[BD] Cinq mille kilomètres par seconde- Manuele Fior

Cinq mille kilomètres par seconde raconte l'histoire d'une vie puis d'une autre, d'un couple qui s'installe et qui se quitte, deux itinéraires qui se croisent à des époques charnières de l'existence.


J'ai vraiment adhéré au graphisme et aux couleurs employées par Manuele Fior : c'est pour moi la force de cette lecture. À chaque planche, une évasion et à chaque endroit une couleur principale. J'ai trouvé l'histoire classique comme nos vies : rien de superflu, rien d'exceptionnel. C'est aussi l'autre force de ce livre : celle de ne pas nous sortir de nos conditions humaines, celle de ne pas en faire trop. On y trouve des personnes qui font des choix, qui fuient quand la réalité demande du répondant et du caractère, qui fuient sans se sentir responsables dans la rupture. 

J'ai regardé ces personnages sans éprouver la moindre empathie à leur égard, je pense que mon côté hyper installé et mon besoin de sécurité affective se confrontent à l'instabilité courante et constante chez Lucia, à sa liberté assumée (ce qui est bien) teintée d'égoïsme (ce qui l'est moins). Si je comprends certains choix bienvenus pour assurer un équilibre psychologique intellectuel, j'adhère moins à d'autres choix faits qui vont impacter sérieusement d'autres protagonistes qui n'ont rien demandé du tout (cf le souvenir que ramène Lucia de Norvège). Et je ne dis pas que j'ai la juste façon de voir, parce que l'émancipation de Lucia montre aussi des qualités : celle de s'éloigner avant que les choses empirent, celle de rester cohérente avec une certaine image de la vie mêlée d'insouciance et d'apesanteur. Restent vraiment les images, le graphisme, l'ambiance qui servent le récit, voire le subliment. Reste aussi un traitement un peu sévère sur une génération de jeunes adultes qui veulent avant tout vivre l'instant présent en harmonie avec eux-mêmes en limitant les contraintes (même si on voit bien que cette forme de raisonnement a ses limites morales aussi).

Ce roman graphique a reçu le prix Fauve d'Or du festival littéraire d'Angoulême 2011 (il reste d'actualité et expose à sa façon et par cette histoire les conflits philosophiques entre générations, par l'interprétation que s'en font ses lecteurs.)

Éditions Atrabile

Emprunté à la bibliothèque 

avis : Enna, Anne, Noukette

[Poésie] Quelques - Albane Gellé ****

 D'Albane Gellé, j'avais découvert et grandement apprécié le très beau Si je suis de ce monde. Au détour d'un passage en bibliothèque, je plonge dans la lecture de Quelques. Trente-six pages et souvent cinq lignes, Quelques présente des humanités rencontrées lors d'une résidence d'autrice qu'a connue Albane Gellé fin 2002- début 2003 à Rennes. Cinq lignes, c'est définitivement peu pour dire l'essentiel et pourtant certains paragraphes sont si justes qu'en quelques mots, Albane Gellé narre un quotidien, une inquiétude, une réflexion, par ses rencontres avec les habitants du quartier du Triangle rennais. Certains paragraphes touchants m'ont réellement accrochée. À chaque fois, j'ai lu ces instantanés de vie avec application, parce que la prose d'Albane Gellé est nourrie et ne tombe jamais au hasard, parce que Quelques recèle de splendeurs tout simplement.

page 8 :
À la télévision, des hommes en carton,
leurs voix théâtre s'adressent à des maris
qui sans rien dire les regardent, et ne font
pas la vaisselle. Quel boucan dehors,
pour des fenêtres neuves. 

page 24 :
Offrant du jus de pomme, il ne croit
pas en Dieu, il voyage il chemine entre
deux terres brunes, deux langues, deux
mers, il se sent partagé.

page 25 :
Tout de suite après bonjour, et toute
emmitouflée, elle s'excuse pour son
mari absent, sans lui elle ne voit pas
quelle conversation, quand il arrive, elle
s'efface.

Éditions L'Inventaire

Emprunté à la bibliothèque

De la même autrice : Si je suis de ce monde

De nos blessures un royaume - Gaelle Josse (entre *** et ****)

Lire Gaëlle Josse est toujours synonyme de petit bonheur littéraire parce que cette autrice essaie de varier le cadre de ses romans, d'en adapter l'écriture et de nourrir chaque intrigue d'une bibliographie conséquente ou suffisante. De nos blessures un royaume ne déroge pas à cette règle. 


Agnès, danseuse professionnelle, se décide à quitter brusquement son quotidien pour un voyage, une quête. Au cours de son périple (bus, autocar, train), Agnès va dévoiler l'objet de son périple et se dévoiler aussi. D'elle, on découvrira à la fois la force et les fêlures, son parcours dans la danse, ses contemplations, ses réflexions et son amour ; de ce livre, on apprendra l'existence d'un lieu européen insolite qui permet le cheminement et la conclusion. Et puis on découvrira aussi une autre intimité émouvante.

De nos blessures un royaume, j'ai apprécié les images et le voyage, j'ai visualisé les instants de vie d'Agnès, ses expériences et ses souvenirs, ses apartés sur les rituels culturels de divers pays : l'écriture de Gaelle Josse est explicite et instruite, sans être encyclopédique. J'ai aimé lire une écriture déliée, débridée comme si Gaelle Josse autorisait sa plume à se libérer. Si j'ai été un peu moins fan de la prose employée pour l'autre histoire sous-jacente - ce qui s'explique justement- , j'ai été touchée par la simplicité et la douceur des liens familiaux grâce à la description de scènes du quotidien et des escapades tantôt initiatrices tantôt fragilisantes. 

Au cours de cette lecture, j'ai pensé au splendide La nuit tombée d'Antoine Choplin pour la quête intime, le lien avec un objet transitionnel et le lien à une enfant fille. Et cette allusion qui a été convoquée chez moi sûrement à tort est de bel augure.

De la même autrice L'ombre de nos nuits   - Le dernier gardien d'Ellis Island - Les heures silencieuses - Noces de neige - Nos vies désaccordéesUn été à quatre mains - Une femme en contre-jour  -  Une longue impatience

[RDV en chansons] - Mars 2025 - Dis-moi que tu m'aimes by Zaho de Sagazan

Chaque premier mercredi du mois, avec Anne, nous vous proposons de mettre à l'honneur des chansons en langue française.  

Pour ce mois de mars 2025, j'ai d'abord pensé à un duo et Anne m'a justement rappelé que le 8 mars était proche et donc, place aux femmes ! 

Zaho de Sagazan : on ne présente plus cette perle musicale de l'Ouest, bondissante et rafraichissante, intelligente et percutante, tellement naturelle, tellement sensuelle, tellement vraie, si généreuse. Découverte ici et confirmée (un très grand merci, Aifelle,  pour ton éclectisme musical et tes belles trouvailles du dimanche (et des autres jours aussi ! )), Zaho de Sagazan raconte des histoires à son public, lui révèle la genèse de ses chansons, les incarne et donne tellement à ce public en live, elle est formidable ! Cette artiste impressionne par sa gestuelle, ses chorégraphies, sa capacité à se mouvoir, avec une diction limpide et une voix empreinte d'émotions, par la variété des thèmes musicaux et la qualité de ses textes. Une artiste multi-lauréate de Victoires de la Musique, une artiste qui se renouvelle.

Grâce au visionnage en février 2025 d'un concert de Zaho de Sagazan dans l'émission Culturebox sur France 4 (merci à cette chouette émission de diffuser de tels spectacles à heure de grande écoute !), j'ai fondu devant Dis-moi que tu m'aimes, une petite splendeur en concert et un chouette moment en studio (comme ici présenté).... des respirations, des retenues, des "mmm" retentissants, des "mmm" délicats qui veulent bien dire "Aime" ... Superbe tout simplement, à l'image de cette grande dame de la chanson française !

Et merci à Anne de mettre ainsi les chanteuses à l'honneur.


Je ne peux pas croire que tu m'aimes
Je t'en prie, dis-le quand même
Dis-le encore, dis-le plus fort
Peut-être qu'au fond, au fond j'ai tort
Et que tu m'aimes, alors.
Alors dis-le sans t'arrêter ,
Dis-le encore, faut répéter pour que ça rentre.
Dis-le encore, je veux l'entendre d'une autre façon,
Faut me surprendre pour m'aimer.

Mais je, mmm, non, je n'peux pas croire que tu m'aimes
T'as beau l'avoir chanté, l'avoir crié sur tous les toits.
Moi non, je n'te crois toujours pas, alors qu'est-ce qu'on fait là ?

Mmm, alors ? Mais dis-le moi, dis-le moi, dis-le moi, dis-le moi, dis-le moi.

Car moi, j'en ai vécu des amours malheureux
Paroles aussi belles que mensongères
Ces paroles et paroles légendaires
Oh moi, j'en ai vécu des amours miséreux
Alors, prends-en soin
Prends soin du cœur que tu as entre les mains

Et dis-le moi, dis-le moi, dis-le moi
Dis-le moi que tu m'aimes, ah-mm-mm-mm
Dis-le moi, dis-le moi, raconte-moi comme tu m'aimes, ah-mm-mm-mm
Dis-le moi, dis-le moi, dis-le moi, ce « je t'aime ».
Alors, dis-le moi, dis-le moi
Dis-le moi que tu m'aimes, ah-mm-mm-mm.
Dis-le moi, dis-le moi, raconte-moi comme tu m'aimes, ah-mm-mm-mm.

Dis-le moi, dis-le moi, dis-le moi, ce « je t'aime ».
Alors, dis-le moi, dis-le moi,
Dis-le moi que tu m'aimes, ah-mm-mm-mm.
Dis-le moi, dis-le moi, raconte-moi comme tu m'aimes, ah-mm-mm-mm.
Dis-le moi, dis-le moi, dis-le moi, ce « je t'aime ».
Alors, dis-le moi, dis-le moi,
Dis-le moi que tu m'aimes, ah-mm-mm-mm.
Dis-le moi, dis-le moi, raconte-moi comme tu m'aimes, ah-mm-mm-mm.
Dis-le moi, dis-le moi, dis-le moi, ce « je t'aime ».

Je t’aime…. mm-mm-mm

Paroles et musique : Zaho de Sagazan