots, les sous-entendus, les détails jamais laissés au hasard (tout compte : MB est un écrivain de l'essentiel), l'histoire emberlificotée (liée à une construction du récit maîtrisée), la violence contenue sans excès de descriptions morbides. Tout y est jusqu'aux noms. Tout simplement remarquable !     

Éditions Pocket
A tous prix 
autres avis :  Valentyne, Aifelle, Alex, Galinette, Philippe Dester,

et un de plus pour les défis de Shel (parce que la peinture en devient une héroïne et que ses artisans historiques y prennent toute la place) et d'Aspho (prix des lecteurs du festival Polar de Cognac, 2011)

Travail soigné - Pierre Lemaitre ****

J'ai ce LV d'Une Comète depuis quelques années et il m'a manqué trois heures de lecture pour que je lui remette en direct : c'est ballot, non ?
Deux corps meurtris et totalement décomposés sont retrouvés en banlieue parisienne. Vu l'état de l'appartement et la sauvagerie dont a/ont fait preuve le/les meurtrier(s), la police décide de mettre les bouchées doubles (bon, avec les moyens du bord : l'austérité des effectifs déjà se fait sentir). Sauf que pour arranger le tout, d'autres meurtres passés et irrésolus présentent des similitudes avec ce double assassinat et la presse du fait divers guette la bonne information à donner, quitte à corrompre la poursuite des investigations.

Ce premier roman écrit par Pierre Lemaitre est un polar bien noir, bien sanglant dont certaines scènes peuvent tellement choquer le lecteur, qu'il paraît souhaitable de sauter des lignes (ce que je n'ai pas hésité à faire). Véritable hommage littéraire aux grands classiques du genre policier tels Le dahlia noir de James Ellroy (lu, dévoré, comme les trois autres ouvrages qui forment avec lui le quatuor de Los Angelès) ou bien American Psycho de Bret Easton Ellis (l'extrait m'a suffi : je ne surmonterai pas l'épreuve d'autres descriptions sanguinaires, tout chef d’œuvre qu'il fût), Travail soigné déroule une enquête particulièrement éprouvante de Camille Verhoeven, commissaire de petite taille (1m45 : là, j'ai tiqué). 

Travail soigné est très bien écrit, j'entends par là qu'il est rédigé dans une langue propre, nourri de références littéraires non pompeuses et justifiées par l'intrigue. Pierre Lemaitre varie les plaisirs et les exercices de style : correspondances épistolaires, articles de journal, dialogues incisifs, narration type du roman policier. Honnêtement, pour une première œuvre, Travail soigné est remarquable : l'auteur a soigné ses personnages bien marqués et facilement repérables, assure une intrigue sans trop d'incohérences (même si elle mériterait un petit nettoyage à sec). Je remercie d'avance Pierre Lemaitre de m'avoir épargné la description pointilleuse de la dernière scène.


Toutefois, trois détails m'ont dérangée.
1) La petite taille du commissaire Camille Verhaeven  ne pouvait pas lui assurer ce statut de policier. En effet, avant le 10 août 2010, les candidats aux différents concours de la Police Nationale française devaient présenter une taille supérieure ou égale à 1m60. Travail soigné fut publié en 2006 aux éditions Le Masque, bien avant le vote de cette réforme majeure.

2) Camille Verhoeven semble particulièrement sourcilleux sur les détails. Or, deux suspects paraissent tellement évidents et ce, dès les cent premières pages. Le premier est évacué en raison d'un témoignage féminin peu crédible (comme si le bonheur des uns pouvait détruire les autres, même suicidaires). Occulter le second m'a paru proprement hallucinant et même, sous le prétexte abscons de scandale médiatique. Je pense que des amateurs de polar ont réagi comme moi : les arguments présentés pour dédouaner ces deux hommes me paraissent aussi fins que du papier à cigarettes. Pire : l'équipe policière complète démontre un amateurisme béant (une confiance aveugle en chacun, malgré des détails stupéfiants et précis, etc).

3) Camille Verhoeven communique son adresse postale au meurtrier : déontologiquement, c'est pas terrible !   (surtout quand il s'agit d'un serial killer bien fêlé).

En résumé : du très bon polar hyper violent, un auteur avec une plume efficace et lyrique, une enquête qui aurait mérité un raisonnement en béton et sans faille.
Éditions Le Masque

énorme merci à Ma Comète pour ce prêt extra-longue durée !

avis : Argali, Liliba, Enna, Sandrine, Lisa, Philippe, Valérie, ClaraAlex, (les filles, je n'arrive pas à capter les liens vers vos articles)
et un de plus pour les challenges de Daniel et d'Asphodèle (prix du premier roman du festival de Cognac en 2006)
Premier roman 2015A tous prix