[Jeunesse - Théâtre] Cosimo - Jean-Yves Ruf ***

Suite à une dispute familiale, le jeune Cosimo prend la décision de la hauteur : celle de vivre dans les arbres, pour s'éloigner d'une brute de père et d'une famille défaillante, et d'une voisine malveillante. Raconté par Biagio (le frère, celui qui encaisse pour soulager son frère) et Viola (la voisine au défi improbable, Cosimo s'adapte à sa nouvelle vie, étend son territoire, osculte la nature, adopte un nouveau langage. Les semaines passent et tout le retient. 

Cette pièce de théâtre présente un langage familier, accessible pour tous. Largement inspiré de Le Baron perché d'Italo Calvino, Cosimo fait preuve de modernité. On sent bien que le héros (même si on entend peu ses sentiments et ses émotions) a choisi l'isolement comme protection, malgré un entourage fraternel attentif (du moins du côté du frère). J'ai apprécié les étapes d'appropriation du nouvel environnement, l'état contemplatif de Cosimo des arbres et des autres "habitants". J'ai été un peu moins fan de l'atmosphère oppressante et malveillante à son égard que ce soit de la part de la famille et de Viola (tout au moins au début), même si cela peut se comprendre, car cette histoire relève bien d'un conte, souvent cruel pour son héros ou son héroïne. L'auteur Jean-Yves Ruf indique s'être largement inspiré des improvisations des comédiens et comédienne qui ont incarné les rôles. J'ai trouvé le traitement intéressant et cohérent. Toutefois, l'âge cible "à partir de 9 ans" me paraît un peu prématuré.  

Éditions Lansman Jeunesse 

Service de presse lu grâce à la Masse critique Littérature de Babelio en partenariat avec les éditions Lansman Jeunesse : je les remercie pour cet envoi et de cette découverte très intéressante, qui m'a sortie de ma zone de confort.

DJ Bambi - Audur Ava Olafsdotti (entre **** et *****)

DJ Bambi est une oeuvre importante d'Audur Ava Olafsdottir, certainement la plus politique, celle où l'autrice réussit avec talent à nous faire vivre les émois, les questionnements, la souffrance continuelle de vivre dans un corps - celui de naissance - qui ne correspond pas à son genre le plus intime, à son identité. Dans DJ Bambi, on écoute la voix de Logn, né V., ses tourments, sa vie, ses espoirs d'opération. Par son prisme, on découvre son itinéraire familial et amoureux, la déflagration dans son cercle le plus intime de son identité réelle, le rejet d'un grand nombre (mère, sœurs, fils, ex-femme) et l'affection continuelle du jumeau (celui qui a tout compris depuis le début). 

 

DJ Bambi est un livre inspirant sur l'identité de genre, sans tomber dans le grotesque, ni dans la mièvrerie. Avec délicatesse et intelligence (comme toujours), Audur Ava Olafsdottir dresse un beau portrait d'une femme née avec les attributs d'homme, qui n'aspire qu'à être elle et à être reconnue comme telle. Beau et essentiel. 

Éditions Zulma 

Excellente traduction de l'islandais d'Éric Boury

Autres avis : Cathulu, Jostein

De la même autrice

[BD] Je suis leur silence - Jordi Lafebre (entre **** et *****)

À l'instar de l'excellent Malgré tout, Je suis leur silence présente une héroïne exubérante, qui fait fi des conventions et des convenances, une psy qui a besoin de suivi parce que borderline est son second prénom. 

 

Eva est psychiatre et sujette à des troubles de personnalité(s). Suite à des bavures, elle est suivi par un de ses confrères chargé d'évaluer sa santé mentale et sa capacité de discernement. À l'occasion d'une séance, elle raconte la semaine vécue, une semaine riche en événements (une invitation tragique qui se finit en enquête).

Bien entendu, Je suis leur silence présente une héroïne haute en couleur, complètement frappadingue et qui ne cesse de dépasser les limites, en particulier déontologiques et légales. Son trouble justifie une attitude déraisonnable mais Eva est attachante et intelligente, capable de se mettre dans des situations embarrassantes voire dangereuses, qu'on lui pardonne tout. L'histoire est agréable à découvrir. On sent le travail bibliographique de Jordi Lafebre pour rendre son propos consistant, sur l'univers du vin, la maladie mentale et le commerce. Il y a aussi l'intervention de trois voix à découvrir mais si indispensables pour comprendre Eva. L'enquête menée est bien introduite et construite : le scénario est solide. Comme dans Malgré tout, j'aime les couleurs et le graphisme de Jordi Lafevre et j'admire son intelligence et son application à élaborer un univers recherché et riche, qui instruit son lectorat tout en le divertissant. A lire pour passer un beau moment de littérature.

Éditions Dargaud

Traduction de Geneviève Maubille. 

Du même auteur :  l'exceptionnel Malgré tout

[RDV en chanson] Octobre 2025 - Octobre - Francis Cabrel

Pour le rendez-vous chanson en langue française du mois de septembre 2025 qu'on vous propose avec Anne, vous trouverez une chanson contemplative et descriptive de Francis Cabrel. Une chanson presque naturaliste, qui prône les doux moments de partage en duo, avec des enfants pas très loin non plus ("quelques dessins sur la buée des fenêtres."). 

Je pense que je ne vais pas justifier le choix de cette chanson : son titre suffit ! 

J'adore Octobre qui date de 1994, issue du sublime album Samedi soir sur la Terre de Francis Cabrel. J'y suis très attachée parce que cette chanson illustre et sublime le mois d'anniversaire de trois lumières de ma vie, des "enfants du Nord". 


Le vent fera craquer les branches.
La brume viendra dans sa robe blanche.
Y'aura des feuilles partout,
couchées sur les cailloux.
Octobre tiendra sa revanche.

Le soleil sortira à peine.
Nos corps se cacheront sous des bouts de laine.
Perdue dans tes foulards,
tu croiseras le soir
Octobre endormi aux fontaines.

Il y aura certainement
sur les tables en fer blanc
quelques vases vides et qui traînent,
et des nuages pris aux antennes.

Je t'offrirai des fleurs
et des nappes en couleurs
pour ne pas qu'Octobre nous prenne.

On ira tout en haut des collines,
regarder tout ce qu'Octobre illumine, 
mes mains sur tes cheveux,
des écharpes pour deux,
devant le monde qui s'incline.

Certainement appuyés sur des bancs,
il y aura quelques hommes qui se souviennent,
et des nuages pris sur les antennes.

Je t'offrirai des fleurs
et des nappes en couleurs
pour ne pas qu'Octobre nous prenne.

Et sans doute on verra apparaître
quelques dessins sur la buée des fenêtres.

Vous, vous jouerez dehors,
comme les enfants du Nord.
Octobre restera peut-être.

Vous, vous jouerez dehors,
comme les enfants du Nord.
Octobre restera peut-être.